Têt, hier et aujourd’hui

Le Nouvel An lunaire est l’occasion pour les Vietnamiens de retourner aux sources et d’honorer la mémoire des ancêtres. Mais cette tradition est de plus en plus sacrifiée sur l’autel de la commercialisation.

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Le "bánh chung" joue le premier rôle dans le festin du Têt traditionnel.
Photo: CTV/CVN

Selon l’historien Nguyên Nha, le Têt traditionnel est la plus grande fête de l’année et le festin y tient toujours une place essentielle, dans lequel le bánh chung joue le premier rôle. Qu’est-ce que le bánh chung? C’est un gâteau traditionnel de forme carrée, confectionné les jours précédents le Têt. Dans la recette basique, il est salé et confectionné à partir de trois ingrédients: riz gluant, haricot mungo et poitrine de porc, et enveloppé dans des feuilles dong (Phrynium placentarium).

À l’origine, il existait deux gâteaux indispensables lors du Têt: le bánh chung, carré, symbolisait la Terre, tandis que le second, nommé bánh dày (gâteau de riz gluant pilé), rond, représentait le Ciel. C’est ce gâteau qui charmera Hùng Vuong (roi fondateur de la nation) par sa délicatesse et surtout par sa symbolique cosmographique, et qui permis à Lang Liêu, qui l’avait créé, d’être nommé roi.

Bien d’autres mets accompagnent le bánh chung à l’occasion du Nouvel An lunaire: poulet bouilli, giò lua (pâté de viande de porc pilé et bouilli), hành muôi (oignons salés et fermentés), nem (rouleau de printemps), canh mang (soupe aux jeunes pousses de bambou), canh bóng (soupe à la peau de porc soufflée), canh miên (soupe aux vermicelles), canh nâm tha (soupe aux champignons), canh moc (soupe à la viande de porc pilée)....  D’après le Dr Nguyên Nha, les Hanoïens préparent encore le bún thang (vermicelle au bouillon de poulet) pour le repas de fin du Têt, "hóa vàng" en vietnamien, qui signifie brûler les offrandes dédiées aux ancêtres. Celui-ci tombe souvent soit le 3e, soit le 4e ou le 5e jour du 1er mois lunaire, selon chaque famille.

Retour aux sources

L’érection du cây nêu est également une autre tradition du Têt. Cette perche rituelle repoussera les esprits malfaisants et attirera la chance pour la nouvelle année. "Au Vietnam, pour ériger le +cây nêu+, on choisit le bambou, plante souple et indestructible, montrant ainsi que le peuple vietnamien peut s’incliner devant le vent et la tempête, mais peut aussi se dresser contre l’ennemi en utilisant des bâtons", explique-t-il.

L’érection du "cây nêu" est également une autre tradition du Têt.
Photo: Vietravel/CVN

Se penchant sur l’histoire des racines culturelles, le Pr Nguyên Chi Bên, ancien directeur de l’Institut de la culture et des arts du Vietnam, relève que le cycle de vie des plantes crée naturellement un temps d’accalmie pendant lequel la végétation est en sommeil et le sol au repos. Ce répit dans les travaux des champs permet aux humains de remercier la terre et de l’implorer pour la prochaine récolte. Le nouveau cycle de culture correspond à la nouvelle année. C’est de là que le Têt traditionnel tire son origine.

Dans la tradition vietnamienne, selon le Pr Bên, le Têt est une occasion pour les gens de retourner dans leurs familles, de retrouver leurs racines, de se souvenir de leurs ancêtres, d’où le culte de ces derniers qui revêt une signification importante. En général, le début du 3e mois lunaire est l’époque où l’on rend visite aux tombeaux. Mais, dans la province de Bac Ninh (Nord), où Nguyên Chi Bên vit, cette activité se déroule pendant le Têt traditionnel. "À cette occasion, les familles visitent et brûlent de l’encens aux tombeaux de leurs aïeux pour les commémorer et prier pour le Nouvel An lunaire", explique-t-il.

Identité perdue

Au dire de chercheurs, plusieurs coutumes du Têt ne correspondent plus à la vie actuelle et la tradition se perd peu à peu au profit du commerce. La gastronomie en constitue un exemple typique. Plutôt que de faire la cuisine elles-mêmes en vue des repas destinés au culte des ancêtres, des ménagères achètent des plats préparés dans les supermarchés. Lesquels s’empressent de mettre en vente des mets rituels, bien au-delà de la fête du Têt. Auparavant, on ne mangeait du bánh chung que pendant le Têt traditionnel, mais aujourd’hui, on peut en consommer tous les jours.

L’objectif du lì xì (étrennes glissées dans de petites enveloppes rouges) est de plus en plus dénaturé. La petite somme qui symbolise des vœux de chance et de bonne santé devient une petite fortune de la part des personnes qui utilisent le lì xì à des fins intéressées. Les repas dans l’intimité de la famille se transforment en ripailles avec abus d’alcool et de bière.

Pour le Dr Phan Thanh Hai, directeur du Centre de préservation des vestiges de l’ancienne cité impériale de Huê (province centrale de Thua Thiên-Huê), il s’agit d’un phénomène lié au développement social et à l’ère de la mondialisation. Mais "il est indispensable que les responsables sensibilisent les jeunes générations à l’importance de maintenir l’identité nationale et la culture traditionnelle", souligne-t-il. Et, il y a urgence en la matière, car un peuple qui se coupe de ses traditions perdra sa mémoire et son identité.


Câm Sa/CVN

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