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Ce destin de kamikaze français, il l'écartait en octobre 2012 devant les policiers qui l'avaient arrêté parce qu'il s'apprêtait à partir en zone de jihad, en Somalie, en Afghanistan ou au Yémen.
L'attentat-suicide, "ce n'est pas la seule manière de gagner le paradis", "moi je sais que je ne suis pas capable de le faire", leur explique-t-il, selon ses propos rapportés par une source proche de cette enquête. Il se dit alors favorable au jihad en terre d'islam mais affirme rejeter tout appel à la haine contre des innocents.
Photo de Samy Amimour, l'un des kamikazes du Bataclan, remise par sa famille le 16 novembre. |
Trois ans plus tard, avec deux autres Français revenus de Syrie, il tue 90 personnes au Bataclan avant de déclencher sa ceinture explosive. Son corps déchiqueté est retrouvé sur la scène, à côté d'une kalachnikov où une balle est engagée, prête à servir encore. Est-il ce kamikaze qui, selon le témoignage d'un survivant, aurait tapoté durant la tuerie un xylophone en laissant échapper un rire ?
"Grosse tête"
Mort à 28 ans, Amimour a grandi à Drancy, coincé entre deux sœurs, dans une famille sans histoire, mais où on ne communique guère, selon les témoignages. Ceux qui l'ont connu le décrivent comme "timide", "calme", "pas méchant du tout", "introverti", fan des répliques de Louis de Funès, et plutôt bon élève jusqu'au bac. Au point d'être surnommé "grosse tête" par certains camarades.
La suite est plus compliquée : il échoue en droit à la fac de Villetaneuse, abandonne un IUT de logistique. Puis il devient chauffeur de bus de la RATP avant de démissionner en 2013.
Amimour n'est pas encore Abou al Qital al Faransi, sa "kounya" (surnom) en Syrie, mais il a basculé.
Ses proches racontent qu'il a fait son éducation religieuse sur internet. Il est en relation avec un administrateur du site jihadiste français Ansar Al-Haqq, regarde des vidéos de Ben Laden au grand dam de sa famille.
Fréquentant à partir de 2010 des mosquées des communes voisines du Blanc-Mesnil et du Bourget, il se munit de gants pour serrer la main des non musulmans, exprime son dégoût de la musique, reproche à ses parents leurs reproductions de papyrus égyptien accrochées au mur, vomissant cette religion polythéiste, selon les témoignages. En 2012, un de ses anciens camarades est surpris de le croiser en kamis (long vêtement traditionnel).
La trace se perd en août
C'est peu après qu'il est interpellé avec deux amis de Drancy, Samir Bouabout et Charaffe Mouadan. Les trois hommes se sont sommairement initiés au tir sportif mais leur projet a échoué, faute d'expérience et de contacts. Mis en examen, le trio est laissé libre sous un contrôle judiciaire qu'ils mettront moins d'un an à violer pour partir en Syrie.
Amimour et Bouabout sont repérés le 6 septembre 2013 par les services turcs, détaille une source proche du dossier. Un troisième Français les accompagne : Omar Ismaïl Mostefai, un autre kamikaze du Bataclan. Selon les témoignages, Mostefai et Amimour semblent très amis en Syrie, où le second est blessé à la jambe par un obus début 2014.
Il se lie à d'autres jihadistes, dont un mystérieux "Abou Souleymane", qui, selon une source proche du dossier, pourrait être un cadre belge de l'organisation de l'État islamique. Au Bataclan, les kamikazes ont évoqué un "Souleymane", selon une source proche de l'enquête.
Après avoir échoué à faire venir une convertie avec qui il échangeait sur Facebook, Amimour parvient en octobre 2014 à convaincre une lycéenne de Terminale encore mineure de Seine-Saint-Denis de fuguer pour le rejoindre et l'épouser. Selon une source proche du dossier, Amimour aurait quitté le domicile conjugal en août dernier. A-t-il alors entamé sa route de retour vers ses crimes ?