>>Hanoi doit être un centre entrepreneurial, selon Nguyên Xuân Phuc
>>Des capitaux étrangers investis dans une start-up vietnamienne
Les participants tout sourire de cette nouvelle édition de Seedstars World à Hô Chi Minh-Ville. |
Photo : Seedstars World/CVN |
Ils étaient sept au départ de la journée du 29 mai. Mais il ne pouvait en rester qu’une seule. La meilleure. Et cette année, c’est MimosaTEK. L’heureuse élue a remporté dans les locaux de Dreamplex à Hô Chi Minh-Ville son ticket pour représenter le Vietnam lors de la prochaine finale de Seedstars World. Depuis quatre ans, cette compétition internationale est organisée dans 60 pays, et déniche les start-ups les plus prometteuses et innovantes. Les finalistes partiront en mars prochain pour la Suisse, dans l’espoir de remporter près d’un million de dollars d’investissement.
Pourquoi elle et pas une autre ? «Le jury a senti que la start-up proposait un produit qui s’adresse non seulement à un des plus grands défis du Vietnam, mais elle peut aussi avoir un impact dans toute la région, et dans le monde», explique Nick Feneck, un des organisateurs de Seedstars World en Asie. MimosaTEK s’attaque en effet à une problématique de taille au Vietnam : le futur de l’agriculture, et ce en proposant des solutions modernes et high-tech, découlant de l’Internet des objets.
Une aide des plus précieuses
«Les agriculteurs vietnamiens n’ont pas d’information sur les conditions des semences ou leurs besoins en eau ou engrais», indique Nam Dang, responsable de la stratégie pour MimosaTEK. Un manque de données qui les amènent par exemple à irriguer plus qu’il n’en faut ou une sur-utilisation d’engrais, engendrant un faible rendement et une augmentation des coûts.
La solution de MimosaTEK permet aux agriculteurs de connaître en temps réel les besoins du sol et des semences. Des capteurs «intelligents» placés dans le sol contrôlent le niveau d’eau et d’engrais, et ces derniers vont envoyer les données sur un serveur localisé à distance. De là, elles sont traitées par des algorithmes qui vont déterminer les divers besoins. Ces informations sont ensuite envoyées directement sur le téléphone portable de l’agriculteur, qui peut suivre en direct les diverses données relevées, mais également recevoir des conseils et des alertes. L’application permet également d’enclencher à distance les équipements, en fonction des résultats.
Mieux informés, les fermiers savent quand ils doivent planter leurs semences ou effectuer les récoles, mais également la durée et la quantité optimales pour l’irrigation. Selon la start-up, le concept permet d’améliorer au final la qualité des cultures.
Nguyên Khac Minh Tri (4e à gauche), directeur général de MimosaTEK, et ses collègues. |
Photo : baodautu/CVN |
À l’heure où le pays fait face à la fois à une sécheresse intense et à la salinisation du delta du Mékong, la solution de MimosaTEK est des plus prometteuses. Ses fondateurs ont été à la rencontre de nombreux agriculteurs, et une grande partie a témoigné des difficultés pour accéder à l’eau. «On a toujours pensé que le delta du Mékong ne souffrirait jamais de pénurie», explique Nam Dang. «Mais dans la région du Centre, beaucoup d’entre eux n’arrivent pas à trouver de l’eau, même s’ils percent à plus de 100 m sous la surface». Il raconte notamment le cas des agriculteurs dans la province de Hà Tinh (Centre), pour qui la gestion efficiente de l’eau est devenue cruciale, cette dernière étant maintenant exclusivement utilisée pour la production d’acier. Il faut également tenir compte de la diminution croissante des surfaces de récoltes, précise le responsable de la stratégie de MimosaTEK. En clair, les agriculteurs doivent produire plus, mais avec moins à disposition.
Entretenir un écosystème favorable
La victoire de MimosaTEK est tout un symbole. Dans un univers entrepreneurial orienté majoritairement vers les services à la personne, le projet démontre que l’innovation, mise au service d’un enjeu sociétal, peut être une formidable force créatrice de valeurs, et surtout représenter un grand potentiel de marché. Un message que Seedstars World et MimosaTEK espèrent passer. Ces derniers souhaitent de ce fait une implication encore plus active des politiques pour soutenir les fermiers à mettre à jour leurs pratiques. Ou encore encourager les institutions financières à travailler main dans la main avec le secteur agricole pour développer un modèle économique durable.
C’est aussi une victoire qui illustre cette nouvelle vague entrepreneuriale qui submerge le Vietnam. «Par rapport aux éditions précédentes, le niveau des pitchs et de la compétition s’est grandement améliorée», confie l’organisateur de Seedstars World. «Les projets sont plus variés, de la santé à l’agriculture, du commerce à la publicité. L’écosystème change rapidement, et il devient de plus en fort». Il explique que le niveau technique des Vietnamiens et les divers partenariats créés, notamment avec les universités américaines et la Silicon Valley, favorisent l’émergence et surtout le développement de cet environnement.
«Il y a encore quelques années, personne ne savait ce qu’était un incubateur. Maintenant, TFI, Microsoft Expara, Hatch et bien d’autres encore, soutiennent près d’une centaine de startups chaque année», avance Nam Dang. En compétition directe avec des Venture Capitalists (VC) de Singapour, Malaisie, du Japon ou encore des États-Unis, l’écosystème vietnamien n’a plus le choix. Pour les représentants de Seedstars World, le pays doit se montrer plus attractif, en améliorant notamment le cadre et l’esprit commercial, tout en réussissant à retenir ses meilleurs talents.
D’ici mars 2017, MimosaTEK a encore du chemin et du temps avant d’arriver sur les bords du lac Léman en Suisse, mais Nick Feneck a quelques derniers conseils pour la start-up vietnamienne : «Ils doivent s’entourer de mentors appropriés, et montrer qu’ils dominent le marché local pour pouvoir après prouver qu’ils peuvent répliquer leur modèle sur d’autres marchés. Nam et son équipe démontrent qu’ils sont des entrepreneurs compétents, et nous sommes certains qu’ils vont briller à la finale !».
Marie Rumignani/CVN