Présidentielle : les Afghans ont voté sous la menace des attentats et de la fraude

Les Afghans ont voté samedi 28 septembre au premier tour d'une élection présidentielle menacée par la fraude et l'abstention, et malgré un climat d'insécurité dû à des attaques de talibans qui ont fait au moins cinq morts et 37 blessés.

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Des femmes attendent pour voter devant un bureau de Herat, dans l'Ouest de l'Afghanistan, le 28 septembre.

L'élection, à deux tours, rassemble 18 candidats à un mandat de cinq ans. Elle oppose deux favoris, l'actuel chef de l'État Ashraf Ghani et son chef de l'exécutif Abdullah Abdullah.

Les talibans avaient multiplié les avertissements aux quelque 9,6 millions d'électeurs pour les dissuader d'aller voter, en expliquant que leurs moudjahidines viseraient "les bureaux et les centres (de vote) accueillant ce spectacle".

Les résultats préliminaires sont attendus le 19 octobre et les définitifs le 7 novembre. Un deuxième tour se tiendrait, le cas échéant, dans un délai de quinze jours après cette date.

La première inconnue reste l'ampleur de l'abstention. Outre les raisons de sécurité, bon nombre d'électeurs sont restés chez eux, ayant perdu tout espoir que leurs dirigeants améliorent leurs conditions d'existence.

Après avoir voté, le chef de l'État a déclaré que cette élection permettrait "d'aller vers la paix avec une vraie légitimité". Les talibans ne lui en reconnaissent aucune, le traitant de "marionnette".

Mr. Ghani espère une réélection qui ferait de lui un interlocuteur incontournable pour négocier avec les talibans. Dans une allocution télévisée samedi soir 28 septembre il les a appelé à "respecter le choix du peuple et arrêter la guerre". "Les portes de la paix leur sont ouvertes", a-t-il lancé.

Blessé dans un hôpital de Jalalabad, dans l'Est de l'Afghanistan, le 28 septembre.

Les insurgés ont rejeté par avance tout compromis. "L'administration fantoche à Kaboul a tenu une élection fabriquée mais a rencontré l'échec et le rejet d'une vaste majorité de la nation", ont dit les talibans dans un communiqué.

"Nous comptons cinq martyrs dans les forces de l'ordre et 37 civils blessés", a dit le ministre de l'Intérieur Massoud Andarabi, dans une conférence de presse. À ses côtés, le ministre de la Défense Asadullah Khaldi a affirmé qu'"il y a eu moins d'attaques de l'ennemi comparé aux élections précédentes", sans fournir de chiffres.

Le bilan paraît très faible par rapport à celui des législatives de 2018, avec plus de 60 morts. Il pourrait changer, les autorités ayant apporté jusqu'ici peu d'informations sur les incidents à travers le pays.

Le ministère de l'Intérieur a déployé 72.000 hommes pour garder les près de 5.000 bureaux de vote, et interdit l'accès à la capitale à tous les camions et camionnettes depuis mercredi 25 septembre, par peur des attentats aux véhicules piégés.

"Je sais qu'il y a des menaces, mais les bombes et les attaques font partie de notre quotidien", a dit Mohiuddin, un électeur de 55 ans à Kaboul. "Je n'ai pas peur, nous devons voter si nous voulons pouvoir changer notre vie", a-t-il affirmé.

La campagne électorale a démarré fin juillet par un attentat qui a fait 20 morts. Plus de cent autres personnes ont péri dans des attaques revendiquées par les talibans depuis.

Quatrième présidentielle 

Une femme vote à Jalalabad, dans l'est de l'Afghanistan, le 28 septembre.
Photo : AFP/VNA/CVN

C'est la quatrième élection présidentielle dans l'histoire du pays. La première s'était tenue en 2004.

Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah se sont déjà affrontés en 2014, dans une élection marquée par des irrégularités si graves que les Etats-Unis avaient imposé par leur médiation la création du poste de M. Abdullah, réputé arrivé second.

Les autorités afghanes ont assuré avoir pris toutes les mesures pour éviter la fraude, en déployant une batterie de moyens techniques, dont des lecteurs biométriques.

Plusieurs témoignages d'électeurs recueillis en province ont fait état d'incidents techniques, avec des lecteurs biométriques défectueux ou des registres d'inscrits incomplets.

La Commission indépendante des droits de l'Homme en Afghanistan (AIHRC)a confirmé ces observations. Ses membres sur le terrain "ont rapporté que le nombre d'électeurs dans les bureaux était bas, notamment à cause de la sécurité", selon un communiqué.

Le futur chef de l'État prendra la tête d'un pays en guerre, où 55% de la population vivait avec moins de deux dollars par jour en 2017, et où le conflit avec les insurgés a tué plus de 1.300 civils au premier semestre 2019, selon l'ONU.

L'élection se tient alors que les pourparlers entre Américains et talibans sur un retrait des troupes américaines sont au point mort, rendant toujours aussi lointaine la perspective d'un dialogue inter-afghan (entre gouvernement et insurgés) pour arriver à la paix.

Le vote de samedi 28 septembre a longtemps paru pris en otage par ces pourparlers.

Donald Trump y a brutalement mis fin début septembre. Nombre d'observateurs pensaient que l'élection serait suspendue pour laisser la place à l'application du plan de retrait.

Ce dernier, négocié sans le gouvernement de M. Ghani, prévoyait l'ouverture d'un dialogue inter-afghan.

AFP/VNA/CVN

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