Village de Dai Yên : flânerie au pays des plantes médicinales

Dai Yên est connu comme l'unique village de culture de plantes médicinales de la capitale. Commencée il y a fort longtemps, aujourd'hui, l'histoire des jardins de plantes médicinales du village risque de s'arrêter brutalement à cause de l'urbanisation.

Dai Yên est un ancien village de Hanoi. Il se situe aujourd'hui dans l'arrondissement intra-muros de Ba Dinh. De génération en génération, ses villageois ont vécu de la culture des plantes médicinales et de la composition de remèdes de médicine traditionnelle du Sud (thuôc Nam).

Les légendes voulaient que, sous la dynastie des Ly, au 11e siècle, une jeune fille nommée Trân Ngoc Tuong, 9 ans, était douée pour soigner les maladies à l'aide des plantes médicinales. Ses dons lui permettaient d'accompagner l'armée de Ly Thuong Kiêt (1019-1105) en lutte contre les agresseurs Song. Un jour, de nombreux soldats de cette armée tombèrent malades subitement. Trân Ngoc Tuong procéda à la recherche de plantes médicinales pour guérir ces soldats, et contribua à la victoire de l'armée et du peuple Viêt.

Ngoc Tuong, devenue princesse Ngoc Hoa par l'investiture du roi, ne resta pas à la cour royale, et revint vivre au village de sa mère, Dai Bi (ancien nom du village de Dai Yên). Là, la princesse Ngoc Hoa apprit aux villageois à cultiver les plantes médicinales et à s'en servir pour guérir les maladies. Les villageois en firent leur génie tutélaire et fondèrent un temple qui lui fut dédié. Selon le registre des légendes du village de Dai Yên, la culture des plantes médicinales y existe depuis près de 1.000 ans.

Dai Yên est connu depuis de nombreuses générations de Hanoiens comme l'unique village de culture de plantes médicinales de la région. Depuis les années 1970, ce village fournit des matières médicamenteuses à l'Institut national de médecine traditionnelle et à l'Université de pharmacie de Hanoi.

La dernière fidèle au métier traditionnel

Aujourd'hui, le village compte une dizaine de familles vivant du commerce des plantes médicinales et de la composition des remèdes faits à partir de ces herbes. Pourtant, les jardins de plantes médicinales du village se comptent désormais sur les doigts d'une main seulement. Propriétaire d'un des derniers jardins de Dai Yên, Nguyên Thi Quê, 79 ans, représente cette ancienne génération de cultivateurs de plantes médicinales du village de Dai Yên qui désormais vit dans une époque où les nouveaux produits pharmaceutiques inondent le marché.

Chaque matin, la vieille cultivatrice quitte sa maison, armée de sa palanche et de ses 2 suspensions, en direction de son petit jardin, situé à 300 m. Ce dernier est ceint par diverses matières, qui lui donne l'apparence d'un terrain plein d'ordures et de déchets. Comme dit le proverbe, il ne faut pas s'y fier et le jardin de Nguyên Thi Quê est toujours vert et dégage un parfum léger et agréable. Sur 500 m² y évoluent diverses variétés de plantes médicinales populaires comme basilic sacré (huong nhu), paederia (la mo, nom scientifique : paederia lanuginosa), pérille (tia tô, nom scientifique : perila frutescens), armoise pour moxa (ngai cuu, nom scientifique : artemisia vulgaris), plantain (ma dê, nom scientifique : plantago asatica)... Nguyên Thi Quê et sa famille ont commencé à exploiter ce jardin en 1963. Depuis, elle est attachée à ce jardin considéré comme le plus grand du village.

La culture des plantes médicinales ne permet pas d'engendrer une grande fortune. D'ailleurs, les cultivateurs travaillent très dur avec patience et prudence... Malgré tout, Nguyên Thi Quê déclare vouloir faire ce métier jusqu'à son dernier souffle, car c'est à la fois une tradition familiale et le patrimoine du village.

La famille de Nguyên Thi Quê est depuis 6 générations attachée à la culture et la vente des plantes médicinales. Durant son enfance, Nguyên Thi Quê et ses amis jouaient aux devinettes avec les plantes et leurs propriétés curatives. À 8 ans, elle savait cueillir les feuilles pour composer différents remèdes.

Comme une encyclopédie vivante, Nguyên Thi Quê connaît les propriétés curatives de chaque variété de plante, la façon de soigner. Elle compose les remèdes et donne des prescriptions précises, après avoir entendu le malade ou un proche... décrire ses symptômes.

Sa maison rassemble diverses feuilles de plantes médicinales que ses proches apporteront au marché de médecine traditionnelle du village ou que les commerçants viennent directement acheter en gros. Elle dispose également d'un petit jardin de quelques dizaines de mètres carrés où la vieille dame ne cultive que des plantes médicinales précieuses, de haute valeur comme lô hôi (aloe vera), trinh nu hoàng cung (nom scientifique : crinum latifolium)...

Les jardins rétrécissent

Il y a 30 ou 20 ans, les plantes médicinales regorgeaient partout dans le village de Dai Yên, d'après Nguyên Thi Quê. À cette époque, chaque visiteur en arrivant au village de bon matin, pouvait sentir l'arôme des essences naturelles de végétaux médicinaux. Depuis une dizaine d'années, les villageois ont tendance à construire des maisons à louer sur leurs jardins ou vendre ceux-ci pour qu'apparaissent de nouveaux bâtiments. La superficie de terrains consacrés à la culture de plantes médicinales diminue à une vitesse vertigineuse. Outre la famille de Nguyên Thi Quê, Dai Yên ne compte plus aujourd'hui que quelques foyers producteurs avec des jardins de faibles dimensions.

Chaque après-midi, les feuilles de plantes médicinales issues des jardins villageois sont vendues au petit marché situé à proximité de la porte d'entrée du village. Auparavant, se tenait là le grand marché dédié à la médecine traditionnelle le plus réputé de Hanoi où marchands et clients venaient en nombre. Aujourd'hui, ils ne sont plus que quelques-uns autour de rares étals.

Le village de la culture des plantes médicinales risque de disparaître. Un jour, peut-être, entendra-t-on parler de ce métier traditionnel de Dai Yên comme d'une vieille légende.

Hoàng Hoa/CVN

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