Au Bhoutan écolo, la montée en puissance de la voiture

Chaque matin désormais, "c'est le chaos": lorsqu'elle dépose sa fille de quatre ans à l'école avant d'aller au bureau, Kuenzang Choden doit compter avec des embouteillages, un phénomène nouveau au Bhoutan où la voiture monte en puissance.

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Des voitures dans un bouchon à Thimphou, la capitale du Bhoutan, le 19 avril.
Photo: AAAFP/VNA/CVN

En heures creuses, le trajet en voiture de son domicile à l'établissement scolaire ne prendrait que cinq minutes. Mais cette habitante de la capitale Thimphou y perd maintenant près d'une demi-heure le matin.
"Je mange mon petit-déjeuner dans la voiture pour gagner du temps", raconte-t-elle.
Les bouchons de circulation, longtemps considérés comme un problème d'ailleurs, sont apparus ces dernières années dans ce petit royaume montagneux enclavé entre l'Inde et la Chine et très soucieux de l'environnement.
Au début du siècle, cette nation de 750.000 habitants ne comptait que 19.000 quatre-roues motorisés, contre plus de 100.000 voitures et camions aujourd'hui, selon le directeur général de l'autorité des transports Pemba Wangchuk.
Certes, on ne dénombre qu'un véhicule pour sept Bhoutanais, loin du score d'environ un par tête aux États-Unis, mais les étroites routes de campagnes du Bhoutan et le mauvais entretien des rues en ville font que les axes de circulation saturent vite.
Pour le consultant Phuntsho Wangdi, les embouteillages et le manque de places de stationnement rendent la conduite stressante. "J'aimerais qu'il y ait moins de voitures", confie-t-il. "Je dois planifier en avance si je veux aller quelque part, ce n'était pas comme ça avant".
La capitale, avec ses 100.000 habitants, concentre à elle seule la moitié des voitures du pays, selon les chiffres du gouvernement. Et près de 20 nouveaux véhicules s'ajoutent chaque jour sur les routes de cette nation dénuée du moindre feu rouge.
Inquiétude écologique 
De l'avis des habitants de Thimphou, les embouteillages ont commencé à apparaître il y a cinq ans mais se sont aggravés ces 12 derniers mois.
Et malgré la hausse des taxes sur les voitures et les restrictions imposées au crédit auto, rien n'y fait, les ventes décollent. Les crédits auto ont doublé en trois ans, passant d'un volume de 3,2 milliards de ngultrums (41 millions d'euros) prêtés en 2015 à 6,7 milliards de ngultrums (86 millions d'euros) en 2018, d'après les statistiques officielles.
Les concessionnaires remplissent leurs vitrines de nouveaux modèles et marques du Japon et de la Corée du Sud pour attirer les acheteurs.
Si les affaires roulent pour les vendeurs de voitures, la propagation de véhicules motorisés n'est pas sans inquiéter la sensibilité écologique du Bhoutan, fier de son statut de pays au bilan carbone négatif.
Le Bhoutan et le Suriname sont les deux seules nations du globe à revendiquer, grâce aux forêts couvrant la majeure partie de leur territoire, l'absorption de plus d'émissions de dioxyde de carbone qu'elles n'en émettent.
Mais les voitures et l'industrie bhoutanaises contribuent de plus en plus aux émissions nationales, qui provenaient auparavant surtout du méthane du bétail et des activités agricoles.
La Constitution du Bhoutan oblige à ce qu'au moins 60% du territoire soit recouvert de forêts. Elles occupent près de 70% de la superficie du pays à l'heure actuelle.
"Décourager la possession de voitures" 
Avec le développement des véhicules, le Bhoutan doit désormais importer davantage d'hydrocarbures qu'il n'exporte d'électricité provenant de ses barrages, sa principale source de revenus, selon le gouvernement.
À Thimphou, la voiture est d'autant plus incontournable que les transports publics sont peu développés. La ville compte à peine 40 bus.
Face au boom automobile, la municipalité envisage désormais de construire deux parkings de 600 places chacun mais aussi d'acheter davantage de bus et de leur réserver des voies.
"L'heure est venue pour des mesures radicales", explique le maire de Thimphou, Kinlay Dorji. "Nous devons rendre les transports en commun plus attractifs et décourager la possession de voitures".
Pour Dasho Sonam P. Wangdi, membre de la Commission nationale de l'environnement, la propagation de la voiture est difficile à freiner, mais le mouvement peut être orienté vers des véhicules plus verts.
"Nous ne pouvons pas empêcher les gens d'acheter des voitures, mais nous pouvons introduire des voitures alternatives, moins polluantes comme des hybrides ou des électriques pour réduire l'empreinte carbone", propose-t-il.

AFP/VNA/CVN

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