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Nguyên Thuy Anh (centre) à l’École des sorciers de Stuttgart en Allemagne. |
Photo : NVCC/CVN |
Soucieuse de transmettre la connaissance de la langue vietnamienne aux jeunes Viêt kiêu (Vietnamiens d’outre-mer), Nguyên Thuy Anh est devenue au fil du temps une formatrice reconnue, publiant même aujourd’hui un manuel en six volumes, adapté à plusieurs niveaux.
D’un souci d’une mère...
Ayant vécu une bonne partie de sa vie à l’étranger, Nguyên Thuy Anh avait à cœur d’enseigner la langue vietnamienne à ses enfants.
"J’ai vécu 17 ans en Russie avec l’intention d’y faire ma vie. En tant que mère vivant loin de sa patrie, j’avais peur que mes enfants grandissent sans connaître le vietnamien ou soient incapables de parler de leurs sentiments avec nous dans cette langue si riche. J’étais même réticente à les envoyer à l’école primaire car je voulais qu’ils parlent bien leur langue maternelle d’abord", raconte-t-elle.
Très tôt, elle mélangea apprentissage et créativité, en lisant à ses enfants des contes et des berceuses, et même en leur écrivant des poèmes. "C’était l’époque où j’écrivais de nombreux poèmes pour enfants qui s’inspiraient du folklore vietnamien", se souvient-elle. "Au fil du temps, j’ai remarqué que les enfants vietnamiens d’outre-mer aimaient beaucoup ce genre de poèmes parce qu’ils sont amusants, rythmés et qui plus est très facilement mémorisables", ajoute-t-elle.
Après avoir expérimenté différentes approches pour enseigner le vietnamien, Thuy Anh a développé sa propre méthode basée sur des activités interactives. Selon elle, les enfants apprennent mieux et davantage quand ils s’amusent. Il est ainsi essentiel de construire des petites communautés d’apprentissage dans lesquelles ils se sentent à l’aise et heureux.
... à la formatrice professionnelle
Le camp d’été "S’amuser avec le vietnamien" est organisé chaque année en Pologne. |
Photo : NVCC/CVN |
Après un court séjour dans son pays natal, elle repartit en 2012 direction la Pologne, invitée par Lê Xuân Lâm, directeur d’une école d’enseignement du vietnamien nommée Lac Long Quân à Varsovie, qui partageait avec elle l’amour de la langue vietnamienne. Cette fois-ci, elle était recrutée pour former des enseignants de l’école à sa méthode d’enseignement du vietnamien. À l’étranger, un réel besoin de formation se fait sentir, la plupart des enseignants exerçant de manière bénévole sans certificat ni diplôme d’enseignement de la langue.
Ayant toujours à cœur de s’occuper en priorité des enfants, Thuy Anh eut aussi l’idée d’organiser un camp d’été d’apprentissage du vietnamien nommé "S’amuser avec le vietnamien" intégrant un programme qu’elle avait conçu.
"Seuls 30 enfants se sont inscrits au début, partage Thuy Anh. Cependant, ce fut une énorme surprise lorsque quelque 80 personnes, adultes compris, se sont présentées à la journée d’ouverture du camp. Nous avons invité plus de 20 participants, âgés de 15 à 17 ans, à être bénévoles en charge des plus jeunes".
De nombreuses activités furent organisées, notamment du théâtre interactif, des jeux, des concours de contes et des discussions avec des artistes. Bien que les niveaux de langue vietnamienne des participants n’étaient pas les mêmes, tous s’entraidèrent pour exprimer leurs idées entièrement en vietnamien.
Thuy Anh a déclaré que les parents étaient émus de voir leurs enfants utiliser avec enthousiasme des chansons vietnamiennes avec leurs amis.
Après le camp d’été, les discussions de groupe se sont poursuivies, créant une dynamique positive parmi la deuxième génération vietnamienne en Pologne.
Depuis cette première édition, le camp d’été "S’amuser avec le vietnamien" est organisé tous les ans en Pologne. Il attire de plus en plus de parrainages d’organisations et d’individus de la communauté vietnamienne locale pour soutenir ses activités.
En 2017, Thuy Anh a lancé un tout nouveau projet appelé "École des sorciers de Stuttgart". Il s’agit d’un camp d’automne en langue vietnamienne, organisé à Stuttgart, en Allemagne, pendant les vacances d’automne coïncidant avec la fête d’Halloween. Pendant ce camp, des leçons sont intégrées à des jeux d’aventure.
Ouvert à tous les membres de la famille, ce camp a créé et entretenu des liens non seulement entre les participants mais aussi avec la culture et la langue vietnamiennes.
Thuy Anh organisa même des ateliers d’artisanat dans lesquels les enfants apprenaient à fabriquer des jouets et des animaux aidés par des enseignants vietnamiens, "En écoutant les instructions et en collaborant les uns avec les autres, ils ont absorbé les mots vietnamiens naturellement et facilement. C’est ainsi que nous avons créé un environnement d’apprentissage proactif pour les enfants", confie-t-elle.
La formatrice remarque qu’après avoir participé à des camps de langue vietnamienne, les enfants vietnamiens vivant à l’étranger commencent à aimer et à parler de leur patrie avec émotion et fierté "Une fillette a accroché une carte du Vietnam sur le mur de sa chambre après son retour d’un camp, se rappelle-t-elle. Elle y colle des cartes postales des lieux qu’elle et ses familles ont visité au Vietnam. À côté, elle ajoute quelques autres points pour les archipels de Hoàng Sa (Paracel) et Truong Sa (Spratly)".
Après trois années consécutives d’organisation du camp de langue vietnamienne à Stuttgart, Thuy Anh a prévu de dupliquer le modèle en Russie où elle a vécu 17 ans.
Des manuels "Bonjour le vietnamien !"
Ces jours-ci, alors que la pandémie empêche les réunions en présentiel, Thuy Anh prend le temps d’écrire des livres. Elle a ainsi achevé la rédaction d’un ensemble de manuels intitulé "Bonjour le vietnamien !", lequel comprend six volumes divisés en trois niveaux différents. Ces ouvrages répondent à toutes les normes fixées par le ministère vietnamien de l’Éducation et de la Formation sur l’enseignement de la langue à l’étranger.
Selon Thuy Anh, les enfants vietnamiens vivant à l’étranger considèrent le vietnamien comme leur deuxième langue, alors que la plupart de leurs parents et grands-parents peuvent le parler couramment. Par conséquent, elle essaie toujours de faire participer les parents et l’entourage aux activités pour initier naturellement les enfants, créant ainsi une véritable communauté rassemblée autour de l’apprentissage de la langue.