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Des gardes du Parc national des Galapagos examinent une tortue de mer, le 14 avril sur l'île Floreana. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Vous le voyez ? Là-bas !", s'exclame Alberto Proaño, en pointant du doigt un squale attiré par les appâts jetés du bateau. Ce biologiste de 34 ans lance sa ligne, munie d'un hameçon limé pour ne pas blesser l'animal. Mais un pélican surgit en piquée et s'envole avec l'amorce. Le requin a disparu.
Sous le soleil implacable de ces îles volcaniques du Pacifique, à 1.000 km des côtes de l'Équateur, l'attente reprend. Une heure passe. Un autre requin mord, réussit à s'enfuir. Le moteur vrombit, l'embarcation met le cap sur une autre zone de l'archipel.
Les Galapagos, baptisées du nom des tortues géantes qui les peuplent, restent le laboratoire à ciel ouvert qui a servi au naturaliste anglais Charles Darwin à élaborer sa théorie de l'évolution.
Leurs eaux, riches en nutriments grâce à la confluence de quatre courants chauds et froids, comptent plus de 2.900 espèces marines, dont 25% endémiques.
Une ombre se profile sous la surface. Alberto relance sa ligne. "Je l'ai!", lâche-t-il, après plusieurs tentatives. Il laisse l'animal aller et venir "pour le fatiguer". Puis, les mains protégées de gants, il tire de toutes ses forces et le rapproche de la coque.
Marqués d'un code unique
L'animal se débat. La chaloupe tangue. Le capitaine et son aide font contrepoids à tribord. Deux autres gardes du Parc national des Galapagos (PNG) viennent à la rescousse : le squale est finalement amarré avec des cordes, émergeant à peine des flots. Le marquage commence.
"Il faut aller vite car un requin ne peut rester plus de quelques minutes hors de l'eau", explique Alberto. Plié au dessus du bastingage, il énonce les mensurations: une femelle de 2,30m de long, d'environ 150 kg, âgée d'une quinzaine d'années. Un beau spécimen des Galapagos, l'une des 36 espèces de requins repérées dans l'archipel.
Des gardes du Parc national des Galapagos attrapent un requin, le 17 avril sur l'île de Santa Cruz. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
D'un léger coup de scalpel, le biologiste prélève un échantillon de peau, fixe une tige de plastique jaune numérotée, insère une puce électronique sous le derme épais. Puis, tout doucement, le poisson est libéré de ses entraves. En quelques secondes, l'aileron disparaît.
Rubi Cueva, stagiaire de 23 ans, a tout noté dans un registre. "Mon rêve c'est aussi d'étudier le requin baleine", explique cette étudiante en administration environnementale, native des Galapagos.
Le travail de surveillance et marquage d'espèces, mené par le PNG et d'autres organisations scientifiques comme la Fondation Charles Darwin (FCD), vise à procéder à des analyses et à équiper les animaux d'un code international unique, voire de balises satellitaires. Il s'agit d'en déterminer la population, les habitats, l'alimentation, les routes migratoires.
"Cette étude nous permet de savoir à quelle période de l'année, ou combien de temps ils restent", ajoute Alberto, content d'avoir pu marquer un deuxième spécimen ce jour-là. Le PNG a ainsi mené plus de 300 sorties en mer, afin de repérer des zones de naissance des requins ou de marquer des adultes.
Des expéditions sportives
Une autre mission, la même semaine, sera moins chargée en adrénaline, mais pas moins éprouvante. À l'aube, Alberto et Jennifer Suarez, 33 ans, également biologiste et garde du parc, partent avec leur équipe. La quête du jour: les tortues marines.
Depuis la chaloupe, ils en aperçoivent des dizaines folâtrant dans les vagues. Mais les rouleaux dissuadent d'approcher. L'ancre sera jetée plus loin, dans une crique accessible de l'île Floreana. S'en suivent deux heures à crapahuter de roches en plaques de lave noires, où se prélassent des iguanes marins.
Sur la plage enfin, l'émerveillement: cinq tortues y sont alanguies. "Ne les laissez pas s'enfuir", recommande Jennifer. Chacun s'en voit attribuer une et, au signal, se met à courir dans le sable blanc.
Les tortues battent frénétiquement des nageoires, déterminées à rejoindre l'eau transparente. Mais, avec délicatesse, elles sont immobilisées entre les genoux, leur carapace semblable à du cuir vernis fermement tenue, les mains posées sur leurs yeux afin de les tranquilliser.
Les biologistes procèdent alors aux prélèvements et au marquage. Plus de 18.000 tortues ont ainsi été identifiées depuis 2002. Certaines ont ensuite été repérées jusqu'au Costa Rica, au Pérou ou encore au Mexique.
"Nous avons plusieurs programmes de surveillance d'espèces emblématiques afin de connaître leur population (...) ce qui les menace, les affecte", explique Jennifer.
Car le but, souligne-t-elle, est de "générer des données qui permettent leur protection" comme pour les requins, mais aussi les otaries, les coraux, les iguanes... toutes ces espèces qui font des Galapagos un site exceptionnel, classé au patrimoine naturel de l'humanité.
AFP/VNA/CVN