Le parcours de l’épouse d’un soldat rallié du Viêt Minh

Depuis 45 ans, Trân Thi Hông Mây, une Viêt kiêu originaire de Hanoï, vit au Maroc. Elle a quitté son pays natal avec ses enfants et son mari, un ancien soldat marocain rallié de l’armée de Hô Chi Minh. Nostalgique, elle y retourne tous les deux ans.

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Trân Thi Hông Mây (droite) et l’auteure dans son jardin.

Malgré l’éloignement de sa terre natale, la famille de Trân Thi Hông Mây perpétue des pratiques et modes de vie à la vietnamienne à Meknès, une ville du Maroc. Dans sa maison à l’architecture marocaine, la culture vietnamienne se fait ressentir à travers la décoration intérieure. Au 2e étage se trouve un relief en plâtre avec l’écriture «Vietnam - Maroc». «L’idée m’est venue lorsque nous avons fait construire la maison, pour me rappeler mes liens avec les deux pays et l’amour qui me lie avec mon mari», révèle Mme Mây, âgée de 72 ans.

Une famille proche de ses racines

Son mari, Mimoun Bensaid, fut l’un des légionnaires marocains ayant déserté le corps expéditionnaire français pour rejoindre l’armée du Viêt Minh (Front de l’indépendance du Vietnam) durant la guerre d’Indochine. Venue s’installer en 1972 dans le pays de son mari, Mme Mây, de même que ses sept enfants, parle couramment l’arabe et pratique la langue vietnamienne tous les jours.

«Ma mère nous emmène souvent à l’ambassade du Vietnam au Maroc à des réceptions des délégations lors d’importants évènements du Vietnam comme le Têt traditionnel ou la Fête nationale. En plus de pouvoir pratiquer la langue, cela nous rapproche de la culture de notre pays d’origine», partage le second fils de 44 ans de Mme Mây, Trân Anh Hùng, dont le nom marocain est Abdesslam.

Concernant la cuisine, la famille de Mme Mây mange des plats à base de riz à presque chaque dîner, accompagnés de divers aliments vietnamiens tels que nems, plats de légumes vietnamiens, etc. «Les plus jeunes adorent le +pho+. On en mange au moins deux fois par semaine et ce sont mes belles-filles marocaines qui préparent ce plat typiquement vietnamiens», fait savoir la Viêt kiêu.

«Durant le Têt traditionnel, j’enseigne souvent à mes enfants et à mes petits-enfants les coutumes et les plats typiques de cette fête. Néanmoins, on manque pas mal d’ingrédients pour avoir les saveurs authentiques des plats du Vietnam au Maroc», déclare Mme Mây avec un peu de regret.

Retour au pays natal 33 ans après

«Je garde constamment à l’esprit mes souvenirs de la vie au Vietnam», confie la Viêt kiêu. Après son expatriation, Mme Mây rêvait de retourner au Vietnam. Suite à l’ouverture de l’ambassade du Vietnam au Maroc, elle a finalement pu concrétiser son rêve après obtention d’un visa. «Le 15 août 2005 reste un jour inoubliable car, après 33 années éloignée de mon pays, je suis enfin revenue», se rappelle-t-elle.

Trân Thi Hông Mây (2e à gauche) dans sa maison à Meknès, au Maroc.

En arrivant pour la première fois, elle se rappelait la période durant laquelle elle a quitté le pays en 1972 pour débuter sa nouvelle vie au Maroc. «À cette époque-là, le pays était en guerre et encore très pauvre. Tout devait être acheté avec des cartes de rationnement», se souvient-elle. Ces souvenirs sont restés gravés dans sa mémoire et il lui était difficile d’imaginer un changement aussi radical à son retour.

Mme Mây y est restée plus d’un mois et en a profité pour visiter son ancienne maison dans la rue Lê Dai Hành, à Hanoï, où elle a passé son enfance dans une famille tri-culturelle avec sa grand-mère vietnamienne, son grand-père chinois, et son père français. Elle a également retrouvé ses amis de longue date avec lesquels elle avait perdu contact.

À chaque retour au Vietnam, elle en profite pour découvrir les nombreux sites célèbres dans tout le pays pour apaiser sa nostalgie. Elle a notamment fait partie des Viêt kiêu venus assister à la célébration du Millénaire de Hanoï en 2010.

Le Maroc, sa seconde Patrie

Après 45 ans de vie au Maroc, Mme Mây garde en mémoire les premières années de sa vie dans la Patrie de son mari, un pays qui lui était auparavant inconnu. «Les débuts furent difficiles, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter, surtout avec la langue arabe. La nostalgie me rongeait et les enfants étaient encore très jeunes», raconte Mme Mây.

Le roi et le gouvernement du Maroc de l’époque soutenaient par une somme d’argent les familles de retour au pays. Mais pour rapporter des revenus suffisants, la jeune femme vietnamienne travaillait en tant que sage-femme et devait faire des dizaines de kilomètres pour se rendre à son lieu de travail. Au fur et à mesure, et grâce aux efforts conjugués de tous les membres de la famille, l’adaptation est devenue de plus en plus facile.

«Ce que j’aime le plus au Maroc, c’est le climat et l’accueil des habitants et du gouvernement marocains. Ici, la vie, douce, calme et agréable, me fait oublier les difficultés. Une fois la porte de ma maison franchie, tout le monde me reconnaît. Je considère maintenant le Maroc comme ma deuxième Patrie», confie Mme Mây. «Ma famille vit suivant les coutumes marocaines, et nous mangeons à la fois vietnamien et marocain», ajoute-t-elle.

Depuis l’ouverture en 2005 de l’ambassade du Vietnam dans ce pays du Maghreb, Trân Thi Hông Mây assume le poste de présidente de l’Association des Vietnamiens au Maroc et est toujours conviée à des réceptions de l’ambassade vietnamienne.

Mme Mây est très active dans les activités philanthropiques. Elle a mobilisé le soutien financier des Viêt kiêu du Maroc par l’entremise de l’ambassade du Vietnam pour aider les victimes de l’agent orange, de catastrophes naturelles et autres personnes nécessiteuses. Grâce à ses efforts inlassables, elle s’est vu décerner un satisfecit par le ministère vietnamien des Affaires étrangères en 2008.

Le nombre de Vietnamiens dans ce pays est peu élevé, leurs relations sont donc assez étroites et solidaires. On dénombre une vingtaine de femmes vietnamiennes épouses de combattants marocains, dispersées dans tout le Maroc, sans compter leurs descendants.

Les Viêt kiêu, au Maroc comme partout ailleurs, ont souvent dû surmonter nombre de difficultés pour avancer et nourrir leur famille. Ils considèrent souvent leur pays d’accueil comme leur deuxième Patrie.

Texte et photos :
Thu Trang - Truong Giang/CVN

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