>>Suez dégaine un plan B pour tenter de contrer son rachat par Veolia, qui campe sur ses positions
Antoine Frérot (droite), PDG de Veolia, et Bertrand Camus, directeur général de Suez. |
Dimanche soir 7 février, c'est par un bref communiqué que Veolia, qui a acheté en octobre 29,9% du capital de son grand concurrent français Suez, a constaté que "ses tentatives répétées d'amicalité, réitérées dans sa proposition d’offre du 7 janvier 2021, se sont toutes heurtées à l'opposition" de sa cible.
Face à l'intransigeance de Suez, le conseil d'administration de Veolia a décidé de lancer une offre publique d'achat au prix de 18 euros par action, sur les 70,1% du capital qu'il ne détient pas, soit une opération d'un montant de 7,9 milliards d'euros en numéraire.
Sa cible a immédiatement réagi auprès de l'AFP : "Veolia est dans l'impossibilité juridique de déposer une OPA", a souligné une porte-parole de Suez, dénonçant une "rupture de l'engagement d'amicalité" pris par Veolia.
"Nous ne laisserons pas faire Veolia dans son entreprise de destruction", a déclaré de son côté l'intersyndicale de Suez (CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC) dénonçant une "OPA hostile contre Suez et ses salariés", synonyme de "déclaration de guerre sans retour".
Dans un marché mondial de plus en plus soutenu et concurrentiel, Veolia veut créer un "super champion français" du secteur, un "projet dans l'intérêt de la nation", selon son PDG, Antoine Frérot. Le groupe a abattu ses cartes fin août, alors qu'un mois plus tôt son actionnaire Engie s'était dit "ouvert" à la cession de ses 29,9% dans Suez.
Mais depuis des mois, sa cible crie au "démantèlement", invoquant son propre potentiel, son plan stratégique, ses cessions pour lui permettre d'acquérir des activités de pointe. Pour le directeur général de Suez, Bertrand Camus, cette OPA serait "une alchimie à l'envers, pour transformer l'or en plomb".
De leur côté des élus ont exprimé de fortes craintes quant aux conséquences du projet, sur le prix de l'eau, le maintien de la concurrence, l'investissement, l'emploi.
Porte refermée
Mi-janvier, Suez avait contre-attaqué en annonçant une offre des fonds français Ardian et américain GIP, pour parvenir à une "solution amicale" avec Veolia : mais celui-ci a immédiatement envoyé une fin de non recevoir.
Toutefois, le dialogue semblait avoir repris dernièrement : les deux groupes devaient commencer à se parler "très, très prochainement", avait affirmé à l'AFP Philippe Varin, le président du conseil d'administration de Suez, mercredi 3 février. Et la veille le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, estimait qu'une solution amiable était "à portée de main".
Vendredi 5 février, Antoine Frérot et Bertrand Camus se sont même rencontrés, d'après une source proche du dossier.
Mais la porte s'est brutalement refermée.
"Suez a multiplié au cours des quatre derniers mois les actions destinées à faire obstruction à la proposition d’offre de Veolia", s'est justifié ce dernier dimanche soir. Ces actions "ont trouvé leur aboutissement dans les déclarations de Suez, Ardian et GIP du 17 janvier faisant état d'une offre alternative de ces derniers et la décision du conseil d'administration de Suez" de soutenir cette offre.
Fustigeant des "manoeuvres et déclarations ambiguës de Suez, Ardian et GIP", Veolia a donc décidé de "déposer une offre formelle, pour pouvoir rentrer en discussion" avec sa cible.
De son côté le conseil d'administration de Suez a désormais "un mois pour émettre une recommandation sur cette offre", dont le dépôt formel permet de lancer la consultation des instances représentatives du personnel et d'espérer boucler "les négociations permettant la création d'un nouveau Suez", a déclaré un porte-parole de Veolia à l'AFP.
Début février, le tribunal de Nanterre avait remis Veolia sur la route du rachat de Suez en reconnaissant qu'il n'avait pas à consulter "à ce stade" les instances représentatives de son concurrent pour le racheter.
Et le géant de l'eau et des déchets avait prévenu, quelques jours auparavant, qu'il s'opposerait à toute cession d'actifs qu'il juge stratégiques de la part de Suez.
Passé son soutien initial au projet de rachat par Veolia, l'État a semblé prendre ses distances ces dernières semaines et appelait plutôt au dialogue.
AFP/VNA/CVN