Quelles solutions pour financer les infrastructures publiques ?

Un colloque juridique consacré aux partenariats public-privé (PPP) au Vietnam s’est tenu mercredi 2 mai à l’Institut français de Hanoï. L’occasion pour les participants et les intervenants d'échanger sur leurs enjeux comme leurs perspectives.

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La 8e édition du colloque annuel de l'AJCEAI sur les partenariats public-privé (PPP) au Vietnam s'est déroulée le 2 mai à Hanoï.
Photo: Hông Anh/CVN

Organisé en collaboration avec la Chambre de Commerce et d’Industrie France Vietnam (CCIFV), il s'agit d'un colloque annuel de l’Association des juristes en coopération économique et affaires internationales (AJCEAI). Regroupant les étudiants du Master 2 Droit de la coopération économique et des affaires internationales cohabilité par les Universités de Bordeaux, Toulouse 1 Capitole et Lyon 3 Jean Moulin, elle a pour objectif de promouvoir ce diplôme en France ainsi que dans la région Asie-Pacifique. Ils promeuvent le débat et le partage de connaissances sur les sujets juridiques spécifiques à leur spécialité.

Chaque année, l’AJCEAI organise à cet effet un colloque, rassemblant des professionnels du droit et des étudiants, mais aussi des entrepreneurs et des professeurs, afin d’établir un dialogue constructif sur des enjeux d’actualité.

Pour cette 8e édition, les étudiants de l’association ont ainsi choisi un thème en lien direct avec leur Master et l’actualité économique: "Les partenariats public-privé (PPP) au Vietnam : enjeux et perspectives". En effet, ce sujet fait directement écho aux enjeux de financement de la croissance au Vietnam, qui fait de plus en plus appel au financement international. Car le développement des villes, des moyens de communication et de transport nécessite un accompagnement du secteur public, afin de fournir des infrastructures de qualité pour répondre aux besoins induits par la croissance du pays. Mais lorsque l’État ou les localités ne peuvent plus assurer le financement de certains services, la solution du financement privé étranger peut finir par s’imposer. C’est cette mesure que les dix intervenants ont analysé et remis en question lors du colloque.

Constats et perspectives

Pendant cinq heures ce mercredi, pas moins de hui intervenants se sont succédés, afin, dans un premier temps, d’éclaircir le sujet et d’en donner une définition claire, puis de se pencher sur l’avenir de ce type de contrats. Différents spécialistes de la question ont analysé l'état des PPP au Vietnam. Il s'agit notamment des avocats en cabinet de conseil, officiant par exemple chez Deloitte, Dezan Shira ou Duane Morris, qui ont mis en lumière l’évolution des politiques fiscales et du cadre juridique en la matière. Sébastien Staudt, représentant du groupe Vinci au Vietnam, a présenté les bénéfices des PPP pour le développement des infrastructures publiques. Une analyse plus théorique a été apportée par Marie Nguyên, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Huê, qui a proposé une méthode comparative de la législation du secteur public en France et au Vietnam.

Traduites en direct, les présentations des intervenants ont permis à l’assemblée, plus ou moins connaisseuse en la matière, d’appréhender le sujet avec des bases claires et accessibles.

Photo: Tràng Duong/VNA/CVN

Moderniser le cadre légal

En réalité, les PPP ne représentent qu’une infime partie de l’investissement étranger au Vietnam. Depuis 2015, seulement deux projets en cours dans le pays répondent à cette appellation. C’est une partie très minoritaire des projets réalisés ou financés par les entreprises étrangères au Vietnam qui sont qualifiés de partenariat public-privé. En cause: deux facteurs.

Le premier est que les PPP sont des solutions contraignantes et difficiles à conduire, pour les entreprises réalisant le projet comme pour les autorités locales commanditaires du projet, notamment à cause des délais de paiement à long terme et de l’accord de permis de construire. La deuxième explication au nombre si limité des PPP est le problème du cadre légal au Vietnam. En effet, le manque de clarté, de respect des décisions de justice et parfois même l’absence de lois compliquent considérablement les projets. La réalité est que les formes de contrats sont beaucoup plus variées et que les entreprises étrangères optent plutôt pour des contrats Build - Operate - Transfer (BOT) ou Build - Transfer BT (BT) avec des partenaires vietnamiens notamment. La Banque asiatique de développement (BAD) a d’ailleurs fait savoir que le Vietnam était encore très en retard sur l’utilisation des PPP dans le développement des infrastructures (10% des projets en PPP contre 30% en Inde). Ainsi, le choix du PPP apparaît peu flexible, mais surtout trop peu protecteur pour les investisseurs et les entreprises en l’absence d’un cadre légal stable garanti.

Il faudra donc attendre l’établissement d’un réel cadre juridique au Vietnam pour voir florir les contrats public-privé et faciliter tout type d’investissement étranger. Les entreprises tendent donc à utiliser des droits étrangers et faire recours aux arbitrages internationaux afin d’assurer l’application du droit tout au long du projet. C’est d’ailleurs le décret sur l’investissement dans les PPP entré en vigueur le 10 avril 2015, qui a permis aux entreprises étrangères d’utiliser un droit autre que celui du Vietnam pour gérer leurs contrats.

Le système de protection des inondations sur la rivière Câu, dans la province de Thai Nguyên (Nord), est aussi un projet sous forme de PPP.
Photo: Hoàng Nguyên/VNA/CVN

Ouvrir les perspectives pour l’investissement

L’urbanisation, l’accroissement démographique et la croissance de la mobilité de la population sont autant de facteurs qui font monter la demande en infrastructures. Les projets de modernisation, notamment des voies de communication (ponts, voies ferrées, autoroutes, ports) constituent le principal de la demande en investissements.

D’ici à 2030, la Banque mondiale (BM) estime que les besoins d’investissements au Vietnam atteindront 480 milliards de dollars, somme que l’État vietnamien ne sera surement pas en mesure de fournir. Bien que porté par une croissance forte, les 204 milliards de dollars de PIB annuel ne pourront certainement pas permettre un tel financement. Le Vietnam est pourtant le deuxième pays d’Asie du Sud-Est, derrière la Chine, en matière de dépenses publiques pour les infrastructures.

En 2015, le gouvernement vietnamien s’est rendu compte de l’urgence de faire appel au privé pour financer ses infrastructures. Et malgré les aides de la BAD, de la BM ou de l’Agence française de développement (AFD), le modèle de financement ne peut toujours pas répondre aux besoins de développement du pays. Il est l’heure pour le gouvernement de repenser sa relation avec le secteur privé.


Louise-Marguerite Cadoz/CVN

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