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Une infirmière s'occupe d'un patient atteint du COVID-19 à l'Institut Mutualiste Montsouris, le 21 avril à Paris. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Cinq soignants s'affairent autour d'un homme inerte, dans une chambre devenue subitement trop étroite. C'est l'heure du "décubitus" : de chaque côté du lit, deux paires de bras retournent son corps, tandis qu'un médecin tient sa tête pour s'assurer que le tuyau qui lui permet de respirer reste bien en place dans sa gorge.
La technique est rodée, le geste vite effectué. Rien d'exceptionnel, à un détail près : le patient n'a que 35 ans et aucun antécédent médical. Admis en réanimation trois jours plus tôt avec un simple apport d'oxygène, il a dû être intubé la veille. Le COVID frappe toujours plus durement les plus âgés mais "les patients sont plus jeunes que lors des deux vagues précédentes, ils sont plus vite plus graves", avec "une mortalité un peu supérieure, qui s'approche des 30%", relève Christian Lamer, 63 ans, chef de la "réa polyvalente".
Un service de 15 lits qui déborde "pour les besoins de la cause" sur les 15 lits voisins du réa de chirurgie cardiologique, une des spécialités de cet hôpital privé du sud de la capitale. Ce mercredi après-midi, on y soigne 18 malades du COVID-19, dont 16 sous respiration artificielle. Depuis quelques jours, les chiffres stagnent au niveau national (près de 6.000 patients COVID en soins critiques), comme en Île-de-France (près de 1.800), et le ministre de la Santé, Olivier Véran, a évoqué mardi 20 avril "une décroissance de l'épidémie".
Mais vu du terrain "ça demande à être confirmé", tempère le Dr Lamer, qui constate surtout que son service est "presque à saturation depuis plusieurs semaines" et ne voit pas la pression retomber de sitôt : "une fois la tempête passée, on ne s'attend pas à une période de répit" car "il faudra prendre en charge les patients qui n'ont pas pu être opérés".
"Tenir au long cours"
Les exploits de la réa ne sont en effet possibles qu'au prix de lourds sacrifices en chirurgie. "À ce jour nous sommes à peu près à 60% de déprogrammations et ça fait malheureusement longtemps que nous sommes à ce niveau", indique Marc Beaussier, chef du service d'anesthésie et directeur médical de crise de l'établissement.
"On fait en sorte de maintenir le maximum de congés pour qu'ils puissent tenir au long cours", justifie Marine Lacoua, 33 ans, cadre de santé qui supervise la centaine d'infirmiers et d'aides-soignants présents jour et nuit en réanimation. Elle espère bien "les retrouver à la rentrée" et éviter "une vague de démissions" comme en septembre dernier, après le choc de la première vague de COVID.
Les écueils sont différents aujourd'hui : à la lassitude - "c'est difficile de se dire qu'il n'y a pas de perspective" - s'ajoute la "charge mentale" quand il faut "accompagner des patients d'une trentaine d'années dont le pronostic est très engagé". Même les plus expérimentés sont pris de doutes. "Il y a une sorte de fatigue qui s'installe, qui peut provoquer des pensées négatives sur notre métier", explique Elodie Rousseau, 36 ans dont sept comme infirmière en réanimation.
"Accro" à son travail, elle voit bien qu'autour d'elle "la question se pose de savoir si ça vaut encore le coup" de rester, d'ailleurs "beaucoup de mes jeunes collègues parlent de leur fuite du système hospitalier, c'est très triste". Raison de plus pour lever le pied dès que possible : "Il faut qu'on puisse se reposer sinon on ne tiendra pas, vraiment pas".
AFP/VNA/CVN