Vietnam de rêve

Journée étouffante. Soirée moite. L’orage gronde. Les éclairs fusent. Un vrai temps de mousson. Un temps à chercher la fraîcheur à tout prix. Et pour comble, ce soir pas d’électricité ! Ce sera nuit sous les étoiles…

En cette soirée estivale, le progrès s’est mis aux abonnés absents, et mon compteur électrique a suivi le mouvement. Exit le climatiseur. Hors service les ventilateurs. Au sommeil les brumisateurs et autres rafraîchisseurs d’ambiance. Impossible de dormir entre les quatre murs de la chambre, même fenêtre grande ouverte. Accompagnés des éclats de rire de notre fille qui savoure d’avance notre excursion nocturne, nous étalons des nattes en bambou sur les dalles de la terrasse. Dans ce dortoir improvisé, le moindre souffle d’air est une véritable grâce du ciel. Insuffisant cependant pour trouver le sommeil. Pendant que mes condisciples de terrasse babillent entre elles, je laisse mes pensées s’envoler sous les étoiles…
Ce qu’il y a de bien avec les pensées, c’est qu’elles peuvent parcourir le temps et l’espace en un temps record, en se faufilant dans les moindres méandres de nos souvenirs pour y écrire des histoires sans fin. Et ce soir, le héros de mon histoire, c’est le Vietnam. Un Vietnam d’impressions et de sensations qui reviennent à ma mémoire en un voyage onirique auquel je vous invite…
En passant par le Nord

Archipel de Cát Bà, relevant de la ville portuaire de Hai Phong (Nord).
Photo : Q. Quyêt/VNA/CVN


Nuit d’automne dans une crique isolée, quelque part dans la baie de Cát Bà (ville portuaire de Hai Phong). Une lumière scintille au loin : bateau à l’ancre ou pêcherie flottante ? Étoile des hommes, elle semble répondre en écho à celles du ciel qui couronnent les formes sombres des rochers qui nous entourent. Immuables forteresses, ils paraissent garder de terrifiants secrets et, pour tromper d’éventuels curieux, se travestissent en animaux de légende. Notre jonque, si petite, s’incline au gré du vent et de l’eau, tolérée par les puissances mystérieuses qui règnent en ces lieux…
Écharpes de brume qui s’étirent sur le Tam Dao (une station de villégiature du Nord du Vietnam, située à moins de 100 km de la capitale Hanoi), masquant les cimes couvertes d’une végétation luxuriante. Bruits étouffés des travailleurs de l’aube qui montent lentement les sentiers pour aller récolter, dans des endroits connus d’eux seuls, le miel qui fait la réputation de cet endroit. Son cristallin de la Cascade d’Argent qui caracole joyeusement de rocs en abîmes pour devenir rivière dans la vallée. Du balcon de mon hôtel, j’aperçois les silhouettes diffuses des pins qui m’invitent à rejoindre quelque clairière où font ripaille les génies du lieu…

Tam Dao, une station de villégiature du Nord du Vietnam.


Costumes multicolores des H’Mông Fleuris qui égayent le marché de ce petit village. Sublimes rizières en terrasse, dûment méritées après une route escarpée et difficile. Accueil chaleureux dans cette maison sur pilotis à l’orée de la jungle, où nous avons partagé l’eau chaude pour sceller notre amitié. Souvenir amusé de ces marchands de pierre précieuse, où rubis, topaze, émeraude s’exposent aux badauds ébahis sur de petits étals de bois au bord d’un petit lac.
Promenade fluviale dans un sampan pétaradant, au milieu d’un village de pêcheurs. Les montagnes de calcaire, dévorées par les hommes, nous montrent leurs flancs béants dans une plainte silencieuse. Surprise de cette pietà au milieu de la rivière, monument insolite d’une foi locale. Arrêt à la source d’eau chaude qui siffle sa vapeur à 60° : rhumatismes et douleurs n’ont qu’à bien se tenir !

Des charmes de sommets envoûtants...


Droit au Sud

Route de nuit entre Vinh (province de Nghê An) et Dông Hoi (province de Quang Binh). Paysages sauvages et déserts, balayés par le vent salé de l’océan. Rares villages dont les habitants disputent à la furie des éléments le peu de nourriture qu’ils peuvent extraire de la terre. Terre hostile, hommes farouches et pourtant porte ouverte à l’étranger qui vient quémander l’hospitalité. Tunnel entre Tonkin et Annam, entre le pays des montagnes et celui de la mer, qui semble nous engloutir pour nous emmener sur une planète inconnue.
Hauts plateaux entre Kon Tum et Buôn Ma Thuôt : la piste Hô Chi Minh. Ruban de ciment qui fend la jungle en ligne droite, symbole de la résistance et de la pugnacité du peuple vietnamien. Monde végétal, strié de cascades où se rafraîchit le voyageur. Rares villages qui se cachent dans l’immensité des plantations d’hévéas, de caféiers et de poivriers. Enfants timides, avec leurs hottes sur le dos, emplies de maïs, qui se sauvent à mon approche. Bœufs placides couchés au milieu de la route que ne dérangent pas nos motos.
Regard malicieux des éléphants de Dak Lak, qui transportent nonchalamment les aventuriers amateurs. Cris d’effroi ou de joie des passagers, quand les pachydermiques montures avancent d’un pas décidé dans le lac. Danses ethniques dans les longues maisons communes où il faut partager l’alcool de riz dans des jarres communes. Scènes champêtres millénaires de grands buffles qui tirent l’araire en bois pour que la glèbe puisse accueillir le grain du riz.

... aux mystères des arroyos troublants !


Vie grouillante du Mékong entre vergers et marchés flottants. Dégustation de fruits inconnus sous la fraîcheur d’arbres tropicaux. Lente procession des chalands lourdement chargés de légumes aux noms étranges. Promenade en barque dans la mangrove, en sillonnant des arroyos à l’eau verdâtre qui nous entraîne dans un pays ou se rejoignent le ciel et la terre. Flânerie nocturne à Cân Tho ou à My Tho pour oublier la chaleur du soir, parmi les badauds en mal d’aventures exotiques…
Ça y est, la touffeur m’a rattrapé. Mes pensées s’échappent, en emportant avec elles images et émotions. Le Vietnam se referme sur ses secrets, et moi, je me retrouve sur le toit de ma maison. Dans la ruelle, le silence règne. J’essuie une goutte de sueur sur le front de ma fille qui s’est endormie à mes côtés. En m’accoudant à la rambarde, j’aperçois la lueur lointaine des quartiers encore éclairés. Là-bas, du côté de Ba Dinh, deux projecteurs percent le ciel obscur en un V monumental. La rumeur de la ville, qui s’étire dans les rues pour trouver un souffle d’air, se faufile jusqu’à moi. Le doux babil de ma famille s’est éteint lorsque les yeux se sont fermés et les rêves se sont ouverts.
Allons, la nuit n’est pas finie : il est encore temps d’essayer de retrouver mes pensées! Le Vietnam a encore tellement de charmes à me révéler…

Gérard BONNAFONT/CVN

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