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Des troncs acheminés dans la scierie Siat-Braun à Urmatt, dans le Bas-Rhin, le 16 janvier. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"La forêt allemande est deux fois plus petite et elle génère presque trois fois plus d'emplois", constate auprès de l'AFP M. Siat, qui préside aussi la Fédération Nationale du Bois (FNB). Après des années de crise, la filière bois française compte désormais accélérer son développement et se moderniser.
Sous une pluie battante, autour de la gare d'Urmatt, à une demi-heure de train de Strasbourg et à proximité du massif vosgien, une centaine de camions pénètrent chaque jour sur le site pour y livrer entre 5.000 et 6.000 résineux, principalement des épicéas: l'entreprise débite et transforme les grumes depuis sept générations.
"Il y avait 15.000 scieries en France il y a moins de 30 ans, il y en a 1.200 aujourd'hui", explique Paul Siat, ex-directeur général et frère de Philippe, dans l'entreprise depuis 35 ans, laquelle emploie aujourd'hui 350 personnes, pour 115 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Si de nombreuses petites unités ont fermé, "la tendance est à la consolidation. Un quart des chefs d'entreprises de scieries n'ont pas de candidats à la reprise. On perd entre 40 et 80 scieries par an, et ce n'est pas près de s'arrêter. Cela veut dire que les grosses entreprises continuent de grossir plus vite que la moyenne", explique à l'AFP Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la FNB.
Siat-Braun fait partie des entreprises qui grandissent: il y a cinq ans, elle a déboursé quelque 80 millions d'euros, dont 35 millions d'euros pour une unité à rayons X.
"La scierie, c'est passer d'un produit circulaire à un produit parallèlépipèdique", explique Philippe Siat, en suivant des yeux une des grumes dans un caisson, telle une valise à l'aéroport.
Elle est prise en photo pour être tracée, passée aux rayons X pour détecter des noeuds et des défauts. L'ordinateur propose le meilleur compromis de tronçonnage et la meilleure valorisation possible, selon la structure du tronc, la taille des noeuds.
Crainte de pénurie
"Pour que la filière se muscle, il faut qu'elle assure l'avenir de sa matière première", alerte Philippe Siat, patron de la scierie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
La scierie a investi dans le même temps dans une unité de cogénération. La grande chaudière fonctionne 24 heures sur 24, utilise des écorces pour produire de la chaleur et de l'électricité revendue à EDF. L'unité de fabrication de granulés qui jouxte cette source d'énergie verte, vient parfaire la valorisation des "coproduits" du bois. Mais la famille Siat, qui produit déjà tasseaux et moulures aimerait ne pas s'arrêter là.
"Plus on avance dans la chaîne, plus on a de l'ingéniérie. Si on va jusqu'à la pose (du parquet, par exemple), avec un euro à l'entrée, on en retrouve à peu près 30 ou 40 à la sortie", explique M. Douzain-Didier.
Alors que la filière a doublé la proportion de bois résineux sciés en France et découpe désormais 80% de ces essences pour le marché hexagonal, elle souhaiterait suivre le même chemin pour les bois techniques à forte valeur ajoutée, dont 80% sont aujourd'hui importés.
"Pour que la filière se muscle, il faut qu'elle assure l'avenir de sa matière première", alerte Philippe Siat, qui affirme que la France ne replante actuellement que 25 millions d'épicéas par an et 70 millions d'arbres toutes essences confondues, contre 300 millions en Allemagne, et un milliard en Pologne.
Il espère donc une intervention de la puissance publique et un plan de filière ambitieux.
Un voeu partagé par les propriétaires forestiers, pourtant pas toujours d'accord avec les scieurs. "Il y a des signaux d'inquiétude", reconnaît Eric Toppan, économiste du bois et directeur général adjoint de Fransylva, fédération des syndicats de forestiers privés.
Si en résineux, la filière vit encore sur les acquis du Fonds Forestier National, mis en place par le Conseil National de la Résistance (CNR) en 1946 et arrêté en 1999, d'ici une vingtaine d'années, "on va avoir une production quatre fois inférieure à celle qu'on connaît", estime M. Toppan. "Dans le contexte du changement climatique, il serait totalement aberrant d'être la génération qui hypothèque l'avenir d'une filière et au-delà l'avenir de nos concitoyens", prévient-il.