Soirée musicale en octobre dernier à l’Opéra de Hanoï en hommage au peintre-compositeur Nguyên Ðình Phúc. |
Mes grands-parents paternels t’ont donné, papa, le prénom de Phúc qui signifie “Bonheur”. Oui, tu as connu une vie remplie de tant d’évènements mais ce fût une vie heureuse. Heureuse parce que tu avais maman, la compagne de ta vie, incarnant parfaitement la femme vietnamienne.
Tu es né le 20 août 1919 à Hanoï et tu es parti pour toujours le 28 mai 2001. En 2019, pour célébrer le 100e anniversaire de ta naissance, une soirée musicale intitulée Tiêng đàn bâu (Les sons du monocorde) a été organisée le 17 octobre à l’Opéra de Hanoï.
Cette soirée-là, la salle du Théâtre municipal était emplie de représentants d’organismes, de tes collègues, de tes amis, de tes proches et de nombreux invités. À cette occasion, tout le monde a pu mieux connaître tes œuvres musicales et picturales.
Les invités étaient ravis de contempler les 100 portraits peints à l’huile parmi lesquels plusieurs personnalités et artistes célèbres, ainsi que maman, toi-même et tes trois enfants. Telle une baguette magique, le pinceau dansait, de tableau en tableau, avec un style varié que les visiteurs pouvaient facilement reconnaître celui ou celle qui y était peint(e). Tu as travaillé jour et nuit, surtout à partir du moment où tu as pris ta retraite, pour créer des centaines de tableaux d’art sur divers sujets.
Durant plus d’une vingtaine d’années, tes amis vietnamiens et étrangers étaient accueillis dans notre petite maison pour découvrir les fruits de ton travail. Tu utilisais l’huile sur les toiles et l’acrylique sur le papier dó (rhamnoneuron). Les autres artistes savaient sans doute que tu avais gagné le Premier prix de l’exposition du Salon unique en 1943 avec le tableau Chú bé thổi sáo (Garçon jouant de la flûte) à l’âge de 24 ans. Tu avais présenté tes œuvres dans différentes expositions dont celle sur les fables de plusieurs pays en 1996 à l’Alliance française de Hanoï (L’Espace actuellement).
Un centenaire plein d’émotions
J’apprenais le français. Au début, je croyais que toi, tu étais musicien. Mais, en réalité, tu étais un véritable compositeur et tu savais jouer de plusieurs instruments comme le violoncelle, le piano et la mandoline.
Pendant cet événement, parmi tes 181 œuvres musicales écrites pour des films documentaires, des fictions et des dessins animés, les spectateurs ont pu réécouter les plus marquantes dont notamment la Symphonie N°1 en C majeur en trois mouvements et 12 chansons. L’une de ces chansons s’intitule Lệ thu (Les larmes d’automne), la première que tu as composée à l’âge de 21 ans. Une autre, qui vient tout juste d’être retrouvée, porte le nom de Hữu ngạn sông Thao (Rive droite de la rivière Thao). Elle a été présentée pour la première fois au public et fut très appréciée par les compositeurs et connaisseurs de musique présents.
Trois œuvres du feu compositeur-peintre Nguyên Dinh Phuc offertes aux invités lors de la soirée en l'honneur de son 100e anniversaire. |
Les dix autres œuvres, bien connues des auditeurs de radio et de télé, interprétées lors de cette soirée-là, étaient Bình ca (Débarcadère de la rivière Lô), Cô lái đò (Passeuse), Lời du tử (Parole du voyageur), Chiến sĩ sông Lô (Soldats de la rivière Lô), Nhớ anh giải phóng quân (Se souvenir des soldats de la libération), Gửi anh đi đầu quân (Parole à ceux qui s’engagent dans l’Armée), Bô lão chúng ta còn dẻo dai (Nous, les personnes âgées résilientes), Những bông hoa Cheng-rét (Fleurs Cheng-rét), Nhớ quê hương (Nostalgie) et Tiếng đàn bầu (Les sons du monocorde).
Dans la chanson Lời du tử, composée à Dà Lat (province de Lâm Dông, hauts plateaux du Centre) en 1943, tu écrivais : “En regardant les nuages, les nuages voler au pays natal, je suis triste car je suis tout seul…”. Mais papa, ce soir-là, tu aurais certainement été heureux parce que toutes les personnes présentes pensaient et parlaient de toi avec tant d’affections. Oh, si seulement tu avais été là !
À vrai dire, tu étais omniprésent dans les films documentaires projetés à l’écran, dans le discours de la présentatrice, dans les paroles des chanteurs, de tes collègues et de tes amis. Aujourd’hui, je voudrais, mon cher papa, réécrire ces paroles de ta chanson : “En regardant ce lieu, ce lieu, je suis heureux au pays natal car je suis entouré de nombreux amis…”. C’est ce que je voudrais te dire à l’occasion du centenaire de ta naissance, papa.
“C’est merveilleux !”
Aussi, tes trois œuvres Để góp phần vào vấn đề nghiên cứu quan họ (Pour participer à l’étude sur les chants alternés), Tranh chân dung của Nhạc sĩ-họa sĩ Nguyễn Đình Phúc (Portraits du compositeur-peintre Nguyên Đình Phúc) et Những ca khúc tuyển chọn của Nhạc sĩ-họa sĩ Nguyễn Đình Phúc (Chansons sélectionnées du compositeur-peintre Nguyên Đình Phúc) ont été offertes aux invités. Elles ont été soigneusement préparées par notre famille, et les invités ont pu découvrir ta troisième passion, hormis la musique et la peinture, celle d’écrire. Tu es l’auteur de 77 œuvres publiées dans différents registres : études, pièces de théâtre, récits, romans, mémoires, poésie…
Papa, ton zèle et ton dévouement pour le travail sont pour moi exemplaires. Tu travaillais sans relâche. Le travail était pour toi une passion, et même un jeu ! Chez toi, je vois un homme d’esprit, gai et optimiste. Tu as légué non seulement des œuvres précieuses à la vie, mais aussi un sourire éternel, sourire qui réchauffe le cœur des autres, surtout le nôtre.
Papa, je suis si fière de toi qui as coloré la vie avec tes œuvres. Je suis fière d’être ta fille. Je te remercie tellement de nous avoir apporté, à maman et à nous trois, une vie paisible et heureuse. Repose paisiblement et sois tranquille, mon très cher papa !
À la fin de la soirée, mon frère aîné a vivement remercié tous ceux qui travaillaient pour toi avec dévotion et l’ensemble des invités pour avoir contribué au beau succès du centenaire de ta naissance, toi, le compositeur-peintre Nguyên Đình Phúc.
Les remerciements de notre famille ont aussi été présentés par maman, en chaise roulante sur scène. Heureuse et le visage rayonnant malgré ses 95 ans, elle a conclu la cérémonie en répétant “C’est merveilleux, merveilleux !”, une phrase mêlée aux applaudissements.
Texte et photos : Nguyên Mai Thu/CVN