Michaëlle Jean s’engage pour la Francophonie du XXIe siècle

Lors de sa visite au Vietnam, Michaëlle Jean, 27e gouverneur général et commandante en chef du Canada (2005-2010), candidate au poste de secrétaire général de l’OIF, a accordé, le 13 novembre à Hanoi, au Courrier du Vietnam une interview exclusive sur la Francophonie et les relations vietnamo-canadiennes.

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Le 15e Sommet de la Francophonie se tiendra à la fin du mois de novembre au Sénégal. En votre qualité de candidate au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), pourriez-vous nous parler un peu de votre plan d’action ?

Michaëlle Jean, 27e gouverneur général et commandante en chef du Canada (2005-2010).

Avant de parler de mon plan d’action, j’aimerais dire un mot sur les motivations de ma candidature, motivations qui reposent principalement sur mes convictions et mon désir de servir la Francophonie.
La Francophonie est un formidable idéal mais aussi un pacte fraternel et solidaire auquel je crois. Je suis profondément francophone, de par mes origines et mon histoire. Toute ma vie, j’ai défendu les valeurs fondatrices de la Francophonie : solidarité, fraternité, dialogue, diversité, démocratie, paix, justice, droits, liberté, égalité entre les hommes et les femmes, bonne gouvernance, transparence, responsabilité, citoyenneté engagée.
Au cours de mon mandat de gouverneure générale du Canada, j’ai effectué de très nombreuses visites d’État, dont plusieurs dans des pays de l’espace francophone. Cela m’a permis de faire un bon état des lieux des défis, des aspirations et des volontés des dirigeants et citoyens de pays de la Francophonie. La candidature que je porte propose donc de donner un nouveau souffle à l’espace francophone. Je crois la Francophonie du XXIe siècle assez audacieuse et mûre pour choisir la différence, la modernité, et se donner un nouveau visage en confiant à une femme sa direction pour les années à venir, comme tant d’États et d’organisations d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie.
Pour ce qui est de mon plan d’action, il reconnaît que la Francophonie est non seulement un espace riche d’expressions culturelles diverses, mais aussi un espace politique. Comme vous le savez sans doute, suite à la demande des chefs d’État et de gouvernement formulée lors du sommet de Kinshasa, l’OIF travaille à élaborer et mettre en œuvre une stratégie économique.

Michaëlle Jean (droite) accorde, le 13 novembre à Hanoi, au Courrier du Vietnam une interview exclusive sur la Francophonie et les relations vietnamo-canadiennes.


Je souhaiterais que l’Organisation puisse porter ce projet comme un puissant catalyseur en rassemblant nos penseurs, nos économistes, nos experts, nos chercheurs, nos entrepreneurs, nos créateurs, nos artistes et nos artisans. À mon avis, il faut davantage fédérer nos efforts, nos réalisations, nos expériences, nos institutions et nos modèles de développement et tirer stratégiquement profit de tous ces réseaux économiques auxquels nous appartenons. C’est une perspective qui m’inspire au plus haut point, car je sais rassembler.
L’OIF peut jouer un rôle déterminant en créant les conditions favorables aux États et gouvernements membres qui souhaitent développer leurs économies, intensifier leurs capacités de production et maximiser leurs échanges commerciaux. L’espace francophone est un ensemble au sein duquel il existe des complémentarités économiques extraordinaires. À nous d’impulser une action, dans le long terme, de manière focalisée et stratégique, afin d’accroître et dynamiser les partenariats et collaborations Nord-Sud, mais aussi Sud-Sud.
Dans cette perspective, les pays francophones d’Asie du Sud-Est, et en particulier le Vietnam, occupent une place de choix. Par exemple, je sais que le Vietnam est déjà très actif dans les échanges Afrique-Asie. La croissance démographique et économique de ces deux pôles représente un levier incroyable pour une Francophonie économique forte.
Mais, pour y arriver, il est indispensable que nous veillions à la promotion et au rayonnement de la langue française. Non pas contre une ou plusieurs autres langues, mais en faisant place à la diversité de nos expressions culturelles et linguistiques. Là est notre force.
Nous, francophones, avons parfois tendance à sous-estimer le levier que représente la langue française, une chance extraordinaire pour notre rayonnement dans le monde. Nous devons voir la langue française comme un outil précieux de diplomatie et un levier de convergence nous permettant de nous tailler stratégiquement, ensemble, une place dans l’économie mondiale
L’avenir de la Francophonie auquel je crois et qu’il faut réaliser, concerne tous les peuples de l’espace francophone, sur les cinq continents, de l’Amérique à l’Asie, en passant par l’Europe et l’Afrique. Le potentiel de rayonnement de la langue française demeure immense.
Le Vietnam et le Canada ont établi leurs relations diplomatiques en 1973. Depuis lors, les relations bilatérales n’ont cessé de se développer. Pourriez-vous faire le point sur ces relations au cours de ces dernières années, notamment dans le cadre de la Francophonie ?

