Vieux dortoirs à Hanoï - un patrimoine méconnu

"D’après vous, quelle est l’architecture qui représente la beauté de Hanoï ?" À cette question, les touristes et les habitants de Hanoï mentionnent le plus souvent le Vieux Quartier des 36 rues, le mausolée du Président Hô Chi Minh, la Pagode à pilier unique - ce qui est évident. Cependant, en ma mémoire et au fond de mon cœur, je retiens une image chère d’un vieux "dortoir" où je suis née et où j’ai passé toute mon enfance.

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C6 Quynh Mai.

Les immeubles à propriété collective, peints en jaune, hauts de quelques étages avec des cages de fer suspendues sur les balcons, rangés les uns après les autres… restent une curiosité au sein de Hanoï. Ils cachent non seulement un mode de vie, mais également une façon dont les habitants s’adaptent aux changements du temps.

Une naissance nostalgique

Après la victoire de 1954 au Nord du Vietnam, un nouveau type de construction urbaine est né pour gérer les besoins en logement des habitants de Hanoï : Des bâtiments à 5 étages, chacun comprenant 8 espaces privés. La plupart des premiers dortoirs (Nguyên Công Tru, Kim Liên) sont construits par des ingénieurs vietnamiens avec l’aide d’experts étrangers. Cette construction était en pleine expansion grâce à ses avantages dans les années 1970. L’apparition successive des dortoirs de Giang Vo, Trung Tu, Thành Công... illustre bien cet essor.

L'escalier à C7A Quỳnh Mai.

Les premiers dortoirs n'étaient pas conçus pour des familles nombreuses. Par conséquent, à l'exception d’une pièce privée d'environ 30 mètres carrés, toutes les autres zones (couloir, escaliers, toilettes, salle de bains, terrasse, cour) sont des espaces partagés.

Les dortoirs forment généralement un quartier et sont administrés par des groupes locaux. Les groupes se réunissent pour déterminer des règles d'utilisation de l’espace collectif. Aujourd'hui, la tradition d'un groupe résidentiel gérant un dortoir existe toujours. À cette époque-là, les conditions de vie étaient très basses, les installations ne satisfaisaient que les besoins premiers tels que manger et dormir, exercés dans la pièce séparée, les autres se faisaient dans les espaces partagés.

C’est pourquoi, bien qu’il s’agisse de vie urbaine, la notion de "village" était très forte. Dépanner une cuillère de sel, un bol de riz, un piment cultivé au balcon et autres commérages en faisant la queue devant les toilettes font partie des souvenirs que les parents se racontent au quotidien. La cuisine au poêle, le lavage de la vaisselle, séchage des vêtements sur le toit sont toutes devenues des activités communautaires permettant aux personnes de nouer des relations étroites.

Parfois, curiosité, potins et querelles, étaient choses inévitables au sein de ces murs jaunes. Naturellement il arrivait que les résidents souffrent de difficultés dû au manque d’intimité. La fin des années 70 et 80 a été une période difficile rythmée par les subventions. La population a rapidement augmenté et progressivement, les gens n’ont plus aimé vivre ensemble.

La deuxième génération de dortoir

C6 Quynh Mai.

Après les années 80, un nouveau modèle de dortoir est né avec la conception de l'appartement séparé. Seuls les escaliers et les couloirs sont partagés. Le voisinage s'estompe progressivement lorsqu'il n'est plus obligé de partager des espaces. À la fin de 1900, Hanoï comptait environ 40 dortoirs.

Ce qui reste commun entre ces deux types de dortoirs, c’est la "grange à tigres". Afin d'augmenter la surface habitable de leur appartement, les ménages ont élargi l'espace du balcon par une cage en fer. Ces salles supplémentaires, saillantes et ondulantes avec de différentes formes, tailles, matériaux mettent au défi la résistance du bâtiment. Pour les appartements situés au rez-de-chaussée quant à eux, la plupart des propriétaires en profitaient pour y faire des affaires commerciales ou pour les louer.

Les changements récents

Aujourd’hui, des dortoirs hanoïens sont progressivement remplacés par des immeubles d’architecture moderne. Les habitants déménagent dans des appartements dont l’intérieur est plus confortable. Ceux qui ont les moyens achètent leur propre maison.

Café "Suỵt" du dortoir B4 Trung Tu.

Les dortoirs perdent un peu leur attrait pour les jeunes mais pour les générations nées entre les années 1960 et 1990, ils demeurent toujours une créature charmante. D’ailleurs, les dortoirs vivent encore sous un autre charme. Avec créativité, de nombreux jeunes ont transformé des anciens appartements en cafés rétro et vintage, séduisant ceux en quête de nostalgie. Ces bistrots très photogéniques sont des endroits idéaux pour rencontrer des amis, chanter et prendre des photos originales.

En raison de l’urbanisation grandissante, il arrivera qu’un jour, les dortoirs disparaissent complètement. Ce serait vraiment regrettable si les générations futures ne peuvent pas voir de leurs propres yeux cette incarnation d’un patrimoine culturel qui véhicule un mode de vie collectif et un type de construction datant de l’époque de leurs grands-parents. Ainsi, je souhaite sans plus tarder que cette architecture originale soit diffusée au plus grand nombre et je pense par conséquent à un projet de stockage d’images de ces dortoirs. Il ne s’agit pas simplement de mon travail, mais de ma responsabilité pour l’avenir.

Texte et photos: Vu Hà Trang - Doàn Trà My
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