À propos du livre de Nguyên Khac Viên : Vietnam, une longue histoire (1)

Note sur les seigneurs shogounaux Nguyên et la dynastie royale des Nguyên (Suite et fin)

La dynastie des Nguyên comprend 2 périodes : celle de l'indépendance nationale (1802-1883) et celle du protectorat français (1883-1945).

Quatre rois règnent pendant la première période. Gia Long, alias Nguyên Anh (1802-1820), Minh Mang (1820-1841), Thiêu Tri (1841-1847) et Tu Duc (1847-1883). À ces souverains revient le mérite d'avoir réunifié le pays et d'en faire une nation stable et assez puissante dans le Sud-Est asiatique.

Mais leurs règnes sont marqués par l'absolutisme et l'immobilisme. Pour prévenir les révoltes du type Tây Son qui avait failli annihiler le clan seigneurial des Nguyên, la nouvelle dynastie adopte une centralisation rigoureuse selon le modèle de l'empire chinois, faisant du confucianisme conservateur comme une doctrine d'État. La seule voie d'accès à la fonction publique est le concours littéraire confucianisé. Le code Gia Long remplace l'ancien code Hông Duc (15e siècle) d'esprit plus libéral. Pour consolider le nouvel ordre, les Nguyên réglementent l'éducation, font composer des annales, des géographies, un répertoire des règlements administratifs, constituant un corpus culturel de valeur. Grands bâtisseurs, les Nguyên font de la capitale Huê avec sa citadelle, ses palais, ses tombeaux royaux, ses temples et ses pagodes une cité de poésie au bord de la rivière des Parfums. Mais que de souffrance physique et morale, de sueur et de sang, le peuple a dû contribuer pour le prestige royal. Le régime repose sur le labeur des paysans sur lesquels pèse le fardeau de l'impôt et de la corvée, sans parler de la tyrannie des notables et des mandarins, ce qui explique la fréquence des révoltes, en moyenne 7 par an.

La plus grave accusation contre les Nguyên, c'est leur refus de moderniser le pays. Considérant la Chine confucianiste comme le centre de l'univers, ils font la sourde oreille aux propositions faites par des mandarins réformateurs lucides. Ils tournent le dos à l'Occident, considérant la science et la technique comme ingrédients de sa barbarie. L'aveugle politique d'ostracisme contre les marchands et les missionnaires catholiques a créé des prétextes pour l'invasion française du Vietnam.

Un courant persistant de l'opinion (2) accuse en particulier Gia Long d'avoir semé le germe de l'intervention française au Vietnam parce qu'acculé aux abois par les Tây Son, il avait demandé par l'intermédiaire de l'évêque d'Adran un secours militaire à la France, contre Dà Nang (Tourane) et Poulo Condor. L'accord n'ayant pu être réalisé, l'évêque ramena des armes, des munitions et une équipe de techniciens et de mercenaires français. Aide utile mais non décisive parce que Nguyên Anh (Gia Long) avait presque gagné la partie. Un administrateur colonial pensait que si le gouvernement français avait envoyé des troupes à Nguyên Anh à temps, le Vietnam serait devenu protectorat français dès cette époque. En tout cas, plus d'un demi-siècle plus tard, les Français invoquèrent le traité de Versailles pour justifier leur conquête. Minh Mang succéda à Gia Long en 1820. Bon administrateur, il supprime les régions semi-autonomes du Nord et du Sud, renforçant le pouvoir central en divisant le pays en 31 dao (provinces), cette division administrative judicieuse a été conservée dans ses grandes lignes jusqu'à ce jour. Lettré confucéen, il se refuse au commerce avec les Européens et interdit le christianisme, "religion perverse qui corrompt le coeur des hommes". C'est lui qui a déclenché la campagne de persécutions catholiques en 1833, par suite de la révolte de Lê Van Khôi soutenue par des groupes de catholiques locaux dans le Sud. La politique rigide de Minh Mang a causé de nombreuses autres révoltes, en particulier celle de Lê Duy Luong, aidé par des Thai, dans le Nord.

Le roi Thiêu Tri (1840-47) continue la politique de la porte fermée. Il se montre plus conciliant pour les chrétiens... Mais l'expédition de l'amiral Cecille en 1847 coulant une flottille de jonques vietnamiennes ravive la persécution.

