Quand la Bretagne voit fleurir une gastronomie japonaise 100% locale

"Au départ, on a amené quelques graines à des producteurs qui les ont semées", raconte le chef étoilé Julien Lemarié. C’est un secret bien gardé. Au cœur de la Bretagne, fleurit une gastronomie japonaise à base de produits traditionnels.

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Le chef français Julien Lemarié dans son restaurant Ima, à Rennes.
Photo : AFP/VNA/CVN

Miso, tofu, algues, champignons shitake, bœuf wagyu-, ces mets ou condiments bien connus des amateurs de cuisine nippone s’épanouissent désormais aussi sur le terroir breton.

"La cuisine pour moi, c’était le voyage. C’est pour ça que je suis parti très tôt. J’ai travaillé en Angleterre, au Japon, à Singapour, dans des établissements dont les produits venaient de centrales d’achat. J’ai voulu, en rentrant en France, cuisiner plus local, en mettant un visage sur un produit", dit M. Lemarié en faisant glisser la lame d’un couteau gravé à son nom dans une aiguillette baronne - morceau recherché - de bœuf wagyu.

En 2017, Julien Lemarié a ouvert à Rennes Ima ("maintenant" en japonais) dont le vaste comptoir offre une vue plongeante sur les fourneaux, classé "étoile verte" pour son engagement dans une gastronomie durable au Guide Michelin, puis en octobre 2020, Imayoko ("yoko" ou "à côté"), dont la salle au décor épuré n’a jamais reçu de clients en raison de la pandémie de COVID-19. Le premier est fermé, le second fait de la vente à emporter.

Après des études à Laval et une première expérience dans un bistrot de Londres, il est embauché comme commis et devient en six mois chef pâtissier de Gordon Ramsay au restaurant éponyme de Chelsea puis au Savoy Grill, avant de suivre le médiatique chef britannique au Conrad Tokyo. Au Japon, il trouve une cuisine faite de "technique, de précision, de respect de la saisonnalité" et rencontre sa femme Atsuko.

Désormais, Julien Lemarié ne travaille plus que des produits bio souvent "cueillis la veille", et sillonner l’Ouest de la France à la recherche de producteurs est son "hobby". "Au départ, on a amené quelques graines à des producteurs qui les ont semées. On a eu des soucis avec du gingembre sauvage planté il y a 7 ans... qui n’a jamais donné de fruits", s’amuse-t-il.

Succès du bœuf wagyu

Ainsi les choux Pak choï viennent-ils de chez Gildas Mâcon à Saint-Malo, les champignons shitake de chez Nathalie Magnant à Bain de Bretagne ou des Champignons du Begouin à Martigné-Ferchaud, la bonite séchée de Makurazaki à Concarneau, le tofu de Suzutofu au Mans, ou le miso de Sanga à Veigné (Val-de-Loire).

Chisa Ogawa (gauche) dans sa fabrique de tofu Suzutofu au Mans.
Photo : AFP/VNA/CVN

Les algues sauvages, elles, proviennent des Jardins de la mer, la ferme marine de Jean-Marie et Valérie Pedron au Croisic. Découpées au ciseau en quantité raisonnable pour "respecter la ressource", explique M. Pedron, elles sont conservées dans des bacs puis livrées vivantes à des chefs étoilés - Pierre Gagnaire, Anne-Sophie Pic, Alain Ducasse...

Travaillées "à la japonaise", séchées au soleil et fermentées, elles prennent "des arômes de réglisse, de caramel, toutes sortes de saveurs et de textures", ce qui donne un "mariage de cultures assez passionnant". Tous ces "produits ont une identité propre. Le terroir est différent, ils n’ont pas le même goût que ceux qu’on trouve au Japon", résume M. Lemarié.

Quant à l’entreprise lorientaise Étoiles et mer, elle fournit des poissons abattus selon la méthode ancestrale ikejime ("mort vive") qui préserve la fraîcheur de l’animal après sa mort. À peine sorti de l’eau, son système nerveux est neutralisé manuellement et il est vidé de son sang.

Seul le riz vient d’Italie, car celui de Camargue, traité en usine, "n’est pas fait avec la même rigueur qu’au Japon, où les familles font tout", dit le chef.

Enfin, le bœuf wagyu, très prisé des gourmets, est fourni par l’éleveur Sébastien Chérel, qui a repris en 2009 l’exploitation de ses parents et voulait "garder un lien" avec le pays de Masami, son épouse japonaise.

"Docile animal de trait à l’origine, à la forte encolure", il donne "une viande atypique, très persillée et tendre", dont le prix peut monter à 450 euros le kilo, si demandée que M. Chérel a formé une demi-douzaine d’éleveurs à sa méthode, axée sur une alimentation très énergétique à base de céréales cultivées à la ferme.

"Par contre le massage à la bière, la musique classique à l’étable, dit-il. C’est de la blague".


AFP/VNA/CVN

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