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Un des deux interphones mis en place à l'entrée des urgences, le 20 juillet 2022 à Montauban. |
Pour éviter l'engorgement de son service des urgences, en manque de médecins, l'Hôpital de Montauban est un des premiers en France à en filtrer l'entrée, nuit et jour, grâce à deux interphones.
Le vert est réservé aux patients ayant obtenu un accord téléphonique préalable de prise en charge. Via le rouge, les autres peuvent expliquer leur cas, avant d'être autorisés à entrer. Ou pas.
Ce "filtrage", mis en place depuis début juillet, vise à faire le tri pour ne traiter que les cas "relevant vraiment" des urgences, explique l'une des chefs du service, Hélène Pizzut, 45 ans.
Le nouveau procédé se traduit par une "diminution moyenne de 25% du nombre de passages" et "le recentrage sur son coeur de métier" du service, afin aussi d'attirer davantage d'urgentistes, en nombre insuffisant en France.
Des gens se présentant sans rendez-vous sont orientés vers d'autres centres médicaux susceptibles de les soigner, comme cet homme d'une quarantaine d'années, son frère pâle de douleur et son fils autiste.
25% de patients en moins
Avec plus ou moins de succès : trois heures plus tard, il est à nouveau là, renvoyé par le centre auquel il avait été adressé. Devant la même porte fermée, il reste poli, mais semble fatigué et en colère.
Ces dernières années, le nombre de patients venant aux urgences a explosé. "On était il y a vingt ans à 20.000 entrées, on est actuellement à 40.000" par an, affirme à l'AFP l'autre chef de service, Dominique Coppin.
Cette croissance coïncide avec une baisse du nombre de généralistes libéraux. Dans le Tarn-et-Garonne, 10% de la population n'a pas de médecin traitant, rappelle cet urgentiste de 67 ans.
Si l'activité reste soutenue, elle est moins intense qu'elle ne le serait sans "filtrage", souligne-t-il, montrant la salle d'attente, où sont assis trois patients. "La vingtaine de places seraient toutes occupées."
Dans un couloir, plusieurs brancards vides. Sans "régulation" à l'entrée, ils seraient tous pris aussi, poursuit Dominique Coppin. Ce soir-là, seule une femme âgée y attend d'être soignée.
Un peu plus loin, deux patients sont alités, chacun dans une salle équipée d'appareils de mesure. Une quinzaine de personnes au total sont à ce moment-là prises en charge aux urgences.
Travailler sereinement
D'un pas rapide, médecins et soignants passent d'une salle à l'autre, d'un box à l'autre, s'arrêtent devant un écran pour consulter les dossiers des patients, échangent entre eux.
S'ils n'arrêtent jamais, ils ne semblent toutefois pas particulièrement stressés. Pour Hélène Pizzut, depuis la mise en place des interphones, le personnel peut en effet travailler avec davantage de "sérénité".
Le choix fait à Montauban correspond, admet-elle, à l'idée que se fait le gouvernement de l'accès aux urgences.
Pour limiter leur engorgement, le nouveau ministre de la Santé, François Braun, a exhorté à contacter d'abord "le 15", où les appels ont du même coup augmenté.
Ainsi, à Montauban, la baisse de 25% de l'activité aux urgences s'est accompagnée d'une hausse de plus de 50% des appels au Samu.
La Première ministre, Elisabeth Borne, a aussi souhaité début juillet "que chacun puisse prendre le réflexe du +15+ et ne pas venir systématiquement aux urgences".
Elle relayait ainsi plus sobrement le message de M. Braun qui avait estimé, avant sa prise de fonction : "Les urgences, ça ne peut plus être +open bar+!".
Mais le président de l'association des usagers de l'Hôpital de Montauban, Maurice Souleil, voit les choses autrement.
Selon lui, il vaudrait mieux revenir sur des décennies de "politiques de destruction de l'hôpital public", cause de la saturation des urgences et des déserts médicaux.
Il dénonce aussi la limitation des entrées en faculté de médecine - numerus clausus supprimé en 2018 - ou le financement des hôpitaux en fonction de leur niveau d'activité.
À Montauban, les usagers s'inquiètent en outre du projet de construction d'un nouvel hôpital en dehors du centre-ville, qui leur serait moins accessible.
AFP/VNA/CVN