Une si belle amitié

L’amitié est comme un rayon de soleil dans les nuages de la vie, dans quelque contrée que ce soit.

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Luu Binh et Duong Lê, très différents de caractère, étaient malgré tout inséparables.
Photo : CTV/CVN

Quand on se promène sur les routes vietnamiennes, au moment de la rentrée ou de la sortie des classes, il n’est pas rare de voir de curieux couples à vélo. Un enfant sur la selle, et un autre sur le porte-bagages à l’arrière. Celui qui est en selle dirige le vélo, celui qui est assis derrière pédale. Une belle image de ce que peut être l’amitié dès le plus jeune âge : une façon de tout partager, les bonheurs comme les peines, et de s’encourager en toutes circonstances pour alléger le fardeau de son ami(e).

Il existait autrefois une pratique qui s’est un peu perdue au XXIe siècle. Quand un enfant naissait dans une famille, on s’enquérait d’un autre enfant nouveau-né, vivant à proximité, et on décidait que ces deux bébés seraient ami(e)s intimes pour la vie. Leur mission réciproque ? S’entraider toute leur vie, être toujours là en cas de besoin de l’un ou l’autre. Belle aventure, mais qui parfois n’est pas sans écueils. Ainsi, en est-il de cette légende qui a traversé les siècles. Et comme d’habitude, il était une fois…

Si différents…

Autrefois, deux amis suivaient des cours chez un vieux lettré du village. Très différents de caractère, ils étaient malgré tout, inséparables. L’un, Duong Lê, était studieux, travailleur, d’un caractère réservé, semblable à une mare tranquille sous le ciel d’été. L’autre, Lu Binh aimait surtout rire, s’amuser, et négligeait les leçons qu’il considérait comme une vraie corvée. À l’image, quant à lui, d’une rivière indisciplinée sous les rayons du soleil de printemps. Malgré les remontrances du vieux maître et insouciant des conseils de son ami, Luu Binh refusait d’étudier sérieusement.

Alors, évidemment, lorsqu’arriva le moment des concours impériaux, le consciencieux Duong Lê fut reçu et nommé sur-le-champ mandarin dans une région située à une grande distance du village. Mais le cancre Luu Binh échoua, et amer, décida d’abandonner définitivement les études. Prenant des chemins éloignés, les deux amis restèrent sans nouvelles l’un de l’autre pendant plusieurs années.

Un jour, Duong Lê vit arriver dans son palais mandarinal un pauvre hère. Il eût du mal à reconnaître Luu Binh, portant des habits sales et déchirés, avec une chevelure pleine de poux et une barbe hérissée. Luu Binh  venait demander de l’aide à son ami, mais Duong Lê le fit chasser sans ménagement, le traitant de fainéant, de paresseux, et de bon à rien. Humilié, ivre de colère, Luu Binh quitta le palais en jurant de se venger de l’homme qu’il avait cru, jusqu’à présent, être son meilleur ami.

Empli de rage, il entra dans une auberge et commanda de l’alcool de riz qu’il consomma abondamment. Une belle jeune femme distinguée, entra dans l’auberge. Remarquant Luu Binh en train de boire plus que de raison, elle s’approcha de lui et dit : "Je vois que vous avez une grosse peine. Expliquez-moi votre mésaventure et je pourrais peut-être vous aider". La voix douce de cette jeune femme inspira confiance à Luu Binh qui se mit à lui raconter ce qui venait de se passer, et son désir de vengeance.

Alors qu’il pensait que la femme serait offusquée, Luu Binh fût étonné de la proposition qu’elle lui fit : "Je m’appelle Châu Long. Je vis seule dans une grande maison près d’ici, dit la jeune femme. Je suis riche et je peux vous aider à vous venger. À une condition, vous allez travailler dur pour réussir aux prochains concours impériaux et devenir un mandarin d’un rang plus élevé que celui de votre ennemi. Ce sera votre revanche".

… et si proches !

L’histoire de Luu Binh et Duong Lê, celle d’une amitié à toute épreuve.

Luu Binh accepta la proposition et suivit la jeune femme dans sa maison. À partir de ce jour, il travailla jour et nuit, apprenant, révisant sans cesse, tandis que Châu Long le comblait de milles attentions. Trois ans de travail assidu s’écoulèrent, et le jour du concours arriva. Luu Binh réussit haut la main, et meilleur lauréat des grands concours impériaux, il fut nommé gouverneur d’une grande province.

De retour à la maison, Luu Binh dit à Châu Long : "J’irai demain au palais de mon ancien ami, et je serai curieux de voir sa réaction. J’aurai enfin ma vengeance". Châu Long répondit : "Puisque tu ne seras pas là demain, permets-moi d’aller, dès ce soir, rendre visite à une amie. Je resterai, ensuite, quelques jours avec elle car nous ne nous sommes pas vues depuis très longtemps". Ainsi fut fait.

Le lendemain, Luu Binh se rendit au palais de Duong Lê. Cette fois, loin d’être rejeté comme un malpropre, il fut reçu par Duong Lê avec une grande courtoisie et avec tous les honneurs dus à son rang. Mais, à peine installé dans le salon, quelle ne fut pas sa surprise quand il vit Châu Long, elle-même, leur apporter le plateau de thé. Il faillit s’en étouffer. Duong Lê lui dit en souriant : "Inutile de vous la présenter, je crois que vous connaissez Châu Long. C’est ma troisième femme !"

Aussitôt Luu Binh comprit tout. Il tomba en pleurs à genoux devant son ami : "Pardon de t’avoir haï pendant toutes ces années. Tu avais envoyé Châu Long pour me sauver de ma déchéance. Tu as fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Qui d’autre que le meilleur ami qui puisse exister aurait pu faire cela. Je t’en serai éternellement reconnaissant".

Avec beaucoup d’affection, Duong Lê releva doucement son ami, puis les deux hommes partirent d’un grand éclat de rire, en s’étreignant fortement, sous le regard attendri de Châu Long. Et Duong Lê donna alors l’ordre de préparer un grand festin pour fêter ses retrouvailles et le triomphe de l’amitié. Inutile de dire que la fête se prolongea tard dans la nuit et que les deux amis vécurent longtemps en harmonie.

Ne dites pas aux anciens que cette légende n’est peut-être qu’une belle histoire inventée à raconter à la veillée aux enfants. Au contraire, gardez-la précieusement dans votre mémoire, pour la conter à nouveau autour de vous et faire fleurir de belles amitiés.


Ông Ngoai/CVN

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