>>La biodiversité du Vietnam en péril
>>Un potentiel touristique à exploiter
>>Pour la gestion et la préservation durable de la biodiversité
Dans le Parc national de Xuân Thuy, province de Nam Dinh (Nord). |
Photo : Lâm Khanh/VNA/CVN |
Le pays compte 164 Parcs nationaux et Réserves naturelles, d’une superficie totale de 2,2 millions d’hectares. Parmi eux, six parcs nationaux sont gérés par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, à savoir Tam Dao, Ba Vi, Cuc Phuong, Bach Ma, York Dôn et Cat Tiên. Le reste est pris en charge par les localités concernées.
Selon de nombreux experts, l’envahissement des aires protégées s’aggrave de plus en plus. L’affaire sur la construction d’une zone de villégiature dans le Parc national de Ba Vi a récemment fait le buzz, mais c’est loin d’être un cas isolé.
Des aires protégées… sur le papier
Ce type de violation est monnaie courante dans plusieurs réserves naturelles et parcs nationaux comme York Dôn (Kon Tum), Son Trà (Dà Nang), Cat Tiên (Lâm Dông)... «Cette situation est due au manque de lien dans la gestion entre le ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement et celui de l’Agriculture et du Développement rural», estime le Docteur Nguyên Cu, spécialiste de l’aménagement et de la préservation de la nature.
«On n’a pas encore déterminé l’objectif des parcs nationaux et réserves naturelles : préservation de la biodiversité, des écosystèmes ou développement économique», considère-t-il. Le Docteur Vu Ngoc Thành, de l’Université des sciences naturelles, dépendant de l’Université nationale de Hanoi, a informé que la Réserve naturelle de Son Trà, dans la province de Dà Nang, abrite actuellement une forte population de Douc (Pygathrix nemaeus), une espèce de primates menacée par le braconnage et la destruction de son habitat naturel. «Auparavant, cette réserve s’étendait sur 4.000 ha mais maintenant, elle n’en compte plus que 2.000 ha en raison de l’urbanisation et du développement touristique, précise-t-il. En plus, la Sarl du commerce et du tourisme Cat Tiên Sa est en train d’élaborer un projet de villégiature sur 142 ha dans la réserve même, là où vivent sept groupes de ces singes, soit 100 individus. Par ailleurs, environ 200 ha de zones de gagnage (là où les primates s’alimentent, ndlr) seront aussi aménagés pour la construction de l’hôtel». Tout le monde est au courant. Mais que font donc les autorités concernées ?!
Selon le Docteur Nguyên Ngoc Lung, directeur de l’Institut de gestion durable des forêts, «ces derniers temps, bien des responsables locaux ont fermé les yeux devant la construction de villégiatures dans les Parcs nationaux et des Réserves naturelles. En principe, les Parcs nationaux et les forêts sont gérés par les gardes-forestiers. Chaque jour, ils y effectuent des patrouilles, donc ils sont bien au courant de ce qui s’y passe».
Hua Duc Nhi, ancien vice-ministre de l’Agriculture et du Développement rural, a fait savoir que l’arrêté gouvernemental 117/2010 sur l’organisation et la gestion des forêts à usage spécifique permet d’aménager en zones les Parcs nationaux et Réserves naturelles au service de l’«écotourisme». Un écotourisme pérenne, réglementé et non invasif, si possible...
L’écotourisme à toutes les sauces
Patrouille dans le Parc national de Cat Bà, ville de Hai Phong (Nord). |
Photo : Lâm Khanh/VNA/CVN |
Lors d’un récent colloque organisé à Hanoi sur la situation dans les Parcs nationaux et Réserves naturelles, Trinh Lê Nguyên, directeur du Centre de l’homme et de la nature, a exprimé son inquiétude devant les impacts négatifs de l’exploitation et du développement touristique dans les Parcs nationaux et les Réserves naturelles.
Il faut selon lui éclaircir cette notion d’«écotourisme». Car ce vocable est devenu très populaire et utilisé à toutes les sauces, beaucoup d’installations prétendument écotouristiques, qui voient le jour sous le couvert d’une «exploitation écologique», n’ont en fait qu’un seul objectif : faire de l’argent rapidement. L’écotourisme, ce n’est certainement pas investir massivement dans la construction de routes, de villégiatures, de piscines, de villas, de téléphériques... au cœur des aires protégées. Pour mieux gérer ces zones, les experts demandent de définir les responsabilités, et de déterminer clairement les fonctions de ces territoires. Et une fois celles-ci précisées, il faut s’y tenir.
Selon Ceballos-Lascurain, expert mondialement connu du tourisme culturel et du tourisme vert, «l’écotourisme est une forme de tourisme qui consiste à visiter des zones naturelles relativement intactes ou peu perturbées, dans le but précis d’étudier et d’admirer le paysage, et les plantes et animaux sauvages qu’il abrite, de même que toute manifestation culturelle (passée et présente) observable dans ces zones».
En outre, il faut continuer de sensibiliser les habitants et surtout les autorités à la protection de la nature, à l’utilisation raisonnée des ressources naturelles. Les politiques de récompense et d’encouragement dans la protection des milieux naturels ainsi que les sanctions en cas de violations sont importantes. «Actuellement, on peut dire que bien des responsables sont conscients de la nécessité de protéger la nature. Cependant, il existe encore des violations flagrantes. C’est pourquoi, il faut renforcer les activités de communication et sanctionner de manière exemplaire les violations», juge le Docteur Nguyên Ngoc Lung.