Voir les toits de Paris classés, le rêve des artisans couvreurs

Véritables funambules, les artisans couvreurs préservent amoureusement un patrimoine historique et architectural unique au monde, les toits de Paris, qu'ils espèrent voir classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.


Vue des toits de Paris le 12 février. Photo : AFP/VNA/CVN

C'est un glacial matin d'hiver. Au loin, un ruban de brume cache la cime de la tour Eiffel, et la grisaille envahit le ciel, mais le panorama bleuté des toits de zinc et d'ardoise n'en est pas moins grandiose.
Deux silhouettes sont perchées sur le toit d'un immeuble haussmannien du 17e arrondissement de la capitale, dont la réfection s'achève. "On est dehors, on respire, on ne se sent pas prisonniers, on est libres dans notre travail. Je ne pourrais pas passer mes journées dans un bureau!", lance Bruno Legrand.
Voilà 33 ans qu'il fait équipe avec Jean-Luc Taillandier : ils s'entendent à demi-mot. L'un prépare les pièces, l'autre les fixe et les soude. "Mais on échange", disent-ils en souriant.
Au-dessus du vide, les gestes s'enchaînent, les mots se font rares. "On s'est adaptés l'un à l'autre, on se fait confiance. Sans la confiance, votre vie est en danger", souligne Jean-Luc.
"C'est un vrai couple : ils ont leurs jours, leurs engueulades, leurs jeux de mots. C'est impossible à briser", affirme leur patron, Angel Sanchez, directeur de l'entreprise Blanche et président du GCCP, le syndicat des entreprises de génie climatique et de couverture plomberie de Paris et sa région.
"Sur tous les chantiers, on a des petits souvenirs", raconte Jean-Luc, qui se remémore en souriant une épique bataille de boules de neige en plein ciel et la rencontre avec l'acteur Alain Delon, "un vrai seigneur", qui leur a serré la main.
Les jeunes se font rares
Il faut dix ans pour faire un professionnel au "geste sûr", car ce métier d'art nécessite dextérité et savoir-faire, transmis d'une génération à l'autre.
Gardiens d'un patrimoine unique au monde, les couvreurs mènent à bien des chantiers très techniques, tels la réfection de "brisis à l'impériale" : des toits en forme de dôme, galbés et quasi à la verticale, pour lesquels ils se juchent, harnachés, sur des échelles de caoutchouc.
Fiers de leur ouvrage, ils ont pour tradition, avant de repartir, de glisser un journal afin de dater leur travail. Certaines coupures remontent aux années 50. Bruno a gravé leurs noms et dates de naissance, ainsi que la date de fin de chantier, sur une feuille de zinc.
La peur du vide, les couvreurs l'ont apprivoisée, comme le froid qu'à la longue "on ne sent plus", grâce aux vêtements spéciaux, gants, masques, lunettes et casques, qui procurent un certain confort.

Mais à être dehors par tous les temps, accroupi, à genoux, le corps souffre, le dos se raidit, les cartilages s'usent. Opéré des deux genoux, Bruno le sait bien.
Aujourd'hui, les couvreurs rêvent de voir les toits de Paris classés au patrimoine mondial de l'UNESCO et le GCCP soutient "à 200%" l'initiative de la maire du 9e arrondissement, Delphine Bürkli (UMP), qui a lancé la semaine dernière un comité chargé de monter un dossier de candidature qui sera soumis au ministère de Culture.
L'État présentera ensuite à l'Unesco les candidatures sélectionnées.
Réticente, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), craint toutefois qu'un classement ne "bloque les innovations architecturales sur les toits". Mais les couvreurs, convaincus d'exercer un "métier d'art" méconnu, y voient un moyen d'attirer les jeunes, qui se font rares.
"Pour la première fois depuis 10 ans, on n'arrive pas à remplir les classes de CAP, cela nous inquiète", rapporte M. Sanchez. Formé en quatre ans - CAP et Brevet professionnel - un couvreur perçoit 2.400 euros bruts en début de carrière, et peut gagner jusqu'à 4.000 euros bruts.
"Il faut arrêter de dire aux jeunes que s'ils sont fainéants, ils +finiront ouvrier du bâtiment+", souligne M. Sanchez, qui emploie 25 salariés. Car "c'est l'un des rares secteurs où on peut démarrer avec un CAP et devenir chef d'entreprise..."


AFP/VNA/CVN


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