Vaste recueil de contes merveilleux

Le Truyên ky man luc, qui date de la première moitié du XVIe siècle, est le premier conte merveilleux au Vietnam, s’inscrivant dans le cadre des narrations fantastiques de l’Asie orientale inspirées par l’œuvre Nouvelles écrites sous la lampe du Chinois Qu You (1347-1433).

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L’œuvre "Vaste recueil de contes merveilleux" reflète l’attitude critique d’un lettré devant la crise sociale de l’époque.
Photo : CTV/CVN

Le Truyên ky man luc, littéralement "Vaste recueil de contes merveilleux", est rédigé en hán (chinois classique) comme toutes les œuvres littéraires de l’époque. Si la manière et les thèmes sont tributaires de la source chinoise, la matière, la mentalité et les problèmes traités sont essentiellement vietnamiens.

L’auteur, Nguyên Dữ (on ignore les dates de sa naissance et de sa mort) - à ne pas confondre avec le poète Nguyên Du (1765-1820) célèbre par son roman en vers Kiêu - est un des meilleurs disciples de Nguyên Binh Khiêm (1491-1585), philosophe et poète jouissant d’une renommée de Nostradamus.

Lettré confucéen Nguyên Dữ

Licencié aux concours triennaux, il entre dans le mandarinat comme sous-préfet. Au bout d’un an, il se démet de sa charge prétextant les soins à porter à sa vieille mère. En réalité, il veut se retirer des affaires publiques, à une époque où la dépravation de la cour ne fait que s’accroître.

Son recueil de contes reflète l’attitude critique d’un lettré devant la crise sociale de l’époque. Il condamne les tares, les abus et les crimes de la classe féodale à l’égard du peuple (rapt de femmes à des fins de viol ou de mariage forcé…).

Il chante en même temps la noblesse d’âme selon la conception confucéenne (épouse fidèle, intégrité morale…). Mais ce lettré confucéen semble chercher une évasion dans l’imaginaire et la fantaisie du taoïsme, doctrine religieuse pour laquelle il manifeste une sympathie évidente.

Des adaptations de l’œuvre "Vaste recueil de contes merveilleux" de Nguyên Dữ.
Photo : Dô Thu Hà/CVN

Les 20 contes du recueil de Nguyên Dữ qui mêlent le réel au surnaturel évoquent l’atmosphère des histoires anciennes de fées et de fantômes plutôt que les contes fantastiques modernes d’un Hoffman ou d’un Poe. Ils se déroulent dans le monde des vivants et dans le séjour des morts, sur terre, dans le ciel et dans l’eau.

Trois récits rappellent vaguement les contes philosophiques de Voltaire, par leurs considérations éthiques et philosophiques : Histoire d’une entrevue au Temple de Hang Vuong, Entretien avec le bûcheron du Mont Na, et Festin de nuit sur la rivière Noire.

Fidélité de la femme à son mari

Trois autres contes honorent la fidélité de la femme à son mari. Dans La mariée de Khoái Châu, Nhi Khanh dont le mari est parti sans laisser d’adresse depuis six ans, est forcée à se marier avec un général. Son époux rentre à temps pour la sauver, mais il se ruine au jeu et la donne en gage au gagnant. Elle se donne la mort en s’étranglant. Elle devra revenir à la vie pour une seule nuit pour la passer avec l’infidèle. La chanteuse Tuy Tiêu, enlevée par un puissant mandarin, pense au suicide pour rester fidèle à son mari. Finalement, un vieux serviteur la sauve. La Jeune femme de Nam Xuong, soupçonnée injustement par son mari, en meurt.

Plusieurs contes relatent des cas où les esprits féminins entraînent les hommes à la luxure. Telle l’Histoire du kapokier : un marchand se laisse entraîner toutes les nuits par une inconnue dans les plaisirs lubriques, il cherche sa demeure et y trouve son cercueil. Les amants s’incarnent dans un kapokier qui sera foudroyé. Dans Rencontre fortuite à la ferme de l’Ouest, la victime découvre que ses deux partenaires sexuels sont des fantômes. Dans le Procès du Palais du Dragon, le serpent démon (thuông luông) est puni sévèrement pour avoir enlevé la femme d’un mandarin. L’âme d’une jeune morte s’incarne et épouse un mandarin jusqu’au moment où un sorcier la fait revenir à son état d’ossements (Les mauvais esprits de Xuong Giang).

Le conte Tu Thuc se marie avec une fée reflète plutôt la mélancolie que la perversité. Au cours d’une fête printanière, Tu Thuc s’est défait de sa robe et l’a donnée en gage pour racheter la faute d’une jeune fille qui a cassé par inadvertance une branche de fleurs. Il la retrouve au pays des fées. Après une année de bonheur parfait, il est pris de nostalgie et demande à rentrer au village natal… Il n’y retrouvera aucune personne de sa connaissance car plus de 80 ans se sont écoulés. Déçu, il rejoindra la forêt. Personne ne sait ce qu’il est devenu…

Huu Ngoc/CVN
(Mars 1997)

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