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Le professeur français Yves Dénéchère (gauche), le directeur de l'Institut français du Vietnam, Étienne Roland-Piegue (centre), et la représentante de l’UNICEF Vietnam, Lê Hông Loan. |
Le 17 avril à L'Espace, de nombreux intéressés ont discuté de l’adoption internationale et de la protection de l’enfance, sous la direction d’Yves Dénéchère, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers, et de Lê Hông Loan, spécialiste de la protection de l’enfance, représentante de l’UNICEF Vietnam.
Adoption internationale:
une protection historique des enfants
D’après le rapport du professeur Yves Dénéchère, l’adoption internationale a été reconnue dès les années 1920 en France, et elle consiste depuis à "une évolution naturelle". Dans les années 1950, ce phénomène a été reconnu d’ampleur internationale, notamment aux États-Unis et en Europe.
Selon lui, la première conférence sur l’adoption internationale en Suisse au début des années 1960 a mis en exergue deux idées importantes: l’adoption va remplacer la famille naturelle, et il faut promouvoir le "bien-être de l’enfant". Depuis, de nombreuses associations ont été créées pour aider notamment les enfants victimes du sous-développement, menacés par la famine, la misère... "L’adoption internationale est devenue un moyen efficace pour venir en aide aux enfants malheureux", a-t-il estimé.
Dans les années 1970, les premiers pays d’origine des enfants adoptés étaient l’Inde, le Laos, le Liban, le Vietnam (en guerre à l’époque) et la Corée du Sud (également en guerre).
Depuis les années 1980, les pays d’Amérique latine sont aussi concernés par ce phénomène.
Pourtant, malgré la bonne volonté de la plupart des parents, les scandales sur le trafic international d'enfants éclatent.
De nombreux textes et événements affirment les droits des enfants. On peut citer la Déclaration des droits de l'enfant de 1959, l’Année internationale de l’enfant déclarée en 1979, la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989, et la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale de 1993.
En France, Dénéchère a noté un net recul dans l’adoption internationale en général: seulement 615 enfants en 2018, contre 4.000 en 2003. C’est en fait une baisse au niveau mondial, souvent à cause "des exigences imposées par les pays sources aux pays d’accueil". La première génération des adoptés devient maintenant "les acteurs principaux en la matière..., en fondant leur action, leur réflexion sur l’intérêt supérieur de l’enfant, mais aussi l’intérêt supérieur de la personne adoptée à tous les âges", a insisté le professeur français.
En réalité, la France est le 3e pays d’accueil des enfants vietnamiens. Selon Dénéchère, 1.300 enfants vietnamiens arrivent en France chaque année.
Protection des enfants au Vietnam:
un long chemin à parcourir
Au Vietnam, environ 1,4 million d’enfants vivent dans des conditions extrêmement difficiles dont 176.000 orphelins. Quelque 22.000 vivraient actuellement dans les foyers d’accueil.
Reconnaissant les efforts du gouvernement vietnamien depuis quelques années pour la protection des enfants, Lê Hông Loan, chargée du service de protection des femmes et des enfants de l’UNICEF Vietnam, a pourtant précisé que "les défis restent toujours réels".
En 2016, le Vietnam a publié le Code des droits des enfants, d’où provient la majeure partie de la législation sur leur protection. Cependant, "les législateurs ont mal défini les crimes, par exemple la pédopornographie ou les abus sexuels sur mineur", a souligné la spécialiste vietnamienne. Elle voudrait particulièrement "actualiser et reconnaître les nouveaux modes d’abus, tels que la discimination, les abus sur Internet et l’enregistrement médiatique illégal du corps des mineurs".
La spécialiste regrettait que le Code pénal vietnamien ne soit pas assez sévère sur ces crimes. Elle a aussi montré quelques incohérences dans les définitions vietnamienne et internationale en la matière. Par exemple, la majorité au Vietnam est à 16 ans, tandis que dans presque tous les autres pays, elle est plus tardive (18 ans). Par conséquent, les 16-18 ans au Vietnam se trouvent dans une zone de non-protection légale.
Lê Hông Loan a félicité les efforts du Vietnam dans la formation et le recrutement du personnel pour la protection de l’enfance. Elle a surtout insisté sur le fait que cette protection est une mission pour toute la société, qui a besoin de collaborations entre "le gouvernement, le système judiciaire, les gendarmes, les écoles, mais aussi les centres médicaux et les associations". Cependant, via ses propres expériences internationales, Mme Loan a trouvé que le Vietnam "n’a pas beaucoup de spécialistes en la matière, on a donc besoin d’un programme national uniforme, afin de répondre au moins aux problèmes de chaque province".
Protection de l'enfance,
sujet commun des intervenants internationaux
Yves Dénéchère est professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers et directeur du laboratoire de recherche "Temps, Mondes, Sociétés". Il a effectué et encadré de nombreux travaux de recherche autour des thèmes de l’histoire transnationale de l’enfance, des droits des enfants, de l’adoption internationale, des parrainages d’enfants, de l’action humanitaire et du rôle des femmes en politique. De 2012 à 2017, il a été membre du Conseil supérieur de l’adoption au titre de personnalité qualifiée. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages et publications sur l’histoire et les droits de l’enfant.