À Bay Nui, le sucre de palme remporte la palme

À Bay Nui, pays du palmier à sucre, existent des métiers introuvables ailleurs au Vietnam: récolteur de sève de thôt nôt et producteur de sucre de palme.

>>À An Giang, les palmiers se sucrent

Châu Xem grimpe au palmier accrochant de ses peids les nœuds d'une tige de bambou.

La fin de la saison des pluies marque le début de la période de récolte des fruits du palmier à sucre (thôt nôt en vietnamien) dans la région de Bay Nui, province d’An Giang, delta du Mékong. Des milliers d’habitants des districts de Tri Tôn et Tinh Biên pratiquent ces métiers saisonniers: la récolte de la sève de thôt nôt et la production du fameux sucre de palme.

Bay Nui (littéralement des "Sept Montagnes") est réputée pour ses immenses plantations de palmier à sucre. Ces arbres constituent le gagne-pain principal de nombre de familles d’ethnie khmère. Outre le "lait" (en fait la sève) extrait des grappes de fleurs destiné à préparer le sucre, on cueille en même temps les fruits pour préparer une boisson rafraîchissante.

"Ce métier de cueilleur, je le pratique depuis 20 ans, j’ai commencé quand j’avais 15 ans. Je récolte un champ de 40 pieds qui n’est pas à moi. Je l’ai loué à une autre famille. C’est un travail saisonnier qui ne dure que six mois, de décembre à juin", explique Châu Xem, 35 ans.

Un métier risqué

La cueillette commence d’ordinaire à l’aube. Au pied des palmiers, haut de 20 m environ, les cueilleurs attachent à leur ceinture les outils nécessaires: machette, grande pince en bambou et deux grandes bouteilles vides. À chaque tronc est attachée une grosse tige de bambou servant d’échelle, presque de la même hauteur de l’arbre.

Aussi agile qu’un chat, Châu Xem grimpe à l’arbre, accrochant de ses pieds les nœuds du bambou. À l’approche de la cime, il s’arrête sous le feuillage, et commence la cueillette. Il saisit une grappe de fleurs avec sa pince de bambou, la coupe avec sa machette, puis fait couler le lait dans les bouteilles. Lorsque la sève  cesse de couler, Châu Xem redescend à terre,  verse le contenu des bouteilles dans un grand récipient. Puis il remonte et reprend le même travail sur un autre arbre. "Seul le palmier femelle porte des fruits qui donnent un superbe jus que tout le monde adore", explique le cueilleur expérimenté.

Chaque jour, un cueilleur ne peut récolter que 40-50 arbres, pas plus. "Il s’agit d’un métier dangereux, souvent réservé aux plus pauvres. La moindre erreur peut être lourde de conséquences: devenir invalide voire mourir", confie Châu Xem. Et d’ajouter avec un sourire: "Mais pas d’autre choix pour ma famille que de vivre de ce travail difficile". 

Dans le district de Tri Tôn, les cueilleurs de sève et de fruits de thôt nôt, souvent d’ethnie khmère, se rassemblent à An Loi, situé à l’écart des autres villages. "La plupart des cueilleurs sont pauvres. Ils louent les pieds de +thôt nôt+ qu’ils exploitent, entre 100.000-200.000 dôngs/pied. On travaille six mois par an, sans assurance bien sûr, éclaire Châu Dok, 54 ans. La sève est vendue à des établissements de fabrication de sucre, et les fruits, aux boutiques de boissons rafraîchissantes, au service des touristes”.  

Le sucre de thôt nôt fait recette

Les fruits sont vendus aux boutiques de boissons rafraîchissantes.
Les fruits sont vendus aux boutiques de boissons rafraîchissantes.

Pour cette saison sèche, nombreuses sont les "sucreries" familiales dans les villages à Bay Nui. Dans l’air flotte une odeur suave. "La fabrication du sucre de palme n’est pas facile du tout", affirme Neang Soc Nang, 28 ans, patronne d’un établissement artisanal dans la commune de Châu Lang.

Et d’expliquer: la sève doit être traitée le plus tôt possible, car elle se gâte rapidement. Après avoir été filtrée, elle est versée dans un grand poêle. Après six à sept  heures de cuisson en mélangeant sans arrêt, on obtient une sorte de mélasse de couleur dorée, à raison de six à huit litres de sève par kilo de sucre. Ce produit peut être consommé soit sous forme de mélasse, soit sous forme de pains de sucre (obtenus grâce à des moules).

"La qualité du sucre dépend de la technique de cuisson et de l’expérience de l’artisan", précise Châu Soc Dên, un producteur local. L’année dernière, il a participé à une formation ouverte par les autorités locales à l’intention des artisans. Son établissement familial fournit de 25 à 30 kg de sucre de palme par jour, vendu à 35.000-40.000 dôngs/kilo pour la mélasse et 50.000 dôngs/kilo pour le pain de sucre. "C’est grâce à ce métier que moi et ma famille avons une vie stable et relativement confortable". 

Selon des données des services compétents, les districts de Tri Tôn et Tinh Biên, qui totalisent plus de 60.000 palmiers à sucre, produisent chaque année environ 6.000 tonnes de sucre de palme. Une recette importante pour cette région dépourvue de terres agricoles fertiles.

Nghia Dàn/CVN 

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