>>Obama plaide pour un accord sur le libre-échange cette année avec l'UE
Le document publié le 2 mai 2016 à Berlin par Greenpeace révélant la teneur des négociations économiques secrètes entre l'UE et les États-Unis |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Engagés dans d’épineuses discussions commerciales depuis mi-2013, Bruxelles et Washington ont certes très vite tenté de minimiser la portée des documents révélés par Greenpeace, qui dévoilent les coulisses des négociations, en déplorant un "malentendu" et en dénonçant des interprétations "erronées" fondées sur des textes dépassés.
Mais le fait est là : en dépit du volontarisme du président américain Barack Obama qui espère boucler les discussions d'ici à la fin de l'année, un succès semble de plus en plus incertain.
"À ce stade" des négociations, "la France dit non" car "nous ne sommes pas pour le libre-échange sans règle", a déclaré mardi 3 mai le président français François Hollande. "Jamais nous n'accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité pour l'accès aux marchés publics", a-t-il déclaré.
Un arrêt des négociations sur le TTIP est aujourd'hui "l'option la plus probable", en raison de "l'état d'esprit des États-Unis", avait estimé quelques heures plus tôt le secrétaire d'État français au Commerce extérieur, Matthias Fekl, qui suit le dossier pour la France, rappelant que, compte tenu du poids de la France dans l'UE "il ne peut pas y avoir d'accord sans la France, et encore moins contre la France".
"Les deux parties sont encore très éloignées l'une de l'autre dans les négociations et des questions centrales restent en suspens", affirme Edward Alden, du Council on Foreign Relations, un think tank de Washington.
Avec le TTIP, également baptisé Tafta, l'Union européenne et les États-Unis veulent éliminer leurs barrières douanières et règlementaires mais les sujets de dissensions ne manquent pas, tant sur l'ouverture des marchés que sur le principe de précaution ou les modalités du mécanisme de protection des investisseurs voulu par Washington.
À l'issue de leur 13e round de discussion la semaine dernière, les négociateurs des deux blocs ont, comme de coutume, vanté un dialogue "constructif" et des avancées mais une certaine irritation pointait côté européen sur le refus américain d'ouvrir à la concurrence ses marchés publics, notamment locaux.
Des gens lisent des documents secrets sur le traité transatlantique en cours de négociation, rendus publics par Greenpeace, le 2 mai à Berlin. |
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"Nous devons atteindre le même niveau de progrès dans l'accès aux appels d'offres que sur les droits de douane et les services afin de rapprocher les négociations de leur terme", avait déclaré Ignacio Garcia Bercero, le négociateur en chef de la Commission européenne.
Élections à risques
Le temps est toutefois compté. Ardent défenseur du TTIP, le président Obama quittera la Maison Blanche en janvier et son successeur qui sera désigné en novembre pourrait être moins enclin à promouvoir le libre-échange, devenu un véritable épouvantail politique aux États-Unis.
La situation n'est guère plus dégagée en Europe. "Si l'accord ne peut être conclu sous l'administration Obama, de futurs progrès devront sans doute attendre les différentes élections en Europe en 2017", assure Mark Wu, professeur de droit à Harvard et ancien cadre de la Représentation américaine au commerce extérieur (USTR).
L'année prochaine, des élections générales se tiendront ainsi dans les deux principales puissances européennes, en France et en Allemagne, où le débat sur le TTIP est déjà le plus vif et pourrait embraser la campagne.
Berlin est également monté au créneau, prédisant un "échec" des négociations si les États-Unis ne faisaient pas plus de concessions. Et le possible sorti de la Grande-Bretagne de l'UE, qui sera tranchée par référendum le 23 juin, n'arrange rien.
"C'est une période d'immense incertitude pour les politiques commerciales aux Etats-Unis comme en Europe", souligne M. Alden.
Les fuites livrées par Greenpeace risquent par ailleurs de raidir encore davantage les positions, notamment dans la société civile. "Cela sera plus compliqué d'essayer d'aplanir les différences" entre les deux camps, prédit M. Wu.
Dans le sillage de leurs homologues européennes, l'organisation écologiste américaine Sierra Club a, de fait, fustigé un accord qui va dans "le mauvais sens de l'Histoire" tandis que l'ONG Public Citizen voyait dans les fuites la confirmation de l'"énorme pouvoir" donné aux multinationales.