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Déguisée en Blanche-Neige, une manifestante soutient le remboursement par Apple des avantages fiscaux, le 2 septembre 2016 devant le Parlement à Dublin. |
"Le gouvernement a décidé à l'unanimité de faire appel de la décision de la Commission européenne", a indiqué le ministre des Finances irlandais Michael Noonan lors d'une conférence de presse, dénonçant une "intrusion" de la Commission qui nuit aux "intérêts" du pays. Selon lui, "les impôts [dus par Apple] ont été payés en totalité". "L'Irlande n'a accordé aucun avantage fiscal à Apple", a-t-il souligné, jugeant que "certains en Europe envient la manière dont nous avons réussi à faire venir tant d'entreprises à Dublin".
Un porte-parole de la Commission européenne a réagi en assurant qu'elle "défendrait sa décision devant la justice". Peu avant, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, avait assuré que la Commission était "persuadée, tout à fait certaine" que sa décision est "juridiquement fondée". "Quand on fait appel, (...) c'est parce qu'on a un doute sérieux, là en l'occurrence un appel ne peut pas être fait pour gagner du temps", a mis en garde le commissaire français.
La décision de Dublin évite au fragile exécutif irlandais, dont les ministres étaient apparus divisés, de plonger dans une crise. Le Parlement irlandais, qui devait faire sa rentrée le 27 septembre, sera convoqué en session exceptionnelle mercredi pour débattre du sujet. Mais son vote ne sera que consultatif.
Mépris absolu envers les citoyens
Le ministre des Finances irlandais Michael Noonan lors d'un point de presse à Dublin le 2 septembre. |
Renoncer au remboursement de 13 milliards d'euros par Apple est "obscène", a jugé vendredi 1er septembre Mary Lou McDonald, N.2 du Sinn Féin, parti d'opposition. "Cela démontre un mépris absolu envers les citoyens et la justice sociale et fiscale". Les Irlandais sont divisés sur la question: certains souhaitaient en effet voir Dublin faire appel pour préserver l'économie du pays, qui profite énormément du faible taux d'impôt sur les sociétés, l'un des plus bas d'Europe à 12,5%.
Les multinationales présentes en Irlande emploient plus de 170.000 personnes, soit quasiment 10% de la population active. Mais la pression populaire s'est faite de plus en plus forte pour voir ces milliards utilisés pour soulager le pays de la cure d'austérité qu'il subit depuis des années.
Ces 13 milliards d'euros représentent l'équivalent de 5% du produit intérieur brut (PIB) de l'Irlande et la quasi-totalité de son budget annuel pour la santé. Apple a bénéficié d'après la Commission européenne d'un taux d'imposition sur ses bénéfices européens de seulement 1% en 2003, qui a diminué jusqu'à 0,005% en 2014.
Statut fiscal souverain
Le gouvernement de coalition irlandais, dirigé par le parti de centre droit Fine Gael, fonctionne sans majorité grâce à un accord avec le principal parti d'opposition Fianna Fail. Le budget, qui doit être annoncé en octobre, devra composer avec les retombées économiques pour l'Irlande de la décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne.
James Lawless, le porte-parole pour les questions technologiques du Fianna Fail, avait pour sa part estimé que l'Irlande devait faire appel, reconnaissant cependant que cela serait difficile à expliquer aux électeurs qui veulent voir l'argent déposé "dans un paquet cadeau à leur porte".
"Je cherche plutôt à préserver le statut fiscal souverain de l'Irlande", a-t-il dit, estimant que "l'Irlande a été prise dans les tirs croisés entre les États-Unis et l'Europe". Avec 5.000 employés et la promesse de 1.000 embauches supplémentaires, Apple est désormais le plus grand employeur à Cork, la deuxième plus grande ville d'Irlande.
La décision du gouvernement devrait satisfaire le patron d'Apple, Tim Cook. "Nous sommes engagés en Irlande depuis 37 ans, nous avons une histoire d'amour de long terme ensemble et je suis plutôt confiant sur le fait que le gouvernement va prendre la bonne décision et je pense que la bonne décision est de se tenir debout et de riposter", avait-il expliqué jeudi sur la télévision irlandaise RTE.
AFP/VNA/CVN