Pakistan
Une nouvelle génération de conductrices en deux-roues et en camion

Défiant le trafic tapageur des rues bondées de Lahore, cité vivante de l’Est pakistanais, Tayyaba Tariq se faufile, fière sur sa toute nouvelle moto, entre voitures et «rickshaws», ces voiturettes à trois roues fréquentes en Asie.

Bien qu’il y ait de plus en plus de femmes au volant au Pakistan, pays conservateur musulman de 200 millions d’habitants, l’idée de femmes dévoilées chevauchant des deux-roues ou gagnant leur vie comme chauffeur de «rickshaw» ou de poids-lourds est encore taboue.

Casque blanc sur des cheveux au vent et 125cc rutilante, Tayyaba, 22 ans et vêtue d’un jean, fait néanmoins partie d’une nouvelle génération de conductrices déterminées à repousser les limites qui leur sont imposées par une société volontiers sexiste.

L’étudiante pakistanaise Tayyaba Tariq à moto dans une rue de Lahore.
Photo : AFP/VNA/CVN

La jeune femme parcourt 50 km par jour en moto, un moyen bien plus abordable que la voiture d’aller travailler comme agent des douanes à la frontière avec l’Inde. Nombre de femmes se déplacent à moto... mais elles sont habituellement assises en amazone derrière un homme qui conduit.

«Si les femmes apprennent à conduire une moto, elle peuvent se déplacer librement, aller et venir indépendamment», souligne Tayyaba Tariq. Un enjeu de taille quand on sait que les trois quarts des Pakistanaises ne sont pas sur le marché du travail, principalement à cause du manque de transports sûrs, selon une étude de l’organisation internationale du travail (OIT).

Alors que les femmes subissent une discrimination quotidienne au Pakistan, une série de campagnes récentes a eu lieu pour essayer de leur faire une place dans l’espace public, dont elles sont habituellement exclues, comme les petits cafés de bord de route.

Sur la question des transports, les autorités provinciales de Lahore ont lancé en novembre un programme de sensibilisation dans le cadre duquel près de 70 conductrices ont pris des cours de moto - avocates, domestiques ou employées de bureau.

De leur côté, des policiers de Lahore ont formé près de 150 motardes récemment, selon Sajjad Mehdi, de la police locale des transports, «et beaucoup d’autres femmes ont appris toutes seules».

La ville en rose

Si la jeune motarde peut échapper aux importuns d’un simple coup d’accélérateur, ce n’est pas le cas de femmes qui se déplacent en rickshaws, où elles se retrouvent coincées avec le chauffeur dans un minuscule habitacle. Pour parer à cela, une entrepreneuse, Zar Aslam, a lancé des rickshaws réservés aux femmes et conduits par des femmes.

Une Pakistanaise conduisant un camion.

Une façon de donner de l’autonomie à la fois aux passagères, qui ont un moyen plus sûr de se rendre au travail ou chez leurs proches, et à la conductrice, qui trouve ainsi une source de revenus. Mme Aslam a mis en circulation l’an dernier à Lahore cinq de ces «Rickshaws roses».

Son organisation s’efforce de former des conductrices supplémentaires et de trouver de nouveaux financements. «Nous essayons d’aider les femmes à entreprendre et devenir les propriétaires-gestionnaires de leur propre rickshaw», explique la quinquagénaire.

Pour l’actrice Nadia Jameel, ambassadrice des Rickshaws roses, «n’importe qui entre 18 et 102 ans peut conduire un rickshaw, quelle que soit sa classe et son milieu d’origine». «Des femmes vont se porter candidates car elles n’ont pas le choix. Elles ont besoin de cet argent», souligne cette star du petit écran.

Par nécessité

C’est également la nécessité qui a poussé Shamim Akhter, une mère divorcée de 53 ans, à devenir la première conductrice de «truck», ces poids-lourds brinquebalants ornés d’exubérants motifs qui font partie du folklore pakistanais.

Abandonnée par son mari après la naissance de cinq enfants, Mme Akhter s’est échinée à faire vivre sa famille par des petits boulots pendant des années, avant de conduire des camions et d’entrer ainsi dans l’histoire. Elle travaille depuis, de nuit comme de jour, avec des collègues masculins pour transporter des briques dans la capitale Islamabad. Après avoir appris à conduire une voiture, elle a commencé par ouvrir une auto-école, qui fut un échec.

«Je gagne 1.000 roupies (9 euros, ndlr) par trajet un peu long effectué en dehors d’Islamabad», explique-t-elle tout en astiquant la cabine d’un camion.

AFP/VNA/CVN

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