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Pierre-Marie Guillou (gauche) en compagnie de son ami Gérard. |
Pierre-Marie Guillou demeura jusqu’à ses 14 ans à Bà Ria, province de Bà Ria-Vung Tàu (Sud). Après avoir perdu son père, le malheur le frappa encore puisque sa maman décéda alors qu’il n’avait que 7 ans. Il a donc été élevé par ses grands-parents avec ses deux sœurs Ti et Lan.
Pierre est le prénom phare de la famille Guillou. Pour le différencier de son arrière-grand-père et de son père, on lui ajouta donc le prénom Marie qui était le prénom de baptême de sa maman.
Au cours de l’année 1962, un nouveau drame vint perturber la vie de Pierre-Marie. Il dut quitter le Vietnam pour la France comme des milliers de petits eurasiens comme lui. Ceci se fit en accord avec l’association FOEFI (Fédération des œuvres de l’enfance française d’Indochine).
Pour Pierre-Marie, ce fut un véritable cataclysme. Dans un premier temps, il refusa radicalement de partir et se sauvera à plusieurs reprises. Il a 14 ans et ne peut s’imaginer quitter ses sœurs, ses grands-parents, sa vie, son pays pour une destination inconnue, seul de surcroît, pour aller retrouver un père qu’il ne connaît pratiquement pas.
Pourtant, en décembre 1962, il se retrouve avec d’autres enfants eurasiens dans un avion en partance pour la France.
Découverte d’un nouveau pays
C’est un froid glacial qui accueillera Pierre-Marie à son arrivée à l’aéroport d’Orly (Sud de Paris). Ces petits compagnons d’infortune sont, comme lui, tétanisés par l’angoisse.
Pierre-Marie se souvient qu’une hôtesse de l’air l’avait enroulé dans une couverture, touchée sans doute par le drame de cet enfant qui avait l’air si effrayé. Pour Pierre-Marie, le premier contact avec la France fut très pénible. Il fera connaissance avec le froid, la solitude et la peur, sans père pour l’accueillir.
Retrouvailles de Pierre-Marie avec sa sœur, Marie-Gorettie, à Bà Ria, province de Bà Ria-Vung Tàu (Sud). |
Il sera placé à Semblançais à côté de Tours, ville de l’Ouest de la France, sans savoir parler français. Il reste là, sans doute quelques mois, jusqu’au jour où son père vint le chercher pour l’emmener chez lui à Quimperlé (Bretagne). "Mon père, militaire en Outre-Mer rentrant de Djibouti, souhaitait me récupérer à Quimperlé où il demeurait. Il était remarié et avait quatre enfants. J’y suis resté seulement trois mois. Je ne m’accordais pas du tout avec ma nouvelle famille", se souvient Pierre-Marie.
La prise de contact avec la famille Guillou fut effectivement une vraie catastrophe. Sa belle-mère le rejeta instantanément. La vie de Pierre-Marie devint vite un enfer avec un père qui ne lui donnait aucun signe d’affection. Personne n’était là pour lui témoigner un peu de sollicitude et il se retrouva perdu dans un pays hostile.
Récupéré par l’Assistance publique, il atterrit finalement dans un foyer tenu par des Frères en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il avait alors 14 ans. On le mit dans une classe avec de tous jeunes enfants afin qu’il puisse apprendre la langue française. Alors il travailla beaucoup et sauta rapidement les classes. Il passa avec succès le certificat d’études et étudia encore et encore.
Finalement, ses "trois jours" arrivèrent comme tous les garçons de son âge avant de faire le service militaire. Il fut aussitôt attiré par une carrière de soldat et choisit un corps d’armes prestigieux : le 2e Régiment étranger parachutiste à Calvi.
L'école primaire à Bà Ria où Pierre-Marie avait étudié enfant. |
C’est à Calvi qu’il rencontrera, alors qu’elle est en vacances, Mireille, l’amour de sa vie, qu’il épousera en 1973. De cette union naîtront Jocelyn et Morgane. Quelques années plus tard, Pierre-Marie passa avec succès le concours pour entrer dans la gendarmerie. Il intégrera l’école de gendarmerie de Châtellerault (France) puis sera formateur à l’École de gendarmerie de Montluçon pendant plus de 15 ans jusqu’à sa retraite.
Pierre-Marie et Mireille s’installèrent alors à Domérat, commune française située dans le département de l’Allier (Région Auvergne-Rhône-Alpes). C’est là que le Vietnam refit surface.
Un si beau voyage
"Lors de notre mariage, j’avais promis à mon épouse, Mireille, de lui faire connaître mon pays natal", aime à répéter Pierre-Marie. C’est en mars 2008 que la promesse vit le jour. Pierre-Marie n’y était jamais retourné depuis l’hiver 1962. Et puis arriva ce fameux mercredi 2 avril 2008 à Bà Ria. Pierre-Marie avait sur lui la photo de sa sœur Marie-Gorettie (Ti), 9 ans ! Le guide la montre à deux jeunes vendeuses de poissons rouges et aussitôt un attroupement se forme ! Les jeunes filles reconnaissent Marie-Gorettie. Elles affirment même qu’elle habite deux rues plus loin. Soudain, arrive une femme sur un scooter et c’est bien la sœur de Pierre-Marie. Le miracle a bien eu lieu.
Quarante-six ans après, ils purent à nouveau se serrer dans les bras, les larmes aux yeux. Pierre-Marie retrouvait sa chère sœur et quelques heures plus tard parlait avec son autre sœur vivant aux États-Unis, grâce à Internet. C’était un sentiment de totale plénitude, de quelque chose d’enfin accompli. Il retrouvait ses racines après tant d’années de souffrance.
"C’était extraordinaire ! C’est en 2009 que nous irons là-bas retrouver notre frangine qui s’appelle Lan. Et depuis, tous les deux ou trois ans, nous nous retrouvons tous au Vietnam, en famille", conclut, émerveillé, Pierre-Marie.
Son parcours n’est pas commun. Sa vie est un vrai roman avec des moments très difficiles, de solitude et de grandes angoisses. Pierre-Marie n’a jamais baissé les bras et son optimisme l’a toujours soutenu. Il sait depuis que c’est sa maman, sa bonne étoile, qui a veillé sur lui ! Finalement, la vie, c’est un éternel miracle.
Photos : Pierre-Marie Guillou/CVN