>>Salaires, mercato… la FIFA se veut "flexible" face au COVID-19
>>L'UEFA débloque 236 millions d'euros pour aider ses 55 fédérations membres
Les Barcelonais Lionel Messi et Antoine Griezmann comptent parmi les footballeurs les mieux payés du monde, ici en match de Liga contre Eibar au Camp Nou de Barcelone le 22 février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Privés de recettes pendant l'arrêt des compétitions, les clubs ont traîné comme un boulet une masse salariale très lourde, dévoilant la fragilité d'un système exposé aux secousses externes.
"Certains secteurs ont plusieurs mois de trésorerie d'avance et/ou des fonds propres qui leur permettent d'encaisser temporairement une crise telle qu'on la vit", mais pas le football, résume Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d'économie du sport (CDES).
Face à ce constat, le monde du ballon rond se divise en deux catégories : ceux qui militent pour une meilleure régulation et ceux qui s'en remettent à la loi du marché.
Fritz Keller se range parmi les premiers. "Nous devons parler de plafonds salariaux", a tonné le président de la Fédération allemande (DFB), mi-mai, appelant l'UEFA à limiter des salaires qui sont "en partie dignes d'une autre planète".
En France, le gendarme financier de l'élite a aussi souhaité "construire un football plus fort, donc économiquement sain". "Cela veut dire engager une réflexion sur un plafonnement de la masse salariale et/ou sur le nombre de joueurs sous contrat", a précisé Jean-Marc Mickeler, président de la DNCG, dans le quotidien Les Échos.
L'UEFA reste prudente
Aux États-Unis, les ligues fermées comme au basket, hockey sur glace ou baseball ont instauré un "salary cap" qui peut être "soft" (possibilité de dépasser le plafond pour quelques joueurs) ou "hard" (une taxe sanctionne tout franchissement).
"Nous réfléchissons à une sorte de +luxury tax+ (taxe sur la fortune, NDLR), si c'est possible", a prudemment glissé le président de l'UEFA, Alexander Ceferin, en mai dans un entretien au Guardian. La confédération européenne "étudie actuellement diverses options" dont cette "taxe" et "mènera des consultations avec les différentes parties prenantes dans les mois à venir", complète un porte-parole auprès de l'AFP.
"L'UEFA se retrouve prise entre le marteau et l'enclume", entre partisans et opposants à la régulation, et ce "jeu d'équilibriste" la conduit actuellement au statut quo, analyse Christophe Lepetit.
Pour l'économiste, l'instance basée à Nyon peut redouter une fronde des puissants en cas de réforme jugée trop stricte. "Le risque est qu'il y ait une sécession et que cinq, dix ou vingt grands clubs décident de créer leur propre compétition, adossée à un fonds d'investissement qui ne manquerait pas d'arriver", développe-t-il.
"Pas très sérieux" pour Kita
Les joueurs du Paris Saint-Germain, Neymar et Kylian Mbappe au Stade Oceane du Havre, le 12 juillet. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pour instaurer un "salary cap", l'UEFA devrait en tout cas le rendre conforme au droit de l'Union européenne et applicable par le Royaume-Uni, où se trouvent plusieurs des clubs les plus riches d'Europe. Et convaincre les sceptiques.
L'imposer c'est aller "contre la démocratie, contre le capitalisme. On ne va pas faire une ligue professionnelle, disons capitalistique, et en même temps limiter les salaires. Ça ne serait pas très sérieux", lâche Waldemar Kita, le propriétaire du FC Nantes.
"Il ne faut pas oublier que la carrière d'un footballeur dure entre 8 et 10 ans", qu'ils doivent gagner "de quoi se nourrir pour 50 ans", appuie le dirigeant franco-polonais, également opposé "au plafonnement de la masse salariale, car il faut être libéral".
En Espagne, le président de la Ligue, Javier Tebas, coupe également court au débat.
"C'est quelque qui chose qui n'est pas faisable, quelque chose que même l'AFE (principal syndicat de footballeurs espagnols) ne pense pas négocier pour aller à l'encontre des droits de ses propres travailleurs", a-t-il récemment affirmé.
De fait, si réforme il y a, elle devra rassembler l'ensemble des familles du football, de la FIFA à l'UEFA en passant par le syndicat mondial des joueurs (Fifpro) et les puissants clubs d'Europe réunis au sein de l'ECA.
Et en cas de volonté partagée, il restera à définir les contours d'un instrument de régulation économique qui, s'il est mal conçu, "pourrait générer des effets pervers", d'après M. Lepetit.
Plafonner la masse salariale peut conduire à une forte inflation du prix des transferts, ainsi qu'une "montée des inégalités salariales" au sein des clubs qui serviraient "d'abord leurs joueurs vedettes avant les autres", prévient l'économiste.
L'introduction d'un salary cap "ne va pas résoudre tous les problèmes du sport professionnel", il faut avoir "une approche globale" où la régulation salariale n'est qu'un outil parmi d'autres pour assainir le milieu, conclut-il.