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Des danseurs de Juchitan posent lors d'une répétition pour le festival de la Guelaguetza, la plus grande fête traditionnelle mexicaine, le 29 juillet 2018 à Oaxacan. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Le plus fort séisme jamais enregistré dans le pays, de magnitude 8,2, a fait au moins 96 morts dans la région, ensevelissant des familles entières, coupant la mairie en deux, et laissant les rues de ville parsemées de débris, sans eau, ni électricité.
"Nous avons aidé à chercher des survivants et distribué de la nourriture", se souvient, ému, le directeur de cette troupe amateur de danse traditionnelle. "Puis au bout d'un moment, nous avons décidé de danser car la population avait besoin de distraction pour surmonter le choc".
Les nombreuses fêtes qui rythment habituellement la vie de la communauté ont cependant toutes été annulées après la tragédie. "Nous sommes toujours en deuil" souligne-t-il. Les danseurs ont néanmoins décidé de se rendre à Oaxaca, la capitale de l'État, pour participer à la Guelaguetza, la plus grande fête traditionnelle mexicaine.
Des danseurs traditionnels au festival de la Guelaguetza, le 30 juillet à Oaxacan, au Mexique. "Nous voulons remercier le pays pour son soutien" explique Jimenez, 33 ans, et clamer "aux yeux du monde que +Juchitan vit, et vive Juchitan!+".
Des maisons effondrées après un séimse à Juchitan, le 10 septembre 2017 dans l'État d'Oaxaca, au Mexique. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Succès d'audience
Le grand rassemblement de la Guelaguetza, qui signifie "offrande" dans la langue indigène zapotèque, est lui-même né d'un autre séisme, celui qui a dévasté la ville de Oaxaca en 1931. Après ce drame, il a été décidé de créer une fête rassemblant les multiples cultures locales "pour prier la vierge et exprimer sa solidarité" relate le porte-parole de cet État, Alfonso Martinez Cordoba.
Bien plus qu'un festival, la Guelaguetza est depuis 86 ans un événement incontournable, témoignant de la richesse des cultures locales mexicaines. Il s'agit "d'une représentation des profondes traditions culturelles", poursuit Martinez.
Chaque année, une trentaine de troupes présentent lors d'un défilé et d'une représentation devant 12.000 spectateurs, leur culture traditionnelle, dansant dans des costumes colorés, parfois un ananas ou un vase à la main, ou encore arborant un masque de démons et faisant claquer un fouet.
La cérémonie, retransmise à la télévision locale, réalise de grands succès d'audience, et la semaine de festivité attire plus de 110.000 visiteurs à Oaxaca. Pour la capitale du deuxième État le plus pauvre du Mexique, les retombées économiques sont importantes, estimées à plus 16 millions de dollars, selon les autorités locales.
Des danseurs traditionnels au festival de la Guelaguetza, le 30 juillet à Oaxacan, au Mexique. |
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Beyoncé
Participer à la Guelaguetza est une consécration pour les nombreuses communautés de cette région de quatre millions d'habitants.
Le comité de sélection est composé de dix anciennes danseuses, à la moyenne d'âge de 75 ans, mais à l'oeil aiguisé et redoutable. "Nous avons parcouru 29.000 kilomètres l'an dernier" se félicite Margarita, 82 ans, la présidente du comité de sélection, aussi appelé "comité d'authenticité".
Les vieilles dames, garantes de la tradition, arpentent les villages reculés et sélectionnent les meilleures troupes. "Nous évaluons la qualité de la danse, le vêtement, la coiffure, l'harmonie entre les couples de danseurs" explique-t-elle à l'AFP.
L'enjeu est tel que les communautés écartées vont parfois jusqu'à manifester dans la capitale ou se plaindre par voie de presse. "Participer est une grande fierté pour nous", confirme Nivardo, 34 ans, directeur d'une troupe. L'État de Oaxaca est celui "où il y a le plus de communautés indigènes, seize langues y sont recensées", rappelle Martinez.
Pas question d'arborer ici un vêtement redessiné, ou d'introduire un pas de danse inspiré de Beyoncé. Chaque vêtement raconte une histoire locale. Un motif sur une robe "symbolise les montagnes qui surplombent le village", une broderie suggère la rivière qui traverse le hameau, voire l'"inframonde", détaille Nivardo.
Dès leur plus jeune âge, les enfants baignent dans cette culture locale, toujours vivante. Certains jeunes écoutent parfois du hip-hop mais sans jamais s'éloigner de leur culture traditionnelle, assure Graciela, 31 ans, danseuse venue de Santa Maria Tlahuitoltepec. "Nous apprenons le solfège avant même de savoir écrire" souligne-t-elle. "Ce rythme gai nous identifie, c'est notre culture".
La fête de la Guelaguetza est aussi un trait d'union entre la pléthore de communautés parfois isolées de cet État montagneux, où les conflits agraires débouchent parfois sur des violences.
AFP/VNA/CVN