Michaëlle Jean entourée de jeunes étudiantes vietnamiennes au Temple de la Littérature, la première université du Vietnam, le 13 novembre à Hanoi.
Photo : ADC/CVN


Le Canada et le Vietnam entretiennent une longue relation d’amitié et leur relation bilatérale devient de plus en plus importante, d’autant plus que le Vietnam est un pays cible de la Stratégie du Canada en matière d’éducation internationale, du Plan d'action sur les marchés mondiaux et de la Coopération au développement.
Cette relation fut renforcée en septembre dernier lors de la visite à Ottawa du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Vietnam, Pham Binh Minh. Dans le cadre de cette visite, le Canada et le Vietnam ont signé une lettre d’intention afin d’améliorer leur collaboration dans les domaines des relations politiques, diplomatiques, commerciales et économiques, du développement, en éducation et dans la protection et la promotion des droits de la personne.
Nos liens d’amitiés sont profonds. Environ 220.000 personnes d’origine vietnamienne vivent au Canada, ajoutant leur culture distincte à la société canadienne et enrichissant ainsi notre compréhension mutuelle.

Des bénéficiaires du Programme canadien de bourses de la Francophonie 2014.
Photo : ADC/CVN


Actuellement, de nombreux étudiants vietnamiens choisissent le Canada pour faire leurs études universitaires. Quelles sont les politiques relatives aux bourses d’études dans votre pays et quelles en sont les modalités ?
Le gouvernement du Canada finance le programme canadien de bourses de la Francophonie (PCBF) pour tous les pays de la Francophonie, y compris bien sûr le Vietnam. La bourse a été conçue pour encourager les jeunes vietnamiens à venir faire leurs études au Canada pour ensuite revenir ici au Vietnam y travailler. Elle s’applique à tous les niveaux d’études, autant technique (collégial) qu’universitaire.
De plus, depuis cette année, l’Université d’Ottawa, dont je suis la chancelière, offre une exemption partielle des droits de scolarité à tous les étudiants qui viendront poursuivre leurs études en français. Ce dispositif réduit les frais de scolarité au même tarif que celui d’un étudiant canadien.

Michaëlle Jean entourée de jeunes étudiantes vietnamiennes en ao dài (tenue traditionnelle des femmes vietnamiennes).

Mais au-delà de ces incitatifs qui existent pour encourager les jeunes vietnamiens à venir poursuivre leurs études en français au Canada, nous devons veiller à renforcer l'enseignement de la langue française et démocratiser l'accès à l’éducation en français partout dans le monde.
La semaine dernière, l’Observatoire de la langue française rendait public un rapport qui prévoit que, d’ici 2050, le français deviendra l'une des langues plus parlées sur la planète grâce, notamment, à la croissance démographique en Afrique. Ce même rapport fait état d’une augmentation de 7% du nombre de locuteurs francophones dans le monde depuis 2010 et souligne que, sur la même période, l’apprentissage du français langue étrangère a fait un bond spectaculaire ici en Asie et en Océanie (+ 43%).
Ces chiffres sont encourageants, certes, mais ils représentent aussi un défi à relever pour la Francophonie. En effet, nous devons continuellement renouveler les méthodes d'enseignement, moderniser les programmes d’études de langue française et assurer la professionnalisation du corps enseignant tout en visant l’universalité et une qualité accrue.

Vi Mai/CVN

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