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L’instituteur Sùng A Chai et ses élèves. |
Photo : TN/CVN |
Sùng A Chai, 27 ans, d’ethnie H’mông, est instituteur de l’école primaire de Trung Ly, une commune montagneuse du district de Muong Lát, province de Thanh Hoa (Centre). Depuis cinq ans, il assume la responsabilité de direction de l’antenne de l’École primaire de Ta Com, installée dans le village éponyme, à proximité de la frontière avec le Laos.
Ta Com, village natal de Sùng A Chai, ne fut créé que dans la décennie 1990, à la suite de l’arrivée de quelques familles H’mông venues de la province montagneuse de Son La (Nord). Malgré un environnement aride, la population, nichée sur le versant escarpé des montagnes de Trung Ly, s’y est installée et a grandi, atteignant aujourd’hui une centaine de foyers, tous d’origine H’mông.
"Privé jusqu’ici encore des réseaux nationaux d’électricité et de téléphonie, mon village natal reste toujours éloigné de la vie moderne. Du fait du manque de terres cultivables, les habitants vivent pour l’essentiel de l’exploitation des produits forestiers. La pauvreté semble nous coller à la peau".
Comment faire donc pour aider ses compatriotes, les jeunes notamment, à sortir de cette condition ? Cette question l’a tourmenté longuement, avant qu’il ne comprenne que la réponse se trouve dans le savoir inculqué par les études. "Désireux de faire quelque chose de bon pour ma terre natale, j’ai décidé de retourner à Ta Com, muni de mon diplôme universitaire".
Faire 50 km à pieds pour aller à l’école
Du chef-lieu du district de Trung Ly, le chemin conduisant à Ta Com, d’environ 50 km, zigzague à travers nombre de monts et de ruisseaux. L’École primaire de Trung Ly-2 se dresse au sommet d’une montagne, à l’écart du village. Il s’agit d’une construction en dur, comprenant trois salles de classe où se réunissent chaque jour plus de 80 élèves H’mông.
Le jeune instituteur accueille les visiteurs avec un léger sourire sur ses lèvres. À 27 ans, il se voit plus vieux que son âge. "J’ai connu un parcours difficile pour finalement devenir professeur d’école". L’histoire de sa vie écolière puis estudiantine n’est en effet pas comme les autres.
Sùng A Chai est l’aîné d’une famille paysanne qui compte six frères et sœurs. Malgré la pauvreté, ses parents cherchaient par tous les moyens à envoyer leurs enfants à l’école. Généralement, après les classes élémentaires ouvertes au village, les enfants H’mông arrêtent leurs études pour travailler avec la famille.
"Studieux de nature, je ne voulais pas m’arrêter là ! Mais, pour faire les études secondaires de l’enseignement de base, on devait aller jusqu’au chef-lieu de Trung Ly, situé à plus de 50 km de chez moi. Le long chemin exige une pleine journée de marche".
Soutenu par quelques amis, le brave garçon décida de monter une baraque près de son école, où les petits hommes dormaient après leurs heures d’études à l’école. "Deux fois par mois, on retournait en week-end, à pieds bien sûr, au village pour visiter la famille et prendre de la nourriture qui n’était simplement que du riz et du légume".
Se marier à 12 ans et poursuivre ses études
L’instituteur Sùng A Chai enseigne à une élève de 2e classe à lire. |
Photo : TN/CVN |
Et puis, survint un événement inattendu : les parents de Sùng A Chai voulurent qu’il abandonne l’école et qu’il se marie. En réalité, chez les H’mông, se marier à l’âge de 12 ans s’avère encore une pratique normale. Sa future épouse, du nom de Hang Thi Giang et originaire du district montagneux de Hua Nhan, province de Son La, n’avait alors que 11 ans.
"Après le mariage, j’ai dû rester au village pour travailler auprès de la famille. Chaque jour, je défrichais des terrains de montagne afin de pratiquer la culture en brûlis. La vie était pénible, et le travail encore plus. À cela venait s’ajouter le fléau de la drogue qui faisait rage. Nombre d’habitants, les jeunes surtout, devenaient alors toxicomanes".
Révolté par cette situation, le jeune homme ne voulait pas cette vie de misère. "Il était évident qu’on ne pouvait pas changer notre vie sans étudier. En plus, l’école me manquait énormément. Après avoir bien réfléchi, j’ai décidé de retourner à Trung Ly".
Sa femme Hang Thi Giang devint alors son plus grand "appui spirituel et matériel" puisqu’elle ne ménagea pas sa peine pour offrir à son mari de quoi de nourrir pendant les dix ans qu’il allait passer à l’étude : collège, lycée puis université. Malgré les difficultés, l’espoir était de mise, et quatre beaux enfants naîtront bientôt de leur union.
À la sortie de l’université, Sùng A Chai prit la décision de retourner chez lui pour devenir instituteur à l’école primaire. "Les enfants sont l’avenir du pays. Mon souhait ultime est d’apporter aux petits H’mông des connaissances générales et un savoir-faire pour qu’ils puissent grandir honorablement et ainsi être capables de se construire une vie heureuse sur notre terre natale".
Que son vœu puisse être exaucé !