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Un A321 en construction dans la première usine Airbus aux États-Unis, le 13 septembre 2015 à Mobile, en Alabama. |
Au terme d'une longue et sinueuse procédure lancée en 2004, l'Organisation mondiale du Commerce a jugé que l'Union européenne et plusieurs de ses États-membres, dont la France, ne s'étaient pas mis en conformité avec les règles du commerce international en maintenant des subventions pour Airbus, au détriment de son rival américain Boeing.
"Cette décision est une immense victoire pour les États-Unis et ses salariés du secteur aéronautique", a aussitôt clamé le représentant américain au Commerce extérieur (USTR), Michael Froman, qui a chiffré le montant total des subventions incriminées à 22 milliards de dollars.
Selon le responsable américain, ces aides publiques ont fait perdre d'importantes parts de marchés à Boeing, grevé les exportations américaines et coûté au total "plusieurs dizaines de milliards de dollars" à l'industrie des États-Unis.
M. Froman s'est pour le moment gardé d'annoncer des représailles contre ses partenaires européens, laissant le soin à un responsable américain de dire qu'il était encore trop tôt pour "évaluer les dommages commerciaux" causés par ces subventions et pour imposer d'éventuelles mesures de compensation.
Boeing s'est montré plus explicite. Dans un communiqué, l'avionneur - premier exportateur américain - a prévenu que Washington était en droit de demander jusqu'à 10 milliards de dollars par an aux Européens en imposant des "droits de douane compensatoires sur les importations européennes".
"L’Organisation mondiale du commerce a désormais établi qu’Airbus est, et a toujours été, une créature des gouvernements européens et le fruit de subventions gouvernementales illégales", a lancé Michael Luttig, vice-président de Boeing.
Prudence
La prudence des autorités américaines s'explique d'abord par des questions de procédure. Les Européens ont encore 20 jours pour faire appel de ce jugement qui doit être formellement adopté avant que ne s'ouvre une période pendant laquelle l'OMC vérifiera que son jugement est respecté par les États-membres.
Le représentant américain au Commerce extérieur, Michael Froman, le 6 juillet à Sun Valley, dans l'Idaho. |
Mais cette réserve tient également au fait que les Européens ont eux aussi saisi l'OMC pour protester contre les aides apportées par les Américains à Boeing, notamment pour le développement de son futur long-courrier, le 777X.
Ce volet de la grande querelle transatlantique des subventions ne devrait pas connaître de dénouement avant le printemps prochain et pourrait donner lieu à un marchandage entre les deux blocs, qui sont par ailleurs engagés dans de difficiles négociations sur le traité de libre-échange commercial TTIP.
La décision rendue jeudi par l'OMC n'a par ailleurs pas entièrement fait droit aux revendications américaines. Selon l'organisation, les États-Unis n'ont pas su démontrer que les subventions à Airbus "causaient du tort à l'industrie américaine nationale" ou qu'elles avaient abouti à des baisses des prix de vente des avions.
"Insatisfaisant"
Aussitôt la décision connue, Airbus a fait part de son incompréhension en affirmant s'être mis en conformité avec une précédente décision de l'OMC sur cette affaire, qui datait de 2011 et exigeait des modifications du régime d'aides publiques.
"Nous devions seulement effectuer des changements limités dans les politiques et pratiques européennes pour nous conformer" à ces obligations, a déclaré une porte-parole. "Nous avons fait ce que nous devions faire et dans le temps imparti", a-t-elle affirmé.
L'avionneur européen a toutefois souhaité que "le bon sens prévale" et affirmé qu'un accord "mutuel et équilibré" entre les deux blocs pourraient permettre de régler ce différend.
Chargée de faire respecter la légalité des subventions fournies par les États-membres, la Commission européenne a, elle, jugé "insatisfaisantes" certaines conclusions de l'OMC.
L'exécutif européen, qui dit analyser "en détail" la décision, a en revanche salué le fait que l'OMC n'ait pas jugé que le soutien européen au développement du moyen courrier A350 et au très gros porteur A380 d'Airbus constituait des "subventions interdites", contrairement aux souhaits des Américains.