>>Première messe à Notre-Dame depuis l’incendie
>>Première messe samedi 15 juin à Notre-Dame, en comité restreint, deux mois après l'incendie
Capture d'écran d'une vidéo de l'AFPTV montrant l'horloge de l'Église de la Sainte-Trinité à Paris, le 20 juin. |
Il faut monter un petit escalier en colimaçon, aussi étroit que sombre, pour arriver à une sorte de remise, située exactement sous les cloches de l'Église de la Sainte-Trinité, en plein Paris.
Là, parmi un bric-à-brac de statues d'anges oubliées, de sculptures abandonnées et de vieux meubles, une horloge gigantesque sommeille, à peine visible derrière une cloison de bois à la peinture écaillée et aux fenêtres brisées.
Alors qu'il réalise un inventaire pour le compte d'experts en objets d'art, l'horloger Jean-Baptiste Viot pénètre en mai dans cette petite pièce à l'odeur de renfermé, avec en tête les images de l'horloge de Notre-Dame, détruite dans le violent incendie d'avril. C'est le choc quand il découvre que le mécanisme de plus de deux mètres de long oublié au fond de la Sainte-Trinité est "identique".
"C'est incroyable. C'est la même. La même", répète-t-il en lustrant de sa main noircie la plaque d'étain ornant l'horloge, pour faire apparaître une inscription qui ne trompe pas sur son lien de parenté: "Année 1867. Construite par Collin", soit la même année que celle de Notre-Dame. Et par le même atelier.
À moins de 4 km de la cathédrale Notre-Dame, M. Viot vient de mettre la main sur la sœur-jumelle, ou presque, de l'horloge qui a quasiment entièrement fondu dans l'incendie.
"C'est une chance énorme. C'est comme si on retrouvait une autre édition d'un livre qui aurait brûlé. C'est inestimable", explique-t-il.
Notre-Dame sans horloge?
À la différence de la charpente de Notre-Dame, l'horloge n'avait pas été numérisée avant sa destruction. Les plans ayant disparu, aucune indication n'existe donc, sauf des photos, pour guider sa reconstruction.
La découverte de l'horloge de la Sainte-Trinité est inespérée: "Elle nous permet d'avoir une base de travail pour refaire les pièces" de celle de Notre-Dame. "Elle va servir d'étalon", selon M. Viot.
"C'est presque miraculeux d'avoir fait cette découverte", acquiesce Olivier Chandez, l'horloger de Notre-Dame. "Si on n'avait eu que des photos, il aurait fallu extrapoler. Mais avec ce modèle, on a toutes les cotations et on peut lancer les fabrications", explique l'expert.
Rendue obsolète par la fée électricité qui compte dorénavant les heures à La Sainte-Trinité, l'horloge n'a pas tourné depuis plus de cinquante ans. Mais il suffit de donner un bon coup de manivelle pour qu'à nouveau le tic-tac se fasse entendre. "C'est fou. Cinquante ans après. Même la sonnerie est fonctionnelle", se réjouit Jean-Baptiste Viot.
Mais il n'est pas question de tout simplement déshabiller Sainte-Trinité pour habiller Notre-Dame en y transférant l'horloge, tranche M. Chandez: "C'est le même modèle mais il y a quand même quelques différences: celle de Notre-Dame était un peu plus élaborée. Il n'est donc pas possible de faire l'échange standard".
L'horloger voudrait plutôt qu'une "vraie réplique" retrouve l'emplacement que l'horloge occupait avant le sinistre, exactement sous la flèche disparue, sous les toits.
Mais pour ce faire, encore faut-il que cette reconstruction s'inscrive dans le projet global de rénovation de l'édifice. "Qu'on reconstruise sans horloge, c'est une crainte, oui" , avertit M. Chandez.
Pourtant, la reconstruction de l'horloge "serait une goutte d'eau" dans les fonds déjà promis pour la reconstruction (850 millions d'euros à la mi-avril). "Si elle coûte 1% du budget global, ce serait déjà le bout du monde", estime M. Chandez.
En tout cas, le "maître du temps" de Notre-Dame refuse de concevoir une "nouvelle" cathédrale sans son cadran: "tous les édifices religieux ont une horloge. Tous".
Et Jean-Baptiste Viot d'abonder: "Une cathédrale sans horloge, c'est comme un porte-avions sans avions".