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Barrage de chariots devant l'entrée d'un hypermarché Carrefour de Marseille, samedi 31 mars. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Caissières, manutentionnaires, techniciens... Pour ces employés, payés au Smic ou quelques euros de plus et dont une bonne partie jonglent avec des horaires à temps partiel, la réduction drastique de la prime de participation, 57 euros cette année en moyenne contre 610 euros auparavant, a fait déborder le vase.
À 08h30, le rideau de fer s'est ouvert dans un concert de cornes de brumes, au milieu des drapeaux orange et rouge de la CFDT et de la CGT. Derrière le piquet de grève, les lumières sont allumées, quelques vigiles en place. Mais en cette veille de Pâques, aucun client ne rentrera. "On nous prend pour des merdes !" s'exclame Raymond Golay, barbe grise et bagues en métal blanc au doigt. Après 22 ans chez Carrefour, ce technicien touche 1.100 euros chaque mois. "Il n'y a aucune reconnaissance, on nous crache dessus".
Pour ces salariés, dont beaucoup issus des quartiers nord de Marseille, frappés par la pauvreté, un jour de grève est un sacrifice. Cet arrêt de travail, c'est déjà 140 euros de moins dans le budget à la fin du mois, expliquent Thomas et Coralie. Leur fils de 5 ans sur les épaules, ils forment une "famille" Carrefour, lui aux fruits et légumes, elle en caisse. "Le salaire, c'est pour payer les factures. La prime, c'est ce qui nous permet de vivre, et de partir en vacances", explique le jeune homme de 28 ans.
Ils espèrent que le blocage un samedi 31 mars de Pâques, l'un des plus gros jours de l'année dans la distribution, fera bouger l'entreprise. Au cœur des quartiers nord, surmontant la mer, Carrefour Grand Littoral devrait faire une croix sur 600.000 à 700.000 euros de chiffre d'affaires selon la CGT.
"Rentabilité à tout prix"
La direction est "en position de force, mais là avec le blocage, ils vont souffrir", estime Tania, une étudiante en BTS qui travaille à temps partiel aux caisses et fait grève pour la première fois. "J'ai besoin de travailler pour payer mes études", explique la jeune femme qui travaille tous les soirs jusqu'à 21h00 et tous les samedis. "Je dois faire un stage en banque et je n'ai pas de quoi me payer l'habillement nécessaire. Les temps sont durs".
Une salariée en grève, mégaphone en main, s'exprime samedi 31 mars dans l'hypermarché carrefour Grand Littoral à Marseille. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Au-delà de la prime, "on veut que nos salaires augmentent, et il y a aussi beaucoup de problèmes locaux : des étudiants qui travaillent avec une coupure au milieu de la journée sans être payés, de la discrimination syndicale...", souligne Samia Belaïd, salariée de Carrefour depuis 15 ans, mégaphone à la main.
"Dans ce magasin de 500 salariés, on risque de perdre six postes. Ils ont déjà l'intention d'automatiser la station-service et les caisses", ajoute Smaïl Ait Atman, le représentant de la CFDT. "Le PDG tranche dans le vif, il ne fait pas dans la dentelle. C'est la rentabilité à tout prix".
Sans condamner ce discours, six cadres du magasin, non-grévistes, qui prennent leur pause à l'écart, regrettent toutefois le blocage du magasin. "C'est pas bon, ils envoient les clients direct à la concurrence", redoute l'un d'eux.
La plupart des clients qui se présentaient samedi 31 mars se montraient cependant compréhensifs. "Heureusement que les petits se défendent face aux gros", estime Acia, 52 ans, qui comptait remplir son caddie de chocolats et d'agneau de Pâques. "Je sais que c'était fermé, mais ce n'est pas loin de chez moi, et je suis venu pour les soutenir", ajoute un retraité en veste de cuir, Maurice Toncerri. "En tant qu'ancien ouvrier, je leur souhaite de réussir".