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De l’enfance à l’âge adulte, que de changements... |
Photo: Mai Giang/CVN |
25 ans, c’est beaucoup si l’on mesure le temps à l’aune du siècle.
25 ans, c’est un quart de siècle: un sacré bail déjà! C’est peu si l’on mesure le temps à l’aune de la vie humaine. En étant optimiste, 25 ans, c’est le quart d’une vie, donc, il y a encore un bon bout de chemin à parcourir. Mais, outre l’horloge du temps, 25 ans, c’est aussi une étape psychologique. Et, la nouvelle va faire du mal à ceux qui se pensaient adultes à partir de la majorité légale!
Notre cerveau n’arrive à maturité qu’à partir de 25, voire 30 ans pour chacun. Autant dire qu’avant 25 ans, on baigne encore dans els comportements adolescents. D’ailleurs, les sociologues ont inventé un nouveau concept pour désigner cette tranche d’âge, entre 18 et 25 ans: l’adolescence! Plus vraiment adolescent, pas encore vraiment adulte… C’est donc seulement à 25 ans que l’on commence à sortir… de l’enfance!
Premiers pas
25 ans, c’était en 1993. En avril de cette année-là, je posais pour la première fois le pied au Vietnam. Je me souviens de cet interminable voyage en avion, qui jouait à saute-mouton avec les continents: Paris, Francfort, New Delhi, Bangkok, et enfin Hanoï. Et, c’était le vol le plus direct! L’avion s’était posé sur le tarmac, et nous avions franchi à pied la centaine de mètres qui nous séparait du hall de l’aéroport.
À 11h00 du matin, le soleil écrasait déjà nos corps fatigués, d’une chaleur sans doute amicale, mais que je trouvais déjà éprouvante. Devant moi, dans la file d’attente à la guérite du contrôle des passeports, un passager occidental avait suscité mon admiration en s’adressant au factionnaire en vietnamien. Moi qui à l’époque ne connaissait de cette langue que les réminiscences de quelques mots prononcés par mon grand-père quand j’étais encore au biberon! Un vieux bus Toyota, avec suspension à lames de ressort, nous attendait à la sortie. Pas de belle voie rapide, pas de magnifique pont à hauban pour franchir le fleuve Rouge…
Une heure de route pour arriver dans les faubourgs de Hanoï, où quelques rares maisons émergeaient des vergers et des champs de fleurs. À l’horizon, pas le moindre point d’exclamation d’une tour. Les plus hautes maisons, alors, ne dépassaient pas quatre étages. Dans les rues, des vélos, des vélos, beaucoup de vélos, quelques rares mobylettes, et d’encore plus rares automobiles, essentiellement des taxis.
Notre hôtel était un bel immeuble colonial, derrière l’Opéra, qui recevait des hôtes de l’armée. J’apprendrai plus tard que nos guides étaient des officiers de l’armée vietnamienne. Ma chambre ressemblait à celle de Catherine Deneuve dans le film Indochine. Grand lit à baldaquin recouvert d’une moustiquaire. Ventilateur au plafond qui brassait un air moite. Robinets à l’ancienne, baignoire à pattes de griffon...
De ma fenêtre, j’avais vu sur le jardin. Des arbres et des fleurs dont j’ignorais encore le nom semblaient me souhaiter la bienvenue. Plus tard, profitant de ma chambre au rez-de-chaussée, un petit singe, curieux comme il se doit pour un singe, était venu s’installer sur le rebord de la fenêtre. J’ai commis l’erreur de lui donner un petit morceau de pain qui traînait sur la table… En quelques minutes, il s’est senti propriétaire de tout ce qui était dans ma chambre, et j’ai dû faire disparaître en vitesse, dans mes poches et les tiroirs, tout ce qui pouvait être accessible à des mains simiesques. J’étais vraiment au bout du monde!
"Le Courrier du Vietnam" entre dans l’âge adulte. |
Photo: Hoàng Phuong/CVN |
Premières rencontres
Pendant que je faisais mes premiers pas au Vietnam, Le Courrier du Vietnam quittait le giron du ministère des Affaires étrangères pour faire partie de l’Agence Vietnamienne d’Information. Encore hebdoma-daire à l’époque, j’en avais trouvé un exemplaire dans la salle de petit-déjeuner: une attention particulière de nos hôtes. C’est comme cela que lui et moi avons fait connaissance. J’ignorai que 15 ans plus tard, nous aurions une relation plus intime! Mes retours épisodiques au Vietnam ne m’ont pas permis de suivre attentivement son enfance, puis, sa préadolescence. Quand je me suis définitivement installé ici, c’est un adolescent plein de fougue que j’ai découvert.
À l’époque, la rédaction était encore à la rue Lê Thanh Tông, à Hanoï. Je me souviens avec étonnement des nattes que l’ont sortait des casiers de bureaux pour les étaler au sol et y faire la sieste. Pas encore assez acculturé à l’époque, je n’y participais pas, et je restais devant mon ordinateur pour continuer à écrire ou corriger des articles. Je me sentais vigie au-dessus d’une mer de corps allongés. C’est vrai que l’adolescence est un moment où l’on a besoin de récupérer! C’est aussi le moment de la convivialité, des groupes fusionnels entre amis. Et, pour faire la fête, on ne se fait pas prier! J’avais pris l’habitude d’apporter un gâteau pour toutes sortes d’occasions: mon retour d’un passage en France, un anniversaire, une fête…, ou simplement le fait de passer de temps en temps pour saluer tout le monde. Je passais à la pâtisserie proche, où je choisissais un de ces énormes gâteaux bardé de crème au beurre, fourré de fruits ou enrobé de chocolat. Quand j’arrivais dans la salle de rédaction, avec un carton qui ne masquait rien de ce qu’il contenait, les regards commençaient à luire de gourmandise. Sur de petites assiettes en carton, les parts de gâteaux circulaient de l’une à l’autre (la partie masculine de l’équipe étant tellement réduite que je donne la préséance à la partie féminine, quitte à me fâcher avec Vaugelas).
Pendant que nous en dégustions chaque miette, en augmentant de façon exponentielle notre taux de glycémie, le journal se mettait en veille. Les mots se figeaient, attendant patiemment que nos agapes finies, nous revenions jouer avec eux, pour former phrases et textes pour la prochaine édition. L’adolescence est passée, puis l’adulescence encore.
Maintenant, Le Courrier du Vietnam entre dans l’âge adulte et le mieux que l’on puisse lui souhaiter, c’est de vivre pleinement sa vie, avec pour prochain rendez-vous, le demi-siècle. 50 ans bientôt!
Gérard BONNAFONT/CVN