Son héritier Tu Duc (1847-1883) est poète et homme de culture. Il a favorisé l'éclosion d'oeuvres importantes en géographie et en histoire. Il reste cependant sourd aux appels à la modernisation alors que l'Asie orientale bouge. Le Siam, puis le Japon, commencent à s'inspirer de l'Occident. Entraîné par la clique mandarinale bornée et soucieuse de préserver ses privilèges, le roi durcit sa politique à l'égard des étrangers et des catholiques, offrant aux colonialistes français des prétextes humanitaires plausibles pour intervenir. Défaitiste, il n'a pas confiance en la résistance des lettrés patriotes soutenus par le peuple. D'autre part, le régime des Nguyên sombre dans le désordre social, les révoltes de palais, les rébellions populaires, les soulèvements des ethnies et les razzias des pirates chinois du Tai Ping. Tu Duc finit par capituler devant l'offensive française, signant en 1883 le traité Harmand qui scelle la domination étrangère. Le peuple vietnamien ne peut laver cette honte qu'avec la Révolution de 1945 qui lui rendra l'indépendance.

De 1883 jusqu'à 1945, c'est la seconde phase de la dynastie des Nguyên qui compte 9 rois : Duc Duc (1883, règne de 3 jours), Hiêp Hoa (1883, assassiné après 4 mois de règne), Kiên Phuc (1883-1884), Hàm Nghi (1884-1886), Dông Khanh (1886-1889), Thành Thai (1889-1907), Duy Tân (1907-1916), Khai Dinh (1916-1925), Bao Dai (1925-1945).

En vue d'une appréciation objective sur l'œuvre de la dynastie des Nguyên, on ne peut laisser de côté sa seconde phase étant donné que le collaborationnisme des rois fantoches légitimait plus ou moins l'occupation française.

Trois parmi ces 9 souverains ne se laissent pas manipuler par l'administration coloniale : Hàm Nghi, Thành Thai et Duy Tân.

Hàm Nghi, intronisé à l'âge de 12 ans, a pris le maquis et est devenu l'âme de l'insurrection patriotique Cân Vuong (Servir le Roi) : 1885-1896, bien qu'il soit exilé en Algérie en 1888. À cause de son attitude peu coopératrice, Thành Thai est exilé à l'île de Réunion en tant que malade mental. Son fils Duy Tân subit le même sort à 16 ans, en 1916, après l'échec d'un complot anti-français tramé par des lettrés patriotes du Viêt Nam Quang phuc hôi (Association pour la restauration du Vietnam).

Éclairée par l'expérience, l'administration coloniale a mis sur le trône en 1916 Khai Dinh, pleutre et homme sans aveu. À Paris, Nguyên Ai Quôc, le futur Hô Chi Minh, l'a ridiculisé dans une pièce humoristique, Le Dragon de bambou, lorsque ce souverain nié par son peuple, clown politique, visitait une exposition coloniale en France.

À 12 ans, Bao Dai succède à son père Khai Dinh en 1925. Il est envoyé à Paris pour être éduqué à la française, sous la tutelle d'un ancien administrateur colonial expérimenté. En 1932, il revient à Huê, soi-disant pour régner. Après une réforme formelle de la Cour, il devient la parfaite marionnette de la colonisation. Intelligent mais veule, il est l'homme du plaisir, coureur de jupon et fana de sport. En 1940, après l'occupation de Paris par les nazis, les Japonais occupent le Vietnam en gardant l'administration coloniale vichyssoise à son service jusqu'au coup de force de mars 1945. Ils octroient alors à Bao Dai une pseudo-indépendance nationale matérialisée par le cabinet Trân Trong Kim qui ne dure que 5 mois-Bao Dai abdique. Il accepte d'être le conseiller suprême du gouvernement Hô Chi Minh qui a mis fin à la domination japonaise et française grâce à la victoire de la Révolution d'Août 1945 ; oeuvre du Front patriotique Viêt Minh. Mais Bao Dai se rapproche ensuite des Français qui cherchent à reconquérir le Vietnam. Battus à Diên Biên Phu (1954), ils se regroupent au Sud, soutenant le gouvernement Bao Dai de leur création, après la partition du pays de part et d'autre du 17e parallèle. Le Premier ministre du Sud, Ngô Dinh Diêm, homme de main de Washington, rejette l'autorité de Bao Dai en 1955. Les Américains évincent les Français au Vietnam.

Sans appui politique, le dernier roi des Nguyên se retire en France pour y passer ses derniers jours.

(1) Éditions Thê Gioi-Hanoi
(2) Cõng rắn cắn gà nhà (dicton populaire) introduire dans le poulailler un serpent qui mord les poules de la maison.

Huu Ngoc/CVN

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