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Graphique expliquant les effets sur la santé des substances per- et polyfluoroalkyléess, surnommées "produits chimiques éternels". |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Les autorités sanitaires allemande, danoise, néerlandaise, norvégienne et suédoise avaient déposé mi-janvier auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) ce projet appuyé par d'autres pays dont la France qui a récemment présenté son propre "plan d'action".
La proposition, qui cible 14 secteurs d'activité, vise à interdire la production, l'utilisation, l'importation et la mise sur le marché de quelque 10.000 composants perfluorés (PFC) et polyfluoroalkylés (PFAS) dans l'UE comme dans l'Espace économique européen.
"Cette approche groupée est plus efficace" que de cibler des composés individuels, elle "permet d'éviter que des PFAS interdits soient remplacés par d'autres PFAS", a observé Frauke Averbeck, de l'autorité sanitaire allemande (BAuA).
Ces composés chimiques de synthèse ont été développés depuis les années 1940 pour résister à l'eau et à la chaleur : dotés de propriétés anti-adhésives et imperméables, ils sont utilisés dans l'industrie et présents dans des objets de la vie courante : produits en téflon, emballages alimentaires, textiles, automobiles...
Quasi-indestructibles, les PFAS (une famille regroupant plus de 4.700 molécules) s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels".
Les cinq pays ont affirmé que leur proposition "serait l'une des plus grandes interdictions de substances chimiques jamais imposées en Europe (...). Elle réduirait à long terme les quantités de PFAS dans l'environnement et rendrait les produits et processus (industriels) plus sûrs pour les humains", dans une déclaration commune.
Période transitoire
Entre 140.000 et 310.000 tonnes de PFAS ont été introduites en 2020 sur le marché européen. Si aucune restriction n'est adoptée, les initiateurs du projet estiment qu'au moins 4,4 millions de tonnes de PFAS s'échapperont dans l'environnement au cours des 30 prochaines années dans l'UE.
Affaiblissement du système immunitaire, cancers, diabètes, obésité : le coût annuel de l'exposition aux PFAS pour la santé publique européenne est estimé entre 52 et 84 milliards d'euros.
Un supermarché à Bordeaux, dans le Sud-Ouest de la France. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
En pratique, la proposition décrit deux scénarios vers l'interdiction. Le premier accorderait aux entreprises un délai de 18 mois pour se passer des PFAS. Le second prévoit une durée de transition variable selon les usages et la disponibilité de substances alternatives, d'un an et demi en général (pour les cosmétiques, emballages alimentaires...) mais pouvant aller jusqu'à 12 ans (pour les dispositifs médicaux, par exemple).
"Dans de nombreux cas, il n'existe pas encore d'alternative, et dans certains cas, il n'y en aura peut-être jamais", reconnaissent les cinq pays. Des dérogations illimitées sont envisagées pour certains secteurs soumis à des réglementations spécifiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments).
Historique"
L'ECHA va entamer des consultations sur cette proposition. Ses commissions scientifiques évalueront son impact environnemental mais aussi économique et social. L'agence transmettra ensuite une recommandation à la Commission européenne qui élaborera une réglementation soumise in fine à l'approbation des 27 États membres de l'UE. Ces derniers pourraient se prononcer courant 2025 pour une éventuelle mise en œuvre après 2026.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a appelé l'UE "à avancer aussi vite que possible sans abaisser le niveau d'ambition" du texte. L'ONG environnementale Générations Futures a salué une proposition "historique" mais "qui doit être renforcée", s'inquiétant notamment des dérogations envisagées.
De son côté, l'organisation des producteurs de PFAS (la FPP4EU) estime qu'il sera difficile de se passer de ces substances, vantant leurs nombreuses propriétés (résistance, lubrification, durabilité...) et leur rôle central dans les chaînes d'approvisionnement de secteurs tels que la pharmacie ou l'automobile.
Mais l'industrie chimique se prépare déjà. Epinglé pour les émissions polluantes de ses usines en Belgique et aux États-Unis, le conglomérat américain 3M a annoncé fin décembre qu'il arrêterait d'ici fin 2025 la production des PFAS et cesserait d'en intégrer dans ses produits.
AFP/VNA/CVN