.
Le jardin de 10 ha sur le mont Yên Tu. Photo : CTV/CVN |
Comme l’a recommandé l’Organisation mon-diale de la santé (OMS), chaque pays devrait être équipé d’au moins un jardin de plantes médicinales à l’échelle nationale, pour valoriser et développer les remèdes traditionnels. De nombreux États dans le monde s’appliquent à préparer des produits pharmaceutiques et de beauté à base de ces plantes. «Au Vietnam, la médecine orientale s’exerce depuis plusieurs siècles. C’est donc une très bonne chose de voir ce projet de jardin national se réaliser», nous indique Trân Van On, Docteur en pharmacie et chef de la Section botanique de l’Université de pharmacie de Hanoi. Ce dernier est l’un des initiateurs et réalisateurs de ce jardin, qui s’étendra dans l’avenir sur des centaines d’hectares.
Histoire, culture et nature
Ainsi, au pied du mont Yên Tu, un vaste terrain plat de 10 hectares niché entre des montagnes vient d’être recouvert de végétations. Ici et là, des groupes de jardiniers s’affairent à soigner de jeunes plants. «Yên Tu est un endroit sacré où convergent culture, histoire et nature. Ses conditions géologiques et climatiques sont propices à créer ce lieu», insiste-il. Et d’expliquer qu’il y a presque 700 ans, le roi Trân Nhân Tông s’est retiré dans cet endroit. Il y a créé le courant religieux Truc Lâm et étudié les remèdes traditionnels.
Pour accéder au sommet du mont Yên Tu, à plus de 1.000 m d’altitude, il faut emprunter un sentier escarpé de 6 km, parsemé de pagodes et de temples. Ou prendre le téléphérique. Quand on approche du sommet, le Chua Dông -un pagodon de bronze (3m de hauteur, 12 m² de superficie et 60 tonnes)- se dessine à l’horizon. Quelques mètres avant, à 900m d’altitude, se dresse également un bloc de pierre humanoïde. «C’est la statue d’An Ky Sinh, un bouddhiste chinois», explique Trân Van On. Selon la légende, ce Chinois est venu prêcher le bouddhisme au Vietnam il y a 2000 ans. De passage à Yên Tu, il fut fasciné par l’abondance d’espèces de plantes médicinales qui poussaient même sur les versants les plus abrupts. Il a décidé d’y rester longtemps pour en étudier la «chimie». Il est ensuite décédé sur cette «terre bénite». On l’a retrouvé pétrifié, le regard fixé vers son jardin.
Le gingembre fou (ou gung gio en vietnamien). Photo : CTV/CVN |
Ce «jardin médicinal naturel» s’étend au creux d’une forêt primitive. Nous y allons découvrir des espèces que nous n’avions jamais soupçonnées. Sur place, le docteur Trân Van On nous en décrit quelques-unes : gung gio (gingembre fou), hoa tiên, toa duong, phong môt la (érable à feuille unique), sâm A (gingseng), ba bênh (littéralement : capable de traiter toutes les maladies ; nom latin : Eurycoma longifolia)... De temps en temps, il marque un temps d’arrêt pour arracher des feuilles ou ramasser quelques pousses, et les mettre dans un grand sac en bandoulière. Et comme un homme de passion ne cesse jamais de travailler, il en profite également pour prendre des clichés et griffonner diverses annotations dans un cahier.
Premier Docteur issu d’une ethnie minoritaire
Originaire de la province de Thai Nguyên (au Nord), Trân Van On était l’un des seuls étudiants de l’Université de pharmacie de Hanoi issu d’ethnie minoritaire. Diplômé en 1988, il a continué ses études post-universitaires pour devenir, quelques années plus tard, le premier Docteur en pharmacie de l’ethnie San Chay. Fin 2012, lors d’un séminaire international sur les produits pharmaceutiques végétaux, organisé à Hanoi, le Docteur Trân Van On a, dans un anglais qui force l’admiration, présenté son sujet de recherche : la préservation des espèces végétales médicinales utilisées par les ethnies minoritaires.
Selon ses propres termes, il fait d’une pierre deux coups avec ce jardin. «Yên Tu était déjà très fréquentée par les touristes. Mais aujourd’hui, avec les visites et les remèdes préparés sur place, on gagnera assez pour assurer la pérennité de ce lieu et contribuer à la préservation des plantes médicinales dans le pays».
Trân Nhân Tông «le Bouddha royal»
Le mont Yên Tu est le sommet plus élevé de la chaîne de montagnes de Dông Triêu, relevant de la province de Quang Ninh (au Nord-Est). C’est là qu’après avoir mis fin à la guerre nationale contre les envahisseurs chinois (1285-1288), le roi Trân Nhân Tông (de la dynastie des Trân, XIIIe - XVe siècles) s’est retiré. Il a créé le courant bouddhique de Truc Lâm, et fait du mont de Yên Tu un lieu sacré, avec plusieurs dizaines d’anciennes pagodes, pagodons, et temples édifiés ici et là sur les versants abrupts. Créateur du Truc Lâm et missionnaire bouddhiste, le roi Trân Nhân Tông était aussi pharmacien. À Yên Tu, le vestige du «Pagodon de Pharmacie» a encore des restes. L’histoire raconte que Trân Nhân Tông a étudié en profondeur les plantes médicinales sauvages, et préparé moult remèdes pharmaceutiques pour les habitants. Après sa mort, il a été nommé par la population «Bouddha royal».