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"Sauvez les mines", brandissent des mineurs devant un cordon de police à Thoresby, dans le Centre de l'Angleterre, le 20 mars 1984. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Deux fois par semaine, Tabby Kerwin, joueuse de cornet à piston, fait deux heures de route aller-retour pour venir répéter avec la fanfare à South Elmsall.
"On le fait par amour et pour perpétuer l'héritage", explique la musicienne, qui n'a pas grandi dans la ville minière mais a été attirée par son histoire, et par la renommée de cette fanfare qui porte jusque dans son nom le passé de South Elmsall.
Elle fait partie des dix meilleures au monde.
"On nous a dit à plusieurs reprises qu'il fallait effacer +Colliery+ (houillère, NDLR) du nom. Nous ne le ferons pas. C'est une fierté", explique Ray Sykes, 77 ans, désignant avec émotion le logo du groupe fondé il y a 119 ans.
"La mine est si étroitement liée à l'histoire de la fanfare que tous ceux qui y entrent, aussi jeunes soient-ils, et d'où qu'ils viennent, en ont conscience", abonde Tabby Kerwin.
Entre mars 1984 et mars 1985, la grande grève des mineurs a opposé leurs syndicats et la Commission nationale du charbon, soutenue par le gouvernement de la Première ministre Margaret Thatcher, qui prévoyait de fermer des dizaines de mines sur le déclin.
Les mineurs de Frickley, dans la ville de South Elmsall, se targuent d'avoir mené un bras de fer "inégalé" quand la fermeture de la mine a été annoncée. Celle-ci, qui employait 3.000 ouvriers à son apogée, a survécu jusqu'en 1993 avant de cesser son activité.
Très peu d'entre eux ont brisé la grève, à une époque où la mine constituait le socle de l'économie régionale, et le cœur de la communauté.
"Mais tout cela se perd, et ça se voit au village. C'est devenu un immense entrepôt où on ne produit plus rien", déplore Ray Sykes, comparant la fermeture de la mine à la mort d'un père.
Rester unis
Encore aujourd'hui, les plaies n'ont pas tout à fait cicatrisé: en 2023, South Elmsall faisait partie des territoires les plus défavorisés d'Angleterre.
Pete Wordsworth, qui a commencé à travailler à la mine à l'âge de 16 ans, assure que même 40 ans plus tard, les plus fervents grévistes "n'adresseraient pas la parole à un mineur qui a repris le travail" lors de la mobilisation.
Mais comme à l'époque, "quand les temps sont durs, nous restons unis", résume Ray Sykes, dont le père et le grand-père travaillaient dans la mine avant lui.
Outre son club de foot, Frickley Athletic, c'est la prestigieuse fanfare au nom de la mine, qui fait le trait d'union de cette communauté.
Elle a bien failli s'arrêter avec la grève, les difficultés financières ayant réduit ses membres au nombre de huit. Mais comme Tabby Kerwin aujourd'hui, des musiciens talentueux, habitant parfois à plusieurs heures de route, sont venus prêter main forte.
Pour continuer à faire vivre cet héritage, le musée national des mines de charbon de Wakefield, où Pete Wordsworth est devenu responsable après avoir cessé d'être mineur en 2015, organise une exposition pour commémorer les 40 ans de la grande grève en mars 2024.
Les joueurs du Frickley Athletic ont aussi porté lors de leur match de samedi 16 mars le maillot de l'équipe de 1984, avec l'un des slogans de l'époque : "Miners United will never be defeated" ("Unis, les mineurs ne seront jamais vaincus").
AFP/VNA/CVN