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Le président soudanais Omar el-Béchir s'apprétant à prononcer son discours à la nation, le 22 février au palais présidentiel de Khartoum. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Réagissant à ces annonces, l'Association des professionnels soudanais (APS), fer de lance du mouvement de contestation, a affirmé qu'elle continuerait à appeler à manifester jusqu'à ce que M. Béchir, au pouvoir depuis presque 30 ans, démissionne.
"Je décrète l'état d'urgence dans tout le pays pour un an", a déclaré le président soudanais, 75 ans, dans un discours télévisé à la Nation.
"J'annonce la dissolution du gouvernement aux niveaux fédéral et provincial", a ajouté l'homme fort du pays, qui compte briguer un troisième mandat en 2020.
"Notre pays traverse une situation difficile et compliquée, la plus difficile de son histoire", a affirmé M. Béchir. "Les problèmes économiques doivent être traités par des gens qualifiés et à cette fin, je formerai un gouvernement composé de personnes aux qualités" requises, a-t-il ajouté.
Cinq ministres du gouvernement sortant, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice, conserveront leur portefeuille, a annoncé quelques heures plus tard le président soudanais, qui a aussi nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l'armée et deux responsables de la sécurité.
En plein marasme économique, le Soudan est le théâtre depuis le 19 décembre de manifestations quasi quotidiennes déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
"Conspirateurs"
Le président soudanais Omar el-Béchir parlant à ses partisans à Khartoum, le 9 janvier. |
La contestation s'est vite transformée en un mouvement réclamant la chute du président Béchir, qui tient le pays d'une main de fer depuis 1989. Selon des experts ce mouvement son plus grand défi en trois décennies.
Le puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) mène la répression et a arrêté depuis décembre des centaines de manifestants, leaders de l'opposition, militants et journalistes, d'après des ONG.
Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le 19 décembre. L'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts, dont des enfants et des personnels médicaux.
Le président, qui impute les violences à des "conspirateurs", avait déclaré en janvier que la seule façon de changer le pouvoir en place était de passer par les urnes.
En dépit de la répression, l'Association des professionnels soudanais, qui regroupe notamment des médecins, enseignants et ingénieurs, maintient la pression en appelant à des manifestations quotidiennes à travers le pays.
"Nous appelons notre peuple à continuer les manifestations jusqu'à ce que l'objectif principal de ce soulèvement, qui est le départ du chef du régime, soit atteint", a-t-elle indiqué dans un communiqué vendredi 20 février après le discours du président.
Jeudi encore 21 février, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du pays dont la capitale Khartoum, où des militants et membres de l'opposition soudanaise ont été arrêtés.
"Violence excessive"
Des manifestants brandissent le drapeau soudanais lors d'un rassemblement contre le régime du président Omar el-Béchir à Omdourman, ville jumelle de Khartoum, le 31 janvier. |
L'APS avait une nouvelle fois appelé les manifestants à se diriger vers le palais pour remettre à la présidence une lettre réclamant la démission du président.
Le principal chef de l'opposition, Sadek al-Mahdi, a dit soutenir le mouvement. Dernier Premier ministre démocratiquement élu du Soudan, il avait été chassé du pouvoir par le coup d'État fomenté en 1989 par M. Béchir.
La répression des manifestations a suscité des critiques à l'étranger.
Un haut responsable américain a notamment prévenu mercredi 20 février que l'usage de la "violence excessive" par les forces de sécurité soudanaises pour réprimer les manifestations était inacceptable et pourrait menacer les discussions pour retirer le Soudan de la liste américaine des "États soutenant le terrorisme".
Les États-Unis ont peu à peu repris leurs relations diplomatiques avec le Soudan après des décennies de tensions. Khartoum avait notamment accueilli le chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden dans les années 1990.
Le gouvernement de Donald Trump a décidé en 2017 de lever certaines sanctions imposées au Soudan depuis 1997. Les États-Unis ont en revanche maintenu le Soudan sur leur liste des États soutenant "le terrorisme", et prévenu qu'ils ne l'en ôteraient qu'en cas de nouveaux progrès.
Au-delà de la baisse des subventions du pain, le Soudan, amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, est confronté à une inflation de près de 70% par an et fait face à un grave déficit en devises étrangères.
Les habitants doivent composer avec des hausses de prix et des pénuries d'aliments et de carburants.
AFP/VNA/CVN