Xu Doài, le Pays-Ouest

Xu Doài – littéralement : Pays-Ouest – est riche d’une vieille culture et d’une riche histoire. Huu Ngoc nous fait y revenir, à l’époque des années 1990, pour découvrir ses secrets.

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Le Temple de la Littérature du Xu Doài vu du ciel.
Photo : CTV/CVN

Quand la chaleur caniculaire du 5e ou 6e mois lunaire règne à Hanoï, les gens aiment bien se désaltérer, pendant les repas, en mangeant du liseron d’eau bouilli et surtout en buvant son bouillon aromatisé d’un peu de citron. Pour ce plat traditionnel, rien ne vaut le liseron d’eau de Son Tây.

Son Tây (littéralement : Ouest montagneux), province vieille de 500 ans à l’ouest de Hanoï, faisait partie de la région Xu Doài avec laquelle elle se confondait souvent(1). Située au sommet du triang deltaïque du fleuve Rouge, elle comprend deux parties : le Nord-Est fait de plaines rizicoles fertiles et le Sud-Ouest qui présente un paysage de la Moyenne Région avec des collines et des montagnes arides.

Les dialectes du Pays-Ouest

C’est pourtant cette portion déshéritée qui semble façonner le caractère des habitants, lesquels ont la réputation d’être pauvres, diligents, opiniâtres, rudes... On se moquait méchamment des «filles de Son Tây», indigentes et disgracieuses : une chanson populaire les dépeignait avec un cache-seins criblé de trous comme un panier de bambou, des dents noires mal teintes comme des noyaux de fruits de «nhót», des jambes arquées.

Une autre chanson populaire évoquait la pauvreté matérielle et l’accent spécial de la population du Pays-Ouest :

«Quelle voix est-ce, est-ce celle de quelqu’un du Pays-Ouest

Là où l’on mange peu de riz et beaucoup de patates ?»

(Tiêng ai nhu tiêng Xu Doài
An com thi it an khoai thi nhiêu)

Les dialectes du Pays-Ouest frappent par leur accent lourd, rude, qui rappellent ceux du Centre du Vietnam ; d’aucuns prétendent que c’est à cause de l’eau qu’on y boit. Bien des termes locaux diffèrent du vocabulaire courant dans le pays. Ainsi, vieillard se dit mo ou bo, et non cu, - vieille femme-, bu et non bà già, patate, khoai dài et non khoai lang, etc. Ce qui n’empêche pas que les fils du Pays-Ouest brillent par leur passion de l’étude et leurs réussites aux concours triennaux classiques.

Un trait original de la région, c’est la construction de maisons en latérite dont les murs rugueux donnent une note insolite.

La pagode Thây a été construite sous le règne du roi Ly Nhân Tông (1066-1127) pour rendre hommage au bonze Tu Dao Hanh.
Photo : CTV/CVN

D’après les principes de la géomancie, les ki ou khi (souffles vitaux) sacrés de l’univers se cristallisent dans les configurations du terrain de chaque région à laquelle ils donnent une âme, une sensibilité, des traits particuliers. À ce propos, les deux attributs du Pays-Ouest sont le mont Ba Vi et le sông Dà (rivière Noire). Le mont Ba Vi, qui culmine à 1.281 m, est situé au confluent du Dà, du Lô (rivière Claire) et du fleuve Rouge, à l’entrée du delta du Nord. Il a trois sommets, d’où le nom de Ba Vi (= Trois Pics).

Selon une autre interprétation, Ba Vi serait la traduction populaire et déformée de Tam Vi (= Trois Génies) parce que le Brevet Royal conservé au temple bâti sur le pic central mentionne Tan Viên Tam Vi Thuong dang than (trois Génies de première classe du Mont Tan Viên). Tan Viên (Rond comme un parasol) est un autre nom du Mont Ba Vi qui de loin ressemble à un parasol. Il désigne aussi le Génie de la Montagne qui y réside et qui, selon la légende, protège la population contre les inondations causées par le Génie des Eaux. Ce dernier provoque chaque année des crues du fleuve Rouge pour se venger de la princesse dont il avait aussi demandé la main.

Pépinière de grandes figures historiques

Le Pays-Ouest est depuis toujours une pépinière de grandes figures historiques : héros de l’indépendance nationale comme Phùng Hung (ou Bô Cai Dai Vuong) au VIIIe siècle, Ngô Quyên qui a mis fin à une domination chinoise millénaire (938), bonzes éminents comme Tu Dao Hanh (XIIe siècle), grands lettrés comme Nguyên Truc (XVe siècle) deux fois reçu Premier Docteur ès humanités (au Vietnam et en Chine), Phùng Khac Khoan (XVIe siècle), Docteur ès humanités qui aurait rapporté d’une ambassade en Chine un excellent métier à tisser la soie, les historiens de la famille Phan Huy (Phan Huy Chu et Phan Huy Ich, XIXe siècle), le poète rebelle Cao Ba Quat (XIXe siècle), le précurseur de la poésie moderne Tan Dà (1888-1939) qui a pris comme pseudonyme Tan + Dà pour marquer son attachement à la terre natale (Tan = Mont Tan Viên + Dà = Sông Dà, rivière Noire), le poète Quang Dung (1918-1988), combattant de la première guerre de résistance, dont les vers mélodieux empreints de charme nostalgique et de fantaisie sont très aimés de la jeunesse.

Signalons pour terminer que le Pays-Ouest abonde en métiers traditionnels (vermicelles de Cô Dô, Minh Tranh, soie de Cô Dô, Chu Quyên, éventails et parapluies de Chàng Thon...) et en sites touristiques (en particulier les pagodes Thây et Tây Phuong).


Janvier 1998
Huu Ngoc/CVN

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(1) Le Xu Doài comprenait encore
une partie de la province Vinh Phuc.
Son Tây fait partie de Hanoï aujourd’hui.

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