>>Quand artisanat rime avec commerce en ligne
>>Dans un village de brûle-parfums à Hô Chi Minh-Ville
La fabrication d’un brûle-parfum est le fruit d’un processus de travail méticuleux. |
Photo : GDTD/CVN |
Peu de gens imaginent qu’au sein de la métropole de Saïgon (Hô Chi Minh-Ville) subsiste un village artisanal séculaire toujours en activité. Depuis presque deux siècles, An Hôi, dans l’arrondissement de Go Vâp, pratique avec persévérance un métier traditionnel : la fabrication des brûle-parfums en bronze.
Dès l’entrée du village, on entend les cliquetis des marteaux, ciseaux et autres outils frappant le métal.
"De qualité, les produits d’An Hôi sont appréciés par les gens de Saïgon et de tout le Sud. Ils sont mis en vente un peu partout. À l’approche du Têt notamment, nombreux sont les clients pointilleux qui viennent chez nous pour se procurer un brûle-parfum de qualité à mettre sur leur autel des ancêtres", confie Trân Van Thang, 72 ans, l’un des artisans les plus expérimentés d’An Hôi et patron de l’atelier Hai Thang, qui a plus d’un demi-siècle d’existence.
Selon l’artisan septuagénaire, le créateur du village artisanal d’An Hôi est Trân Van Kinh qui, il y a 200 ans, apprit le métier en ville à Saigon-Cho Lon. Une fois le savoir-faire suffisant acquis, il retourna à son village pour y créer un atelier et former des artisans. Au fil des années, les ateliers se multiplièrent à An Hôi.
"Avant 1975, le village comptait une cinquantaine d’ateliers familiaux employant des centaines d’artisans. Les brûle-parfums d’An Hôi étaient présents dans tout le pays, du Nord au Sud en passant par le Centre. On les retrouvait même au Laos et au Cambodge", vante l’artisan.
Et puis, avec le boom économique du Vietnam, de nouvelles activités plus rentables sont apparues. “À An Hôi, de nombreuses familles d’artisans ont changé de métier. Actuellement, le village ne compte plus que cinq ateliers”, raconte Trân Van Thang d’un ton attristé. Et de poursuivre : "Comme toujours, mon atelier familial, actuellement dirigé par mon fils, assure tous les maillons de la production : fonderie du bronze, fabrication des moules, coulée des brûle-parfums, gravure et ciselure des motifs décoratifs, polissage …".
Même dans la situation économique actuelle difficile, le vieil artisan souhaite ardemment que ses descendants continuent d’assurer une qualité optimale. "C’est une question de prestige", insiste-t-il.
Une fabrication méticuleuse
Les brûle-parfums des ateliers d’An Hôi sont d’une grande finesse. |
Photo : GDTD/CVN |
La fabrication d’un brûle-parfum est le fruit d’un processus de travail méticuleux. La particularité d’An Hôi est d’assurer sur place toutes les étapes de production. Tout d’abord, il faut confectionner les moules dont le noyau est en argile, et l’enveloppe faite d’un mélange de cire d’abeille et de paraffine. Le modelage est confié à des artisans expérimentés, car l’apparence du brûle-parfum en dépend entièrement. Le moule est ensuite recouvert de deux couches d’argile avant d’être séché au soleil pendant 7 à 10 jours.
Le moulage est souvent effectué la nuit. Le bronze en fusion est déversé dans le moule. Pour obtenir un brûle-parfum de qualité, l’artisan doit maîtriser le temps de fusion du bronze et la technique de versement dans le moule. Une fois le bronze refroidi, on brise le moule. Ensuite viennent la gravure des motifs décoratifs, puis le polissage. Tout est fait à la main.
Les produits des ateliers d’An Hôi sont d’une grande finesse, notamment en termes de motifs de décoration : dragons en vol, phénix dansant au milieu des nuages et des fleurs, ou encore trois génies représentant bonheur, prospérité et longévité… La brillance durable et la couleur dorée des brûle-parfums d’An Hôi en disent long sur leur qualité.
"Il est difficile de distinguer les brûle-parfums de notre village de ceux fabriqués industriellement, à la chaîne", s’enorgueillit Trân Thu Suong, artisane chevronnée. Pour elle, malgré le prix assez élevé de ses articles, les affaires marchent bien, notamment à l’approche du Têt. “C’est une joie et une fierté de pouvoir vivre de notre métier ancestral, sur notre terre natale !”, conclut-elle, enthousiaste.