>>Présidentielle : les Afghans ont voté sous la menace des attentats et de la fraude
>>Les Afghans aux urnes pour une présidentielle
Une responsable de la Commission électorale en Afghanistan vide une urne pour le comptage des voix après la fermeture des bureaux de vote pour l'élection présidentielle, le 28 septembre. |
Environ 9,6 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes samedi 28 septembre dans l'Afghanistan en guerre pour choisir le chef de l'État parmi 18 candidats, avec deux favoris, l'actuel président Ashraf Ghani et son chef de l'exécutif Abdullah Abdullah.
Selon les informations disponibles, le scrutin semble avoir été épargné par des attentats aussi meurtriers que ceux ayant endeuillé la campagne électorale, avec par exemple 26 morts dans une seule attaque le 17 septembre.
Le ministre de l'Intérieur, Massoud Andarabi, a fait état samedi soir 28 septembre de cinq morts parmi les forces de l'ordre et de 37 blessés civils, dans diverses attaques attribuées au talibans. Mais lors des précédents jours d'élections ces dernières années, les autorités ont souvent été mutiques sur les attaques, pour finalement annoncer des bilans plus lourds par la suite.
La participation devrait être la plus basse des quatre scrutins présidentiels tenus depuis 2004.
La Commission électorale a annoncé dimanche soir 29 septembre que selon les chiffres disponibles pour les trois quarts des bureaux de vote (3.736 sur 4.905), un peu plus de 20% des électeurs (2,19 millions) avaient mis un bulletin dans l'urne.
À ce rythme la participation finale, attendue lundi 30 septembre, pourrait tourner autour de 25%. Loin derrière le plus bas enregistré jusqu'ici, qui était de 38% au premier tour de la présidentielle de 2009.
Haroun Mir, chercheur indépendant à Kaboul, a minimisé les conséquences d'un faible taux de participation, jugeant que "le prochain gouvernement aura un mandat plus fort que l'actuel, parce que l'élection est beaucoup plus +propre+ que les précédentes".
Peur des attaques
La peur des attaques, mais aussi de la fraude, ont joué un rôle dans cette désaffection, selon de nombreux témoignages de citoyens recueillis avant l'élection. Les précédentes présidentielles de 2014 et 2009 avaient été entachées de fraudes massives.
Les talibans avaient appelé la population à ne pas aller voter en annonçant que leurs moujahidines viseraient "les bureaux et les centres (de vote) de ce spectacle".
Les talibans ont revendiqué 531 attaques dans la journée de samedi 28 septembre, le ministère de l'Intérieur en annonçant 68.
L'Institut de recherche indépendant Afghan Analyst Network (AAN) en a recensé plus de 400, en rassemblant les chiffres d'observateurs étrangers, des siens et de sources publiques.
De nombreux électeurs ont aussi boudé les urnes par crainte d'irrégularités semblables à celles qui avaient gravement entaché l'élection de 2014.
Pourtant, de nombreux observateurs ont souligné que celle de samedi 28 septembre était plus transparente et mieux organisée que la précédente. La directrice de la Commission indépendante des droits de l'Homme en Afghanistan, Shaharzad Akbar, a ainsi remarqué que "la situation sécuritaire s'est révélée meilleure que nous nous y attendions".
Elle a admis "des irrégularités et difficultés techniques, comme attendu, mais qui ont été réglées plus rapidement que lors des dernières élections". Toutes choses qui lui ont fait dire que "si on leur en donne la chance, les Afghans souhaitent vraiment participer au processus démocratique".
Déchargement sous haute sécurité de caisses contenant des bulletins de vote, le 29 septembre à Kaboul. |
Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a loué "tous les Afghans qui ont exercé leur droit démocratique" et les a "félicités pour leur engagement à choisir leurs dirigeants à travers les urnes".
Le Département d'État américain a "applaudi le courage des électeurs afghans" et enjoint aux autorités, selon un porte-parole, de prendre "toutes les mesures pour s'assurer que l'élection... soit transparente et crédible".
Bon nombre d'électeurs sont aussi restés chez eux, ayant perdu tout espoir que leurs élites améliorent leurs conditions d'existence, dans un pays où 55% de la population vivait avec moins de 2 USD par jour en 2017.
Enfin, la campagne électorale a paru prise en otage par les pourparlers entre les États-Unis et les talibans sur un retrait des forces américaines. Donald Trump y a brutalement mis fin début septembre. Nombre d'observateurs pensaient que l'élection serait suspendue pour laisser la place à l'application du plan de retrait.
Les résultats préliminaires doivent être annoncés le 19 octobre et les définitifs le 7 novembre. Si aucun des candidats du premier tour n'a reçu plus de 50% des suffrages, un deuxième tour se tiendra alors dans les deux semaines suivantes.
Un des enjeux du scrutin est de procurer au futur chef de l'État une légitimité suffisante pour espérer devenir un interlocuteur incontournable dans d'éventuelles négociations de paix avec les talibans.
Mais ces derniers ont rejeté par avance tout compromis. "L'administration fantoche à Kaboul a tenu une élection fabriquée mais a rencontré l'échec et le rejet d'une vaste majorité de la nation", ont dit les talibans dans un communiqué samedi soir 28 septembre.
AFP/VNA/CVN