À Bogota comme ailleurs, le dur labeur des livreurs

Luz Miryam Fique est une des 50.000 "rappitenderos" de Colombie, du nom de l'entreprise de livraison à domicile Rappi, parfois payés moins d'un euro pour des courses de plusieurs kilomètres.

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Luz Miryam Fique, 57 ans, coursière à moto et présidente de l'Union des travailleurs de la plateforme numérique (UNIDAPP), effectue une livraison à Bogota le 5 octobre.
Photo : AFP/VNA/CVN

Aucun contrat ne lie ces livreurs -dont la grande majorité se déplace à vélo- au leader local du marché de la livraison à domicile, fondé en 2015 et qui pèse aujourd'hui 5,25 milliards d'USD. Rappi est présent dans huit autres pays d'Amérique latine : Mexique, Costa Rica, Pérou, Equateur, Chili, Argentine, Uruguay et Brésil.

Cheveux violets sous son casque et combinaison plastique orange lui servant d'imperméable, Luz Miryam, 57 ans, a quitté son travail de bureau il y a cinq ans car, à l'époque, les livraisons payaient bien : "une trentaine d'euros par jour sans trop d'effort".

"Aujourd'hui pour gagner ça, il faut travailler au moins 16 heures, et y aller dur", raconte la livreuse, écouteur à l'oreille, qui reçoit une nouvelle commande sur son téléphone.

"Quoi ! Neuf kilomètres pour 7.000 pesos (1,50 US$). Une commande comme ça avant valait 18.000 pesos (3,80 US$)", s'offusque-t-elle.

De son coté, Rappi assure à l'AFP qu'un livreur "peut générer le double du salaire horaire en comparaison avec le salaire minimum (220 USD/mois); c'est à dire qu'ils gagnent plus que 70% de la population colombienne".

Luz Miryam Fique, 57 ans, coursière à moto, attend une nouvelle commande de livraison, à Bogota le 5 octobre
Photo : AFP/VNA/CVN

Mais à quel prix, car la concurrence est féroce.

"S'il y quelque chose qui est tombé à point nommé pour Rappi, c'est la pandémie. Depuis, ils font ce qu'ils veulent de nous", déplore Luz Miryam.

Les confinements ont laissé sans revenus de nombreux salariés colombiens qui se sont tournés vers Rappi pour survivre. Et plus de 2 millions de migrants vénézuéliens sont arrivés en Colombie, fuyant la misère dans leur pays.

Une abondante main d’œuvre qui a permis à Rappi de tirer les prix des livraisons vers le bas alors que la demande est forte.

"Cette ville est chaotique, faire ses courses au supermarché peut vous prendre deux heures à cause de la circulation folle. Avoir quelqu'un pour le faire à votre place à bas prix répond à un besoin", explique Natalia Ramirez Bustamante, professeure de droit du travail à l'Université des Andes.

Selon elle, les plateformes "profitent qu'il est très difficile voire impossible pour un migrant de trouver une place dans l'économie formelle" car "en Colombie les emplois formels sont rares, même pour les Colombiens".

"Seulement 14% des livreurs auraient un emploi formel si les plateformes digitales n'existaient pas (et) 44% seraient au chômage", se défend la multinationale.

Espoirs de changement 

Malgré tout, Luz Miryam continue à parcourir les rues de Bogota avec son sac à dos, faisant fi des dangers entre insécurité et accidents de la route qui touchent en particulier les deux roues.

Sa moto a dérapé une fois sous la pluie, à cause "d'un type qui a mal pris un virage". Elle n'a "pas pu travailler pendant 8 jours".

Luz Miryam défend aussi les autres livreurs au sein du syndicat Unidapp, dont elle est la présidente. Réglementation des plateformes et meilleure rémunération sont ses chevaux de bataille. Elle est surtout accaparée par ce "système d'auto-acceptation des commandes" où les livreurs ne peuvent pas refuser la livraison, quel que soit le tarif et la distance.

"Tous les jours, 30 ou 40 livreurs dont les comptes ont été bloqués par Rappi", pour avoir refusé des livraisons ou s'être syndiqués, "nous contactent et nous les aidons (...) jusqu'en justice si besoin", explique la présidente du seul syndicat officiellement reconnu par Rappi.

Pleinement investie, elle "espère arriver à voir du changement".

Ses vœux pourraient bientôt se concrétiser. Cette semaine le Sénat s'est penché sur la rédaction d'un projet de loi pour "réguler non seulement Rappi mais toutes les plateformes digitales (...) afin qu'elles n'abusent pas de leurs employés", indique le sénateur Mauricio Gomez Amin.

AFP/VNA/CVN

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