César
Sami Bouajila, acteur et homme sensible

Sami Bouajila, récompensé vendredi 12 mars du César du meilleur acteur, a réussi à sortir des rôles stéréotypés liés à son origine tunisienne grâce au cinéma d'auteur.

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L'acteur franco-tunisien Sami Bouajila reçoit son César du meilleur acteur, le 12 mars 2021 lors de la cérémonie des César à Paris

"J'ai souvent l'impression que les rôles nous choisissent, plus qu'on les choisit", a déclaré l'acteur en recevant son prix pour son rôle de père déchiré dans Un fils. Avec une série de rôles d'envergure depuis trente ans, il a gagné la reconnaissance de ses pairs : prix d'interprétation au festival de Cannes pour Indigènes de Rachid Bouchareb (2006), César du meilleur second rôle pour Les témoins d'André Téchiné (2007) et dernièrement une nouvelle distinction comme meilleur acteur dans une sélection de la Mostra de Venise pour Un Fils.

"Je ne me suis jamais senti dans la peau du beur (personne d'origine nord-africaine, nldr) de service. Ce sont des rôles qui font partie de moi. J'ai mis vingt ans à me défaire de toute étiquette, ce n'est pas pour en revendiquer une aujourd'hui", confiait-il en 2011 pour la sortie d'Omar m'a tuer. "Je me défends de devenir le porte-parole d'une communauté : je suis d'abord un acteur".

Né le 12 mai 1966 à Grenoble (Sud-Est) de parents immigrés tunisiens, le jeune Sami découvre le cinéma grâce son père. Ce peintre en bâtiment emmenait ses deux fils, "en costume qui gratte", découvrir les westerns américains, les Bruce Lee. Après un sport-étude natation dont il tire sa musculature longue et svelte, Sami Bouajila passe un CAP de tourneur sans conviction. Il finit par trouver sa voie au théâtre, "un peu par hasard".

"Sur le plateau, je savais que j'étais à ma place, que c'était un endroit où il fallait s'exprimer, se construire, grandir, se décloisonner, se décomplexer. C'est par le théâtre que j'ai ressenti ça le plus fort", confiait-il au journal Les Inrocks.

Féminité

Il intègre le Conservatoire de Grenoble puis la Comédie de Saint-Étienne, un des premiers Centres dramatiques nationaux où il est en cheville avec des professionnels. Il apprend Shakespeare, Marivaux et Koltès. Contacté par un agent à Paris, il décroche son premier rôle en 1991 et devient le banlieusard débrouillard de La Thune de Philippe Galland. À Paris, il est malheureux et affirme souffrir du délit de faciès tandis que ses copains percent. "La caméra est radicale, elle filme tout. Si vous véhiculez de la frustration, de l'aigreur, ça ressort", expliquait-il au magazine Télérama.

Bye-Bye (1995) de Karim Dridi lui ouvre des portes. Il tente une embardée hollywoodienne dans Couvre-feu (1998) d'Edward Zwick avec Denzel Washington où il campe... un terroriste palestinien. "C'était génial de participer à une production hollywoodienne mais c'était une parenthèse. Pour la prolonger, il aurait fallu se cogner moult clichés. J'en étais incapable", avouait-il à Télérama.

Il fait ensuite de belles rencontres : Arnaud Desplechin ("Léo, +en jouant dans la compagnie des hommes+"), Abdellatif Kechiche (La faute à Voltaire"), Olivier Ducastel et Jacques Martineau qui lui offrent son premier rôle d'homosexuel solaire à la recherche du père dans Drôle de Félix. Et surtout André Téchiné avec Les témoins. Il joue Mehdi, un personnage complexe qui tente l'aventure homosexuelle en pleine irruption du sida.

Progressivement, tout est devenu plus évident pour ce père de deux enfants. "J'ai eu l'impression dans ce qu'on me proposait de ne plus être limité à mes origines, j'ai pu interpréter des rôles comme ceux d'+Indigènes+ ou d'+Omar m'a tuer+, en me concentrant vraiment sur la psychologie des personnages". "Sami est vraiment un acteur exceptionnel", saluait son ami Roschdy Zem qui l'a dirigé dans Omar m'a tuer. "Il y a son talent et aussi cette féminité qu'il assume complètement".


AFP/VNA/CVN

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