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Dans de nombreuses écoles à Vinh, province de Nghê An (Centre), ce sont les garçons qui sont plus nombreux |
Photo : Bich Huê/VNA/CVN |
Au Vietnam, le sexe ratio (ou rapport de masculinité) à la naissance a commencé à augmenter en 2006, passant du niveau biologique normal à un ratio national moyen de 110 naissances de garçons pour 100 de filles. Ce déséquilibre a continué de se creuser ces dernières années.
Des chiffres alarmants
Les chiffres annuels du secteur démographique montrent que plus de 50% des provinces et villes disposent d’un sexe ratio à la naissance augmentant chaque année. Dans le delta du fleuve Rouge, il est passé de 115,3 garçons pour 100 filles en 2009 à 118 garçons en 2014. Les provinces de Hung Yên, Hai Duong, Bac Ninh, Bac Giang, Nam Dinh, Hoà Binh, Hai Phong, Vinh Phuc, Quang Ninh...sont les plus touchées.
Selon le Service de la santé de Hanoï, le rapport de masculinité de la capitale a été ramené de 117,6 garçons/100 filles en 2008 à 113,5 en 2017. Ces neufs derniers mois, ce chiffre est demeuré élevé, avec 111 garçons.
D’après le Pr.-Dr. Hoàng Duc Hanh, directeur adjoint du Service de la santé de Hanoï, bien que le déséquilibre du sexe ratio dans la ville soit réduit, il reste encore très élevé par rapport au niveau biologique normal, de 104 garçons pour 100 filles. Si aucune solution adéquate et immédiate n’est trouvée, ce déséquilibre aura des répercussions considé-rables sur le développement socio-économique et sur la vie de chaque habitant.
Des experts alertent qu’avec l’augmentation continue du sexe ratio, en 2050, cette forte proportion d’hommes causera un excédent de 2,3 à 4,3 millions d’individus mas-culins au Vietnam. En 2020, 1,38 million d’hommes en âge de se marier pourraient être dans l’impossibilité de trouver une compagne.
Nguyên Thi Ngoc Lan, cheffe adjointe de l’Office général pour la population et le planning familial, estime que la cause principale de ce déséquilibre des sexes est une conception arriérée sur la nécessité d’avoir un garçon pour perpétuer la lignée et aussi une discrimination envers les femmes, qui se traduit par une sélection prénatale des sexes (échographie puis avortement).
Le fils est important pour les rites funéraires, l’honneur de la famille, la transmission du patrimoine, la perpétuation du nom et… pour garantir les vieux jours de ses parents (le fameux "bâton de la retraite" sur lequel s’appuyer). Ces valeurs patriarcales, issues du confucianisme, sont encore profondément enracinées dans la culture vietnamienne, et continuent de façonner les perceptions de genre, à la fois chez les hommes et les femmes.
De plus, du fait de politiques de sécurité sociale laissant parfois à désirer, beaucoup de parents ont absolument besoin de leurs enfants pour assurer leurs vieux jours, une tâche traditionnellement dévolue aux garçons - les filles allant vivre dans la famille de leur mari.
Enfin, les nouvelles technologies de dépistage prénatal permettent le recours aux avortements sexo-sélectifs, les couples continuant de concevoir des enfants jusqu’à ce qu’ils aient au moins un fils.
Conséquences à long terme
Pour freiner le déséquilibre des sexes à la naissance, il est important de publier des politiques préférentielles en faveur des femmes. |
Photo : Danh Lam/VNA/CVN |
Le déséquilibre des sexes à la naissance affectera sérieusement la structure de la population et aura de graves conséquences sociales comme l’augmentation de l’inégalité des sexes au travail, les abus sexuels, la traite des femmes... Dans les années à venir, un certain nombre d’hommes ne trouveront pas de femme avec laquelle se marier. On peut ainsi imaginer que la proportion d’hommes célibataires augmen-tera. C’est l’un des scénarios les plus vraisemblables. Cela risque de s’accompagner d’un développement du marché de la prostitution.
Le manque de femmes créera aussi de la délinquance, des problèmes familiaux et sociétaux. Les femmes risquent davantage d’être victimes de violences : femmes achetées via des entremetteurs, enlevées ou contraintes de "servir d’épouses" à plusieurs hommes d’une même famille. Elles pourraient être forcées de mettre au monde plus d’enfants, d’avorter en cas de fœtus féminin…
Selon une étude de la Faculté de médecine de Hanoï, en moyenne, une nouvelle maman sur quatre est touchée par la dépression post-partum. Celle-ci peut avoir de graves répercussions sur la vie de la mère et de l’enfant.
Cet état s’aggrave chez les femmes enceintes pour la 2e fois et accouchant d’une fille. Chez les femmes ayant des filles, le risque d’être victimes de violences double par rapport à celles ayant des garçons.
Afin de freiner au maximum ce déséquilibre des sexes à la naissance, en dehors de la participation et de la coopération de tout le système politique et de la communauté, la mise en œuvre de façon synchrone de nombreuses mesures est nécessaire.
Il est important par exemple de publier des politiques préférentielles en faveur des femmes et des familles n’ayant que des filles. Il faut rajuster et compléter les politiques concernant l’interdiction du choix des sexes à la naissance. Il est nécessaire aussi d’établir un réseau d’informations, de faire des études sur le déséquilibre des sexes à la naissance. Enfin, la priorité des priorités est de renforcer les activités de sensibilisation et d’éducation de la population afin de changer cette conception archaïque du "garçon à tout prix".