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Au Pérou, "semer de l'eau" grâce à des canaux pré-hispaniques

Dans les hautes montagnes de la province de Huarochiri, au Centre-Ouest du Pérou, une ONG et des habitants réhabilitent un réseau de canaux de pierre datant de l’ère pré-hispanique qui pourrait assurer un approvisionnement en eau à des dizaines de milliers de personnes.

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Un canal de pierre datant de l’ère pré-hispanque, à San Pedro de Casta, au Pérou.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Nous sommes éleveurs et agriculteurs, et pour nous chaque goutte d’eau souterraine nous aide à survivre", raconte Roosevelt Calistro Lopez, 43 ans, un des 900 habitants de la commune rurale de San Pedro de Casta, située

à 3.200 m d’altitude, à 80 km de Lima.

Ce système ancestral consiste à récupérer à très haute altitude les eaux de ruissellement et à les amener par des canaux de pierre jusqu’à des roches fracturées pour que l’eau s’infiltre dans le sous-sol, abonde les aquifères souterrains et réapparaisse sous forme de source bien plus bas. Datant d’il y a environ 1.400 ans, le réseau nécessite une bonne connaissance de la morphologie montagneuse et du cycle de l’eau.

Localement, les rigoles de pierre sont connues sous le nom d’"amunas", un mot quechua qui signifie "retenir l’eau". On les appelle aussi "semences d’eau" car l’eau "semée" en hauteur à la saison des pluies est récupérée plus bas en saison sèche par les paysans pour les cultures et l’élevage.

Depuis 2017, un projet de revitalisation de canaux abandonnés est mené par l’ONG Aquafondo, en collaboration avec les habitants.

"Les amunas ne sont pas nouvelles pour nous, mais nous les améliorons. Il y a des endroits où elles étaient à sec, il y a maintenant à nouveau de l’eau", explique Roosevelt Calistro au point de départ de l’amuna Punabamca-Cacala.

Cette rigole longue de 917 m a été restaurée en 2020. Elle est accessible à pied après une marche de 7 km depuis le village.

Au total, 17 km d’amunas ont déjà été remises en service dans la région. Elles recueillent suffisamment d’eau pour alimenter "environ 82.000 personnes pendant un an", informe Mariella Sanchez Guerra, directrice exécutive d’Aquafondo.

Car le réseau ne sert pas qu’aux habitants de la zone. Il alimente le bassin de la rivière Santa Eulalia, un des principaux affluents du fleuve Rimac qui naît dans les Andes à 5.500 m d’altitude et qui fournit 80% de l’eau de la capitale Lima.

À terme, l’ONG et les habitants, qui sont rémunérés pour les travaux de restauration, comptent remettre en service un total de 67 km d’amunas d’ici 2025.

Risques hydriques

Le travail de restauration n’est pas simple. Il y a des risques de chutes et il faut déplacer à la force des bras de lourdes pierres qui doivent s’emboîter symétriquement. Les travaux n’ont lieu qu’entre octobre et décembre, avant la saison des pluies.

Des experts inspectent un canal de pierre datant de l’ère pré-hispanque, à San Pedro de Casta, au Pérou.
Photo : AFP/VNA/CVN

Mais l’irruption de la pandémie de COVID-19 a compliqué les choses. Le tourisme a été stoppé net et les prix des produits agricoles se sont effondrés, parfois de "80%", dit Deudonio Rojas de la Cruz, 63 ans, maire-adjoint du village.

"Nous avons réfléchi pendant des jours pour savoir si nous poursuivions l’intervention sur les amunas ou non, nous ne voulions faire courir à personne le risque d’attraper le virus, raconte la responsable d’Aquafondo. Mais nous étions inquiets pour les revenus que génère" le projet pour les habitants qui participent à tour de rôle.

Il y a aussi l’urgence climatique. Lima, qui compte 10 millions d’habitants, est installée dans une zone désertique et ne détient que 2% des ressources en eau du pays. La capitale est ainsi soumise à de forts risques hydriques.

Les amunas sont "importantes" pour faire face à ces risques, alors que les trois fleuves - Rimac, Lurin et Chillon - qui alimentent la capitale sont "assez dégradés", souligne Mariella Sanchez Guerra.

Chaque kilomètre d’amuna permet ainsi d’acheminer 178.000 m3 d’eau par an, et l’ONG espère qu’à terme 80% de l’eau recueillie par ce réseau ancestral parvienne à la capitale, contre 20% aujourd’hui.

"Quand j’étais enfant, j’écoutais mes parents qui disaient qu’il fallait semer l’eau dans la partie haute. Aujourd’hui je comprends ce qu’ils voulaient dire", se félicite Roosevelt Calistro.


AFP/VNA/CVN

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