Mer Orientale : l’action chinoise condamnée par un spécialiste français

En déployant une plate-forme pétrolière en pleine zone économique exclusive vietnamienne, la Chine a porté atteinte aux droits souverains du Vietnam, a déclaré le général Daniel Schaeffer, ancien attaché militaire français au Vietnam (1991-1995), puis en Chine (1997-2000).

Le général Daniel Schaeffer.

Lors d’un entretien accordé à un correspondant de l’Agence Vietnamienne d’Information à Paris, le général Schaeffer, spécialiste des questions de l’Asie de l’Est, a estimé qu’il s’agissait là d’un «élément supplémentaire dans l’action globale de la Chine» qui consiste à s’emparer de la Mer Orientale par le biais de «la ligne en neufs tronçons», et que «cela est illégitime et illégal en droit international». «Si la communauté internationale ne fait rien à ce propos, la Chine va finir par avoir gain de cause puisque, petit à petit, ce qui était au départ des incidents deviendra des droits acquis», a-t-il précisé.

«Dans son objectif global de la Chine qui est de faire valider cette ligne en neuf tronçons délimitant l’espace maritime sur lequel elle se considère souveraine, cet incident vient s’ajouter à tous les autres, comme l’appel d’offre que la China National Oil Offshore Corporation (CNOOC) avait lancé au mois de juin 2012 pour inviter des compagnies étrangères à travailler avec la CNOOC sur neuf blocs situés la zone économique exclusive vietnamienne, donc, au large des côtes vietnamiennes. Cette action s’inscrit aussi dans le fait que la Chine a déclaré une zone de pêche interdite à tout navire étranger, il y a quelque temps... Cela fait partie de sa volonté de renforcer ses prétentions conformément à sa ligne en neuf tronçons», a-t-il indiqué.

Aggravation des prétentions chinoises

Sur les conséquences que les agissements de la Chine pourraient entraîner, le général Schaeffer a dit : «Je ne suis pas persuadé que l’on ait envie d’aller en guerre, ni du côté chinois, ni du côté vietnamien, évidemment ni du côté philippin, ni du côté américain. Mais je pense que les manœuvres chinoises sont faites pour pousser à bout les Vietnamiens puis les amener à céder. On peut prendre l’un des principes de Sun zi, +La plus belle victoire est de gagner la guerre sans faire bataille+. C’est cela que cherchent les Chinois. Donc, on risque d’avoir une aggravation des prétentions chinoises puis une neutralisation de l’ASEAN».

Les navires chinois accompagnant la plate-forme Haiyang Shiyou-981 ont fait preuve d’une attitude agressive en usant de lances haute-pression contre des navires de services et des bateaux civils du Vietnam.

Sur les manières de régler ces différends, le général Schaeffer a souligné que la Chine ne voulait absolument pas que la question de la Mer Orientale soit internationalisée. «Mais elle doit être internationalisée. D’ailleurs, déjà, lorsque la Chine a présenté le 9 mai 2009 par note verbale ses protestations contre l’accord entre le Vietnam et la Malaisie sur le partage du plateau continental en plateaux continentaux étendus, elle a internationalisé le problème».

Il a ajouté que les Chinois disent que la ligne en neuf tronçons existait en 1947, donc avant la convention de Montego Bay (1982), ce qui pour elle justifie l’inapplicabilité des dispositions de cette dernière. Mais cet argument est faux puisque la première revendication officielle chinoise date du 9 mai 2009 où, par cette note verbale à laquelle ils ont annexé une carte avec cette ligne en neuf tronçons. Le fait que carte ait été publiée dans des revues, des journaux ou des atlas officiels n’a pas de valeur juridique parce qu’elle n’était pas accompagnée d’un texte de revendication officielle, comme cette note verbale.

Une juridiction internationale

Sur l’opportunité de porter cette affaire devant une juridiction internationale, le général Schaeffer a donné son accord : «Même si la Chine a dit qu’elle n’acceptait pas certains articles de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer permettant de recourir à des commissions arbitrales ou des cours internationales pour régler les différends, on peut recourir à d’autres articles, c’est ce que les Philippines ont fait pour porter l’affaire devant le tribunal international du droit de la mer. Là, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un accord de la part de la Chine pour que cette affaire soit jugée».

Il a estimé aussi que Vietnam devrait faire plus d’efforts pour faire comprendre au monde entier la nature de ces actes, solliciter des grandes puissances du monde la présentation d’une motion sur l’illégalité de la ligne en neuf tronçons devant l’Assemblée générale des Nations unies, et, simultanément, limiter les prétentions chinoises. Il a aussi insisté : «Il faut que les pays de l’ASEAN soient complètement unis. La solidarité entre les pays de l’ASEAN et une démarche forte de leur part auprès des grandes puissances comme les États-Unis, l’Europe, le Canada, l’Australie et la Russie, leur permettraient de se faire mieux écouter».

Le général a attribué la conception de cette ligne en neuf tronçons pour des questions de sécurité nationale. «Cela est illégitime en droit international. Pour des considérations de défense nationale, la Chine veut s’arroger une mer internationale comme Mussolini a essayé de le faire avec la Méditerranée à l’époque où les Italiens étaient alliés aux Allemands».

Il a souligné que la Mer Orientale «est une mer internationale, elle doit rester internationale». «À partir du moment où nous, Européens, nous sommes concernés par le caractère international de cette mer sans même prendre parti pour le Vietnam, les Philippines ou la Chine, on peut dire cette mer est internationale, il n’y a pas de raison que la Chine veuille l’occuper pour elle toute seule, veuille y faire régner des droits qui ne sont pas juridiquement fondés. Les Chinois disent que l’on pourra toujours naviguer, cependant, tant qu’il n’y aura pas quelque chose de fermement signé avec un engagement fort à la clé, il n’y a pas de raison de ne pas continuer à se battre pour que la ligne en neuf tronçons disparaisse afin que cette mer soit une vraie mer internationale comme elle doit l’être», a-t-il conclu.

 

Bich Hà/CVN

 

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