Sagesse et malice paysannes à travers les ca dao

Au fil des siècles se sont développées parallèlement au Vietnam la littérature savante et la littérature populaire dont les poèmes-chansons appelés ca dao (prononcer dzao) qui sont encore très prisés de nos jours.


Les chansons populaires vietnamiennes, fruit de l’anonymat, sont divisées en deux groupes : le dân ca et le ca dao. Le dân ca ou chanson folklore, a un caractère spécifiquement régional et professionnel. Il comprend des vers au nombre de mots illimité. Chaque chanson se crée son propre air musical.
Le ca dao est une sorte de poème-chanson populaire adopté par tout le pays, ou une vaste contrée, et par tous les gens. Son choix prosodique est le distique luc bat (6+8 pieds), forme essentiellement vietnamienne. Il se chante sur les airs du dân ca. Le ca dao reflète à merveille les travaux et les joies, les fois et les peines du paysan dans le Vietnam traditionnel. Nous donnons ci-dessous un choix de ca dao exprimant la sagesse et la malice paysannes.
Le paysan et son buffle

Buffle ! Je te dis ceci :
Va dans la rizière, buffle, et laboure avec moi !
Nous labourons, nous repiquons suivant la tradition de notre vie paysanne.
Ni moi, ni toi, buffle, aucun de nous n’épargne sa peine.
Tant que les plants de riz donneront des épis,
Il y aura toujours des brins d’herbe dans les champs pour que tu les manges, buffle !


                                                            * * *
Grâce au ciel, la pluie et le soleil sont venus à temps.
Ici l’on herse à sec, là-bas on laboure les rizières inondées,
Nous n’aurons pas à plaindre longtemps nos peines.
Aujourd’hui l’eau argentée, demain le riz d’or.
Ne laissons pas les rizières en friche,
Autant de pouces de terre, autant de pouces d’or.
                                                            * * *
Le premier mois de l’année, on mange et on se réjouit,
Le deuxième mois, on plante les haricots, les patates et les aubergines,
Le troisième mois, les haricots, sont mûrs,
On les cueille, on les rentre pour les faire sécher.
Le quatrième mois, on va acheter buffle et boeuf
Et on prépare la récolte du cinquième mois.
Le matin, on fait tremper les grains dans l’eau,
Une fois germés, on les retire de l’eau,
On les transporte pour ensemencer la rizière.
Quand les plants de riz ont poussé, on les arrache et on les porte à la maison.
On prépare l’argent pour louer les repiqueuses.
Quand le repiquage est fini, alors on rentre se reposer.
On enlève toute l’herbe.
L’eau de la rizière baisses, jusqu’à un ou deux dixièmes.
Pour les rizières basses, il faut donc prendre un seau à quatre cordes.
Pour les rizières hautes, il faut installer deux écopes à trépied.
Ensuite on attend que le grain se forme dans la gaine,
Alors on paie ceux qu’on a loués.
Quand vient le dixième mois,
On apporte faux et faucilles à la rizière.
La récolte est faite et rentrée.
Il ne reste plus qu’à la sécher, à l’éventer pour la nettoyer et le travail est fini.
                                                            * * *


Puisque ni ma prose, ni ma poésie, ni ma prose rythmée ne sont bonnes,
Je rentre au village natal. Pour en finir, j’apprends à labourer.
Chaque jour, la bêche sur l’épaule, je me rends aux rizières.
S’il n’y a plus d’eau, je prends l’écope à trépied pour en amener.
S’il n’y a plus de jeunes plants, je vais en chercher encore.
S’il n’y a plus de riz, je prends de l’argent et je vais en acheter.
Demain, quand la rizière sera pleine de riz mûr,
Je le récolterai, je le rentrerai, je le battrai, je le vannerai et mes peines pour le repiquage et le labour seront payées.
                                                            * * *
Arroser les légumes

Maman, prêtez moi le seau de bambou tressé.
Je vais chercher de l’eau pour arroser mes légumes.
L’horizon déjà rosit légèrement,
Les légumes que j’ai plantés attendent l’eau depuis minuit.
J’arrose pour que les liserons d’eau soient frais,
Pour que l’ail et l’oignon poussent dru vers le ciel,
J’arrose pour que les «ngô» et les «den»
Et les «giêng» croissent vite et me récompensent de mes peines.
J’arrose pour que gonflent les bulbes d’oignons,
J’arrose pour que les «cai be» soient de bonne taille.
Un merle perché sur la haie de bambou
Me regarde arroser et me salue de ses trilles,
Là bas l’aigrette et la cigogne
Pointent leur tête derrière la diguette pour me voir.
Monsieur le ciel, ne donnez pas trop de chaleur !
Mes légumes à moi sont fatigués et s’étioleraient.
Et comme j’aime mon jardin de légumes,
J’aime aussi le seau de bambou tressé.


                                                            * * *
Les autres ne vont faire le repiquage que pour le salaire,
Moi, je vais au repiquage, mais je me tourne de plusieurs côtés.
J’invoque le ciel, j’invoque la terre, j’invoque les nuages,
J’invoque la pluie, j’invoque le vent, j’invoque le jour, j’invoque la nuit.
Pour que mes pieds durcissent et que les pierres s’adoucissent,
Que le ciel soit serein, que la mer soit calme, alors seulement, j’aurai le coeur tranquille
                                                  * * *
Je tiens dans la main un coupe-coupe
Comment faire pour qu’il soit tranchant ?
Afin qu’il coupe facilement,
Afin qu’il taille facilement,
Afin que je puisse tailler des branches pour avoir du bois.
Je gravis les forêts vertes,
Je fais le tour du versant de la montagne,
Et je suis seul, tout seul.
J’abats les arbres, j’abats les branches.
Je cherche un endroit pour m’asseoir,
M’asseoir pour me reposer et prendre le frais...
Regardez ! Une bande d’oiseaux !
D’où viennent-ils ?
D’où viennent-ils ?
Il y en a qui becquettent les fruits,
D’autres emportent la becquée,
Ils picorent là-bas...
Et encore ce cerf !
Tu broutes les jeunes pousses,
Les jeunes pousses de figuier, les jeunes pousses de sycomore.
Tu me vois,
Je ne te chasse pas,
Que fais-tu donc par ce chemin ?

Huu Ngoc/CVN